Nadja

Paris [Espace B] - jeudi 17 mai 2007

Ca me donne envie de chanter le tube des MC Warriors en boucle: "Tu l'as voulu, tu l'as eu..."

Oui, je l'ai voulu et je l'ai eu, mon "concert du siècle" à moi, le concert duquel je dirai à qui voudra l'entendre quand je vivrai retiré dans une cabane de ch'Nord, le long du cap Gris Nez, la pipe au bec bien au chaud pendant que le vent souffle fort: "Tonton Taki y était, les gars !"

Petit retour sur les circonstances: la rage que le petit Nicolas président, l'attitude de petit moutard irresponsable de l'homme qui se fait passer pour un bon père de famille lors de son divorce avec ma mère ont fait naître en moi et tout simplement mon côté animal sont en pleine bourre et je contiens tout en écoutant "Fear of Music" des Talking Heads à fond les ballons (je vous raconte pas comment je me défoule à la fin de 'Animals'...)

Le lieu: le XIXème arrondissement que j'aime particulièrement pour y avoir traîné pas mal de fois à l'occasion de soirées hiphop comme je les aimais dans ma jeunesse. La date: ce sont les 23 ans d'A. (celui du concert de GY!BE du 12/05/2003).

Je viens de boucler mon nouveau recueil de textes, je suis bien éclaté, je discute avec des personnes rencontrées dans différents concerts récents. Bonne ambiance avant de rencontrer le "métal" (ndTaki: je ne suis pas très fort en genre) énergique de Time to burn: de très bons plans, un chanteur qui assure, des breaks très réussis, rien de "téléphoné", je trippe comme un fou au fur et à mesure du set et suis donc positivement chargé pour recevoir Nadja.

Deux morceaux.

Et la sensation de s'être fait pénétrer.

Cette musique m'a saturé les sens, a dompté l'animal et laissé mon cerveau se balader le long de ces rivages d'infra-basses, de beats "nourrissants" et d'éclairs de guitares samplées, distordues, passées à l'archet de cello, des intervalles de fou entre graves et aigus, la sensation que cette musique peut péter à tout instant (on a l'impression que chaque nappe ajoutée à l'ensemble veut aller dans une autre direction), le concert est éprouvant pour les nerfs et la torpeur pèse chaque fois un peu plus sur mes épaules... A chaque nouvelle couche, je succombe un peu plus mais moi aussi, je décide que je peux péter à tout instant mais que je tiendrai, que j'aurai la maîtrise du duo sur scène...

En rentrant, j'ai repensé au livre Nadja de Breton (que j'ai lu il y a de cela deux mois, tout près du cap Gris Nez, dans ch'Nord...), notamment au procédé (les photos intégrées dans la mise en page du livre) par lequel il évite de décrire les lieux pour mieux en décrire l'impact que ces lieux peuvent avoir sur lui quand il y repense. Bah là, c'est pareil, je vois ce qui se passe dans l'espace mais cette description m'est inutile pour partager avec le lecteur ce qui m'anime en cet instant...

Au bout d'un temps qui a semblé infinitésimal et alors que je m'apprêtais à m'allonger près de la scène et tenter de m'endormir tant le plaisir se mêlait à la torpeur, le silence refait surface et le set prend fin.

"Impressive.", dis-je à Aidan Baker. Puis encore sous le choc, je lui demande à quoi servent ses pédales. J'ai l'impression qu'il a un matos "spécial", lui qui vient, avec sa comparse, d'en exploiter toutes les possibilités. Bah non, une delay, trois distos, une sample plus une pédale pitch shifter.

Je sors du bar, taxe une clope. Moi qui ai arrêté de fumer, il me semble expliquer aujourd'hui que mon inconscient réclamait sa clope post-coïtale.

Je reviens, les nerfs épuisés, m'asseoir sur une chaise au fond de la salle pour Year of no Light. J'ai 1,98 de tension tant Nadja m'a vidé. J'en rigole avec les mecs debout derrière moi: "Bientôt, je viendrai avec ma rocking chair aux concerts... Après la papamobile, la Taki Chair !"

Et Year of no Light, armé de nouveaux morceaux, délivre un concert d'une tension parfaite, je me délecte des combinaisons de trois guitares, de cette basse habile, de la cohérence entre les différentes atmosphères parmi lesquelles le groupe bordelais nous aura fait voyager. Au fur et à mesure de leur set, je récupère peu à peu les ressources en moi que Nadja a tant éprouvés. Il y aura quand même eu des moments où je secouais la tête tel un Vincent Vega au volant de sa caisse pour aller chercher Mme Wallace. C'est dire si j'étais encore sous le choc Nadja...

Et je me promets de venir les voir une autre fois, pour profiter de leur "sludge" (ndTaki: c'est ça qu'on dit dans les milieux autorisés ?) de haute volée en pleine possession de mes moyens.

Puis je me rentre en métro, puis RER. Gare du Nord: la petite vieille en moi se prend une soupe tomate-basilic pour éviter la déshydratation et aussi de prendre froid.

Lantern de Clogs, Kid A de Radiohead, Sunrise / Sundown de Jesu défilent en boucle dans mon ipod au retour. Je suis dans un état de semi-conscience et je m'offre à ces musiques et en apprécie tout le côté animal et charnel. Nadja m'a vraiment ouvert de nouveaux horizons. C'était exigeant, certes, c'était dur pour des oreilles (et je n'ai pas d'ear plugs), certes mais le jeu en vaut la chandelle: remettre constamment son amour de la musique et la foi, qu'en exploitant un maximum ses possibilités, on peut tout exprimer avec.

Un post sur xsilence, un suppo et au dodo !

PS: Rien que Time to burn et Year of no light valaient (plus que) le détour... S'il n'y avait pas eu Nadja en plus, j'aurais mis 17 ou 18.


Intemporel ! ! !   20/20
par Takichan


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