Ugly Casanova

Fruit d'un hasard peu banal et plutôt révélateur de l'originalité de ses créateurs, Sharpen Your Teeth a été construit à partir de la divagation d'un fan de Modest Mouse. Edgar Graham, de son nom, aurait consciemment ou inconsciemment laissé tomber durant un spectacle du groupe un carnet contenant ses pensées que la drôle de troupe qu'est Ugly Casanova a transgressé en chansons plus ou moins cohérentes et sensées...

Formé du fougueux Isaac Brook (Modest Mouse), de Paul Jenkins (The Black Heart Procession), de Brian Deck (Califone), de Tim Rutili (Red Red Meat) et de John Orth (Holopaw), Ugly Casonova offre un album alt-country quelque peu débridé, collant à merveille avec le propos tordu, voire psychopate de l'auteur. Conséquemment, les meilleurs moments de l'album sont concentrés dans les ébats plus expérimentaux du groupe ("Diamonds On The Face Of Evil", "Barnacles", "Parasites"). Plus minimalistes que rembourées, ces quelques élans de folie déstabilisent par leurs percussions relevants presque de l'improvisation, réalisant ainsi un joli pied de nez vis-à-vis l'ordre et la perfection. Loin de donner leur place, les sublimes jeux de voix de Brook rendent irrévocablement ce désordre musical accrocheur et fluide, tout en laissant un arrière goût évident d'incongruité lors des premières écoutes. Finalement, afin d'accorder le tout, les riffs de guitare sèche font dans la nuance et la mélodie, rappelant le magnétisme de Modest Mouse.

Le reste de l'album est quant à lui beaucoup plus linéaire et redondant, malgré des rythmes toujours recherchés de la part du groupe. Manquant cruellement d'emportement et d'étincelles, l'opus baigne l'auditeur dans la monotonie et le perd à quelques reprises. Notons tout de même l'excellente ballade (dont regorge malheureusement trop l'album) "Cat Faces" et "Smoke Like Ribbons", véritable petit bijou country à faire rougir Loretta Lynn. Bref, une expérience musicale qui vaut le coup d'être écoutée mais qui ne vaut peut-être pas l'achat...