Nos Primavera Sound
Porto - Portugal [Parque Da Cidade] - samedi 10 juin 2017 |
Ce troisième et dernier jour de festival parviendra-t-il à effacer ma relative déception de la veille ? Le chaud soleil nous a déjà valu une séance de sauna dans le métro, ce n'est pas nécessairement une bonne nouvelle pour mon état de forme.
Et la journée commence par une frustration : dans mes repérages, j'avais snobé les locaux de Evols en raison de leur nom probablement maladroitement inspiré par Sonic Youth. Mauvaise idée : d'après le dernier morceau, le seul que j'aie vu en intégralité, c'était probablement le meilleur groupe local programmé. Un rock noisy énergique rappelant par moments Hüsker Dü. Note pour plus tard : chercher leur page Bandcamp.
Le timing est en revanche parfait pour voir Wand : les potes de Ty Segall sont bien sur scène à l'heure prévue, mais tout le reste semble fait pour dérouter le public : un morceau pop avec piano genre Beatles en ouverture, un enchaînement sur une des tueries garage de leur très bon premier album Golem, et puis des morceaux seventies, limite rock progressif, tortueux et tarabiscotés. Pas facile à suivre. Et c'est au moment où mon camarade McNulty décide de s'accorder une pause technique que le groupe dégaine une reprise nerveuse et puissante de "Cinnamon Girl" comme final d'un de ses morceaux tentaculaires. Autant j'adore ce genre d'exercice quand c'est fait par Car Seat Headrest (je l'ai casé), autant là j'ai plus de mal à accrocher à l'ensemble.
Je n'accroche pas non plus aux Growlers : autant l'album est agréable, autant en concert sur une grande scène, c'est un peu mou. Il faut dire que je ne suis pas très concentré : j'attends avec fébrilité mes retrouvailles avec Shellac. Le trio est bien là, avec son math-rock nerveux, sec et métallique, et son jeu de scène si particulier, ponctué par les incantations très second degré de Steve Albini. Certes, leur set n'est pas aussi long ni aussi intense que leur concert de clôture du TINALS 2016 et semble avoir été perturbé par des problèmes techniques, mais ça reste un des temps forts de la journée et du festival.
Voici venu le moment tant attendu de la pause-sandwich. L'espace restauration se vide au fur et à mesure que les gens vont se masser devant le concert de Metronomy sur la grande scène. De mon côté, je ne renouvelle pas mon erreur de la veille et sitôt mon sandwich au cochon de lait terminé, je me déplace vers la scène Pitchfork pour ne pas manquer une miette du concert de Weyes Blood. La chanteuse américaine plébiscitée par les Inrocks et Libé parvient à s'affranchir de cette étiquette encombrante grâce à une mise en scène étudiée et à beaucoup de malice et de subtilité. Elle arrive sur une scène meublée par deux chandeliers en argent, vêtue d'une combinaison noire sans manches, et accompagnée d'un pianiste qui pourrait officier dans une église, d'un batteur également vêtu de noir et d'un énergumène chargé des bruitages et de la basse. La tenue de ce dernier est visiblement étudiée pour le démarquer du reste de la troupe : cheveux longs de hippie, short à fleurs et marcel rouge recouvert d'une sorte de manteau en peau de bête. Le set n'en garde pas moins une part de solennité : avec sa voix entre Joan Baez et Lisa Gerrard, Natalie Mering installe ses magnifiques chansons avec une grâce teintée d'ironie. Elle ne se prive pas de signaler que c'est à la fois la dernière date de leur tournée et son anniversaire, nous octroyant à cette occasion une reprise (que je n'ai pas su identifier, honte à moi). Malgré la qualité du set, je pars au moment où, après avoir congédié ses musiciens, Natalie Mering se lance dans un dernier morceau toute seule à la guitare.
Nous sommes en effet au point de dilemme maximal : le duo punk Japandroïds vient de démarrer sur une autre scène, et les barjots washingtoniens de The Make Up sont en train de se préparer à l'autre extrémité du Parque da Cidade. J'ai lu tellement de chroniques ébahies des dernières performances de The Make Up que je choisis d'aller découvrir ces derniers, non sans jeter un regard de dépit sur Japandroïds en passant à proximité de leur scène. Et effectivement, le quatuor présente un show incroyable, s'appuyant principalement sur la personnalité déjantée de Ian Svenonius, le chanteur, affublé d'une perruque brune frisée qui passe les trois quarts du concert dans la fosse à haranguer le public à la manière d'un James Brown punk, racontant des histoires hallucinantes à base de rêves érotiques et de maternité. Les quatres membres sont vêtus du même costard doré, de l'élégante bassiste au guitariste James Canty - frère de Brendan, le batteur de Fugazi. Je profite pourtant à peine plus de ce spectacle que de celui de King Gizzard la veille : épuisé, je finis par aller m'asseoir dans l'herbe un peu plus loin, hypnotisé par ce garage-rock sautillant et frénétique. J'ai besoin d'encore un peu d'énergie pour affronter le dernier dilemme : The Black Angels contre Against Me!. Ayant déjà vu plusieurs fois les premiers, je décide d'aller découvrir les seconds, provoquant l'indignation de mes pairs. Ayant une bonne demi-heure devant moi, je décide en repassant devant la grande scène de pénétrer l'univers orwellien d'Aphex Twin : un son et lumière impressionnant mais qui ne me touche pas, émotionnellement. Au bout de dix minutes, je reprends ma route jusqu'à la scène Pitchfork.
Mettre du skate-punk sur une scène Pitchfork, il fallait oser. Pourtant, celui des Floridiens n'est stéréotypé qu'en apparence, comme me l'a montré l'écoute attentive de leurs quatre derniers albums. Certes, le quatuor qui prend possession de la scène accumule les clichés, aussi bien visuellement que musicalement : vêtements noirs, cheveux teints, bras couverts de tatouages, et une maîtrise parfaite de tous les codes sonores du punk-rock formaté des années 90. Pourtant, derrière le folklore, il y a des chansons super bien écrites, et un message touchant : celui de l'acceptation de soi et de la tolérance envers les autres. Ce n'est pas de l'idéologie mais du vécu : Laura Jane Grace, la chanteuse-guitariste, a commencé en solo, et s'appelait jusqu'en 2012 Thomas Gabel. Le punk-rock, c'est son armure et, de plus en plus, son porte-voix. Pour autant, ses interventions entre les morceaux sont courtes et sobres. Ses chansons parlent d'elles-mêmes, depuis le tube punk "I Was A Teenage Anarchist" jusqu'à la cavalcade celtisante "Haunting, Haunted, Haunts" que ne renieraient pas les Levellers. Bref, un set jouissif pour les drogués de la mélodie écorchée.
A ce stade, je suis bon pour aller me coucher. Pourtant, McNulty et Poplaboubou (fin du suspense) vont trouver les mots pour me faire rester une petite heure supplémentaire. Le motif : l'électro-rock planant de Tycho. Malgré quelques problèmes techniques, on est parti pour un son et lumière moins ambitieux mais plus accessible et plus mélodieux que celui d'Aphex Twin. Malheureusement, la fatigue et la foule massée sous le chapiteau finissent par me faire lâcher prise et me ramener en pilotage automatique vers les navettes. C'en est donc fini, sur une note positive, pour ce festival-patchwork pragmatique mais manquant d'un soupçon d'identité et de supplément d'âme. Vivement la Route du Rock...
Et la journée commence par une frustration : dans mes repérages, j'avais snobé les locaux de Evols en raison de leur nom probablement maladroitement inspiré par Sonic Youth. Mauvaise idée : d'après le dernier morceau, le seul que j'aie vu en intégralité, c'était probablement le meilleur groupe local programmé. Un rock noisy énergique rappelant par moments Hüsker Dü. Note pour plus tard : chercher leur page Bandcamp.
Le timing est en revanche parfait pour voir Wand : les potes de Ty Segall sont bien sur scène à l'heure prévue, mais tout le reste semble fait pour dérouter le public : un morceau pop avec piano genre Beatles en ouverture, un enchaînement sur une des tueries garage de leur très bon premier album Golem, et puis des morceaux seventies, limite rock progressif, tortueux et tarabiscotés. Pas facile à suivre. Et c'est au moment où mon camarade McNulty décide de s'accorder une pause technique que le groupe dégaine une reprise nerveuse et puissante de "Cinnamon Girl" comme final d'un de ses morceaux tentaculaires. Autant j'adore ce genre d'exercice quand c'est fait par Car Seat Headrest (je l'ai casé), autant là j'ai plus de mal à accrocher à l'ensemble.
Je n'accroche pas non plus aux Growlers : autant l'album est agréable, autant en concert sur une grande scène, c'est un peu mou. Il faut dire que je ne suis pas très concentré : j'attends avec fébrilité mes retrouvailles avec Shellac. Le trio est bien là, avec son math-rock nerveux, sec et métallique, et son jeu de scène si particulier, ponctué par les incantations très second degré de Steve Albini. Certes, leur set n'est pas aussi long ni aussi intense que leur concert de clôture du TINALS 2016 et semble avoir été perturbé par des problèmes techniques, mais ça reste un des temps forts de la journée et du festival.
Voici venu le moment tant attendu de la pause-sandwich. L'espace restauration se vide au fur et à mesure que les gens vont se masser devant le concert de Metronomy sur la grande scène. De mon côté, je ne renouvelle pas mon erreur de la veille et sitôt mon sandwich au cochon de lait terminé, je me déplace vers la scène Pitchfork pour ne pas manquer une miette du concert de Weyes Blood. La chanteuse américaine plébiscitée par les Inrocks et Libé parvient à s'affranchir de cette étiquette encombrante grâce à une mise en scène étudiée et à beaucoup de malice et de subtilité. Elle arrive sur une scène meublée par deux chandeliers en argent, vêtue d'une combinaison noire sans manches, et accompagnée d'un pianiste qui pourrait officier dans une église, d'un batteur également vêtu de noir et d'un énergumène chargé des bruitages et de la basse. La tenue de ce dernier est visiblement étudiée pour le démarquer du reste de la troupe : cheveux longs de hippie, short à fleurs et marcel rouge recouvert d'une sorte de manteau en peau de bête. Le set n'en garde pas moins une part de solennité : avec sa voix entre Joan Baez et Lisa Gerrard, Natalie Mering installe ses magnifiques chansons avec une grâce teintée d'ironie. Elle ne se prive pas de signaler que c'est à la fois la dernière date de leur tournée et son anniversaire, nous octroyant à cette occasion une reprise (que je n'ai pas su identifier, honte à moi). Malgré la qualité du set, je pars au moment où, après avoir congédié ses musiciens, Natalie Mering se lance dans un dernier morceau toute seule à la guitare.
Nous sommes en effet au point de dilemme maximal : le duo punk Japandroïds vient de démarrer sur une autre scène, et les barjots washingtoniens de The Make Up sont en train de se préparer à l'autre extrémité du Parque da Cidade. J'ai lu tellement de chroniques ébahies des dernières performances de The Make Up que je choisis d'aller découvrir ces derniers, non sans jeter un regard de dépit sur Japandroïds en passant à proximité de leur scène. Et effectivement, le quatuor présente un show incroyable, s'appuyant principalement sur la personnalité déjantée de Ian Svenonius, le chanteur, affublé d'une perruque brune frisée qui passe les trois quarts du concert dans la fosse à haranguer le public à la manière d'un James Brown punk, racontant des histoires hallucinantes à base de rêves érotiques et de maternité. Les quatres membres sont vêtus du même costard doré, de l'élégante bassiste au guitariste James Canty - frère de Brendan, le batteur de Fugazi. Je profite pourtant à peine plus de ce spectacle que de celui de King Gizzard la veille : épuisé, je finis par aller m'asseoir dans l'herbe un peu plus loin, hypnotisé par ce garage-rock sautillant et frénétique. J'ai besoin d'encore un peu d'énergie pour affronter le dernier dilemme : The Black Angels contre Against Me!. Ayant déjà vu plusieurs fois les premiers, je décide d'aller découvrir les seconds, provoquant l'indignation de mes pairs. Ayant une bonne demi-heure devant moi, je décide en repassant devant la grande scène de pénétrer l'univers orwellien d'Aphex Twin : un son et lumière impressionnant mais qui ne me touche pas, émotionnellement. Au bout de dix minutes, je reprends ma route jusqu'à la scène Pitchfork.
Mettre du skate-punk sur une scène Pitchfork, il fallait oser. Pourtant, celui des Floridiens n'est stéréotypé qu'en apparence, comme me l'a montré l'écoute attentive de leurs quatre derniers albums. Certes, le quatuor qui prend possession de la scène accumule les clichés, aussi bien visuellement que musicalement : vêtements noirs, cheveux teints, bras couverts de tatouages, et une maîtrise parfaite de tous les codes sonores du punk-rock formaté des années 90. Pourtant, derrière le folklore, il y a des chansons super bien écrites, et un message touchant : celui de l'acceptation de soi et de la tolérance envers les autres. Ce n'est pas de l'idéologie mais du vécu : Laura Jane Grace, la chanteuse-guitariste, a commencé en solo, et s'appelait jusqu'en 2012 Thomas Gabel. Le punk-rock, c'est son armure et, de plus en plus, son porte-voix. Pour autant, ses interventions entre les morceaux sont courtes et sobres. Ses chansons parlent d'elles-mêmes, depuis le tube punk "I Was A Teenage Anarchist" jusqu'à la cavalcade celtisante "Haunting, Haunted, Haunts" que ne renieraient pas les Levellers. Bref, un set jouissif pour les drogués de la mélodie écorchée.
A ce stade, je suis bon pour aller me coucher. Pourtant, McNulty et Poplaboubou (fin du suspense) vont trouver les mots pour me faire rester une petite heure supplémentaire. Le motif : l'électro-rock planant de Tycho. Malgré quelques problèmes techniques, on est parti pour un son et lumière moins ambitieux mais plus accessible et plus mélodieux que celui d'Aphex Twin. Malheureusement, la fatigue et la foule massée sous le chapiteau finissent par me faire lâcher prise et me ramener en pilotage automatique vers les navettes. C'en est donc fini, sur une note positive, pour ce festival-patchwork pragmatique mais manquant d'un soupçon d'identité et de supplément d'âme. Vivement la Route du Rock...
Très bon 16/20 | par Myfriendgoo |
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