Kero Kero Bonito
Bonito Generation |
Label :
Double Denim |
||||
"I just put the radio on
Heard a song I can't stop thinking 'bout it
Though it didn't last very long
It's in my hea-a-ad !
Plus I didn't catch who it was
But it sort of sounded like a big hit
Are you gonna play it some more ?
Guess I'll keep on listening."
Ça pourrait presque être mon histoire avec Kero Kero Bonito, mais ça ne sont que les paroles que Sara Midori Perry, frontgirl métisse nippo-british de KKB, entonne joyeusement sur "Heard a Song", habile mise en abyme sur le fait d'entendre une chanson à la radio qu'on ne peut plus s'enlever du crâne. Car c'est effectivement ce qu'il se passe pour peu qu'on se laisse happer par le vortex de l'électropop ultra catchy du trio : on est condamné – sinon l'écouter en boucle (tout le monde n'est pas moi) – à avoir ces mélodies et ces paroles en repeat dans la tête pour un moment. Ça n'est pas nécessairement gage de qualité notez bien, repensez à toutes les fois qu'une chanson de merde vous agrippe à corps défendant ; mais alors qu'on serait vite tenté de taxer Kero Kero Bonito de délit de superficialité, il n'en est rien et Bonito Generation est là pour le prouver.
Ce qui se passe avec la plus grande majorité de ce type de pop, c'est qu'en général on use assez vite le disque, on le ronge avant de s'en lasser. Pourtant avec KKB pas d'usure en vue, c'est même le contraire qui se produit ; voilà maintenant plus de deux semaines où pas un jour ne s'écoule sans une écoute de Bonito Generation, et je ne fais que l'aimer de plus en plus. "Par quelle magie ?" ai-je passé ces derniers temps à me demander. Je suis revenu sain et sauf de mon périple au pays des t-shirts fluo et des paillettes sucrées pour vous apporter des éléments de réponse. Premièrement, Sarah, Gus Lobban et Jamie Bulled ont beaucoup de ressources. Si on devait compter les styles dans lesquels KKB s'incarne avec aisance, on serait amené à citer l'électropop, la synthpop, le dancehall, la j-pop, le hip-hop (bilingue s'il vous plaît), la chiptune et même pourquoi pas la bubblegum bass (à ce stade si tout va bien le xsilencieux "moyen" est reparti lire la 37ème chronique de Nevermind pour apaiser son pace-maker). Comme autre ressource importante, on citera les paroles de Sarah ; je ne suis pas du genre à me pencher souvent sur les paroles, surtout en pop, mais celles de KKB ont le mérite d'attirer immédiatement l'attention. Leur candeur, leur adorable mignonnerie, leur sens de l'absurde, leur improbable innocence et surtout leur premier degré rigoureux est désarmant - sans compter qu'aucune ne parle d'amour. Je ne compte plus les fois où, comprenant les paroles à mesure que j'écoutais le disque, je me suis surpris à me fendre d'un large sourire en pleine rue. Ces paroles ont une place vitale dans l'appréciation de Bonito Generation, et ce grâce à la troisième ressource de l'album : KKB a un plan. Une idée précise d'où ils veulent aller et la conscience de comment agencer toutes leurs idées pour y parvenir. La plus grande force du trio la voici donc : cette capacité à créer un Monde. Avec ses règles, sa narration.
C'est là que Bonito Generation fait fort ; ce n'est pas parce qu'on sait tout faire qu'on doit tout faire sur un album. Et cette facilité qu'a KKB à passer d'un style à l'autre, le groupe l'utilise avec parcimonie, uniquement pour donner vie aux paroles de Sarah, pour adopter le ton de la musique au thème abordé. La musique de l'album colle parfaitement aux paroles, d'une manière qui met l'une et l'autre en valeur. Cette formule, parfaitement rodée sur les douze titres, accouche de ce que je n'hésiterai pas plus longtemps à proclamer comme étant la pop la plus cohérente et la mieux troussée de l'année. Exemples épars de cette maîtrise catchybluffante (copyright posé) : "Graduation" qui passe d'un faux trap-rap parodique à un pastiche de cérémonie avec les beats qui disparaissent et un orgue qui s'installe tandis que la narration se ponctue de divers bruitages. "Trampoline" et son refrain qui rebondit pour de vrai. Le "voyage onirique" du milieu de "Waking Up". Le refrain de "Fish Bowl" qui emporte le poisson hors de son bocal pour le projeter dans l'océan dans un refrain nimbé d'une puissante saturation rêveuse digne d'être nommée shoegaze. Etc, etc, etc. Cette formidable alchimie pop est utilisée pour composer de véritables symphonies miniatures pour les kids (Phil Spector serait fier, si si), des bluettes redoutablement souples et solides à la fois, qui rivalisent d'inventivité et cachent toujours un twist quelque part. C'est de plus, pour les curieux bienveillants, un très bon moyen de prendre le pouls de la "musique actuelle", tant tout y est concentré avec une redoutable bonne humeur.
Alors quand vient le temps de faire le bilan sur pourquoi diable que ça continue à fonctionner après toutes ces écoutes, il suffit de se dire que chaque nouvelle écoute n'est pas comme se cogner une nouvelle fois la tête sur une surface plane bien décorée (comme pour un album pop quelconque) mais plutôt une nouvelle exploration d'un monde cohérent qui existe en autarcie. Replonger dans Bonito Generation, c'est revenir dans ce monde pour en découvrir de nouveaux recoins à chaque fois. Et si je juge le plaisir que me procure une écoute renouvelée de KKB en mesurant la largeur de mon sourire, j'en conclus que je ne suis pas près d'en avoir épuisé les richesses.
Heard a song I can't stop thinking 'bout it
Though it didn't last very long
It's in my hea-a-ad !
Plus I didn't catch who it was
But it sort of sounded like a big hit
Are you gonna play it some more ?
Guess I'll keep on listening."
Ça pourrait presque être mon histoire avec Kero Kero Bonito, mais ça ne sont que les paroles que Sara Midori Perry, frontgirl métisse nippo-british de KKB, entonne joyeusement sur "Heard a Song", habile mise en abyme sur le fait d'entendre une chanson à la radio qu'on ne peut plus s'enlever du crâne. Car c'est effectivement ce qu'il se passe pour peu qu'on se laisse happer par le vortex de l'électropop ultra catchy du trio : on est condamné – sinon l'écouter en boucle (tout le monde n'est pas moi) – à avoir ces mélodies et ces paroles en repeat dans la tête pour un moment. Ça n'est pas nécessairement gage de qualité notez bien, repensez à toutes les fois qu'une chanson de merde vous agrippe à corps défendant ; mais alors qu'on serait vite tenté de taxer Kero Kero Bonito de délit de superficialité, il n'en est rien et Bonito Generation est là pour le prouver.
Ce qui se passe avec la plus grande majorité de ce type de pop, c'est qu'en général on use assez vite le disque, on le ronge avant de s'en lasser. Pourtant avec KKB pas d'usure en vue, c'est même le contraire qui se produit ; voilà maintenant plus de deux semaines où pas un jour ne s'écoule sans une écoute de Bonito Generation, et je ne fais que l'aimer de plus en plus. "Par quelle magie ?" ai-je passé ces derniers temps à me demander. Je suis revenu sain et sauf de mon périple au pays des t-shirts fluo et des paillettes sucrées pour vous apporter des éléments de réponse. Premièrement, Sarah, Gus Lobban et Jamie Bulled ont beaucoup de ressources. Si on devait compter les styles dans lesquels KKB s'incarne avec aisance, on serait amené à citer l'électropop, la synthpop, le dancehall, la j-pop, le hip-hop (bilingue s'il vous plaît), la chiptune et même pourquoi pas la bubblegum bass (à ce stade si tout va bien le xsilencieux "moyen" est reparti lire la 37ème chronique de Nevermind pour apaiser son pace-maker). Comme autre ressource importante, on citera les paroles de Sarah ; je ne suis pas du genre à me pencher souvent sur les paroles, surtout en pop, mais celles de KKB ont le mérite d'attirer immédiatement l'attention. Leur candeur, leur adorable mignonnerie, leur sens de l'absurde, leur improbable innocence et surtout leur premier degré rigoureux est désarmant - sans compter qu'aucune ne parle d'amour. Je ne compte plus les fois où, comprenant les paroles à mesure que j'écoutais le disque, je me suis surpris à me fendre d'un large sourire en pleine rue. Ces paroles ont une place vitale dans l'appréciation de Bonito Generation, et ce grâce à la troisième ressource de l'album : KKB a un plan. Une idée précise d'où ils veulent aller et la conscience de comment agencer toutes leurs idées pour y parvenir. La plus grande force du trio la voici donc : cette capacité à créer un Monde. Avec ses règles, sa narration.
C'est là que Bonito Generation fait fort ; ce n'est pas parce qu'on sait tout faire qu'on doit tout faire sur un album. Et cette facilité qu'a KKB à passer d'un style à l'autre, le groupe l'utilise avec parcimonie, uniquement pour donner vie aux paroles de Sarah, pour adopter le ton de la musique au thème abordé. La musique de l'album colle parfaitement aux paroles, d'une manière qui met l'une et l'autre en valeur. Cette formule, parfaitement rodée sur les douze titres, accouche de ce que je n'hésiterai pas plus longtemps à proclamer comme étant la pop la plus cohérente et la mieux troussée de l'année. Exemples épars de cette maîtrise catchybluffante (copyright posé) : "Graduation" qui passe d'un faux trap-rap parodique à un pastiche de cérémonie avec les beats qui disparaissent et un orgue qui s'installe tandis que la narration se ponctue de divers bruitages. "Trampoline" et son refrain qui rebondit pour de vrai. Le "voyage onirique" du milieu de "Waking Up". Le refrain de "Fish Bowl" qui emporte le poisson hors de son bocal pour le projeter dans l'océan dans un refrain nimbé d'une puissante saturation rêveuse digne d'être nommée shoegaze. Etc, etc, etc. Cette formidable alchimie pop est utilisée pour composer de véritables symphonies miniatures pour les kids (Phil Spector serait fier, si si), des bluettes redoutablement souples et solides à la fois, qui rivalisent d'inventivité et cachent toujours un twist quelque part. C'est de plus, pour les curieux bienveillants, un très bon moyen de prendre le pouls de la "musique actuelle", tant tout y est concentré avec une redoutable bonne humeur.
Alors quand vient le temps de faire le bilan sur pourquoi diable que ça continue à fonctionner après toutes ces écoutes, il suffit de se dire que chaque nouvelle écoute n'est pas comme se cogner une nouvelle fois la tête sur une surface plane bien décorée (comme pour un album pop quelconque) mais plutôt une nouvelle exploration d'un monde cohérent qui existe en autarcie. Replonger dans Bonito Generation, c'est revenir dans ce monde pour en découvrir de nouveaux recoins à chaque fois. Et si je juge le plaisir que me procure une écoute renouvelée de KKB en mesurant la largeur de mon sourire, j'en conclus que je ne suis pas près d'en avoir épuisé les richesses.
Excellent ! 18/20 | par X_Wazoo |
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