Le Loup

Bordeaux [Son'art] - vendredi 31 octobre 2008

La soirée avait pourtant mal commencé. Une demi-heure avant l'ouverture des portes du Son'art, des anglais se rabattent sur ma pauvre voiture et m'arrache le pare choc avant. Le temps de faire comprendre ses torts au conducteur, de faire le constat serrés dans leur voiture, car dehors il pleut et l'obscurité à engloutie Bordeaux depuis longtemps, tout ça en anglais bien sûr, d'apprendre que leur fille connaît Le Loup (quelle coïncidence !), l'horaire d'ouverture des portes est déjà atteint. Je redémarre enfin penaud et fini par trouver une place pas trop loin de la Victoire. Un sprint dans les rues, un ticket déchiré, les battants de porte qui s'ouvrent, une pression à la main me voilà essoufflé, tracassé mais quand même content d'être là et surtout de constater que je n'ai rien perdu, même pas la première partie.

Une heure et demie passe (d'attente et le temps d'un set pas terrible d'un artiste du coin) et le groupe de Washington arrive enfin sur la minuscule scène. Sam Simkoff a sorti un pull en laine d'un marron orangé douteux et une casquette rouge, les plus hideux qu'il a pu trouvé probablement. Il n'est pas entouré de sa troupe au grand complet mais partage quand même la petite estrade avec cinq autres musiciens. Et ce nombre est déjà suffisamment important pour se souvenir que sur The Throne Of The Third Heaven Of The Nations' Millennium General Assembly la simplicité primaire du folk psyché du jeune américain ne nécessitait sûrement pas d'autant de mains. Alors quel rôle à chacun d'eux exactement ? La réponse se trouve apparemment dans l'appétit musical du sextet en tournée. Ce soir, Le Loup ne se contente pas d'être un groupe de bidouilles et de bricolages croisant un folk incantatoire à des micro beats ensorcelants. Au contraire, renforcé par la présente formation plutôt poussée rock (souvent trois guitares de front), ce soir est l'occasion de donner un second souffle à leur répertoire. Car là où l'on pouvait regretter la courte durée des titres de l'album et leur fin souvent nette et précoce, les américains ne font plus primer ce petit côté naturel décalé mais inscrivent bel et bien leurs morceaux dans une renaissance continuelle. Aidé par un son particulièrement clair, malgré quelques larsens les premières minutes, la bande de Simkoff enrichit les mélodies initiales de banjo et mandoline par un cortège électrique à la puissance encore plus unificatrice que de simples chœurs. La ferveur se fait encore mieux sentir, décuplée par ce rayonnement vibratoire, et parvient à animer chacun des acteurs, les faire se trémousser en dépit du peu d'espace qui leur a été cédé. La voilà la différence que l'on cherche chez un groupe habité, ayant son petit grain mais dont on remarque qu'il peine à l'emporter sur ce qu'il reste de rationalité. Et le spectacle n'est que plus beau de voir que nos attentes sont largement dépassées, prises d'assaut par autant d'énergie et de vagues sonores que l'on ne soupçonnait pas. "Outside Of This Car, The End Of The World!" se voit ainsi surpassé dans la production d'une envolé rythmique qui nécessite la participation de tout le monde, "Le Loup (Fear Not)" gagne une énergie terrible renversante, "Planes Like Vultures" est tout simplement divin. Les américains ne peuvent que forcer le respect. Ils franchissent par instant un mur de son intense joyeusement bordélique ou d'une stabilité électrique attisée comme par des retours de flamme ayant jailli du sampler qui renie ses pistes et réclame du groupe qu'il joue avec ses tripes. Bref autant de bonheur que de titres en puissance qui ne l'étaient pas forcément à ce point sur galette mais aussi autant de plaisir que de titres inédits, quoi que déjà bien rodés.

Après une première venue au Son'art pour voir Jesu, ce soir j'ai vu Le Loup. Et même si les deux personnages ne combattent pas dans la même catégorie, mon cœur va droit vers ce dernier, mon athéisme mis de côté bien sûr. Rares sont des irradiations d'une telle trempe qui ne se soucient pas de la taille de la salle pour se répandre comme une traînée de poudre consumant la bonne humeur et l'émerveillement de chacun. Des petits concerts privés comme celui j'en mangerais des tonnes.


Parfait   17/20
par TiComo La Fuera


  Setlist:
Morning Song
Le Loup (Fear Not)
Canto I
Sea Took Me
Outside Of This Car, The End Of The World!
We Are Gods! We Are Wolves!
Look To The West
Go East
I Had A Dream I Died
Beach Town
Celebration
Freebird
>>
Breathing Rapture
Planes Like Vultures


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