Malfunkshun
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Label :
Epic |
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Evidemment que Andrew Wood était taré. Quelque part, forcément.
A le voir gesticuler en tout sens dans les concerts du groupe (dans des salles underground de Seattle ou dans les universités), fardé de blanc comme le plus grotesque des chanteurs de hard-rock et vêtu d'une combinaison moulante, scandant des textes ahurissant de sa voix suraiguë sortant de sa bouche plastique gorgée de rouge à lèvre, on se demande à quel type de personnage on a à faire. Insufflant une énergie folle à son groupe (composé de son frère Kevin à la guitare et du batteur Regan Hagar), Andrew était sans aucun doute le génie créatif, celui dont l'exubérance se traduisait par des prestations effarantes. Concerts électriques, feu au poudre et strass aux yeux, jeu de scène caricatural mais ambiance extraordinaire comme peu on a connu et comme peu on connaîtra par la suite.
Ayant démarré leur premier show en août 80 au festival Blackberry Jam à Bainbridge Island, puis enchaînant de nombreux concerts dans Seattle, c'est bien longtemps après l'existence éphémère de ce groupe, en 1995, que le label Epic regroupa tous les morceaux composés en un album.
Porté par des chansons toutes guitares dehors, mélangeant punk et glam, sans se soucier de sonner correct, Malfunkshun est avant tout le groupe de gamins qui voulaient agiter la micro-scène de Seattle, à l'époque tout juste frémissante. "My Only Fan" ou "Wang Dang Sweet Poontang" sont de purs brûlots joués dans le rouge, regorgeant de soli déjanté et de saturation excessive. Ils symbolisent surtout le rock sans calcul typique de la scène de l'époque. Ce style crasseux, hurlant, hystérique qui allait prendre le nom plus tard de grunge.
Car Malfunkshun est avant tout un des pionniers du grunge, ce que tout le monde ignore mais ce que tout le monde devrait savoir. En effet il est un des premiers groupes à publier deux singles sur la compilation Deep Six, qui regroupait également Soundgarden, Green River ou The Melvins.
"Make Sweet Love", rempli de riff imparable et de guitares affolées, cristallise à la fois le joyeux bordel qui régnait dans la tête de Andrew Wood, à la fois son inspiration inouï pour les accroches et les gimmicks prenantes. Le son est sale, mal dépatouillé, le rythme nerveux comme freiné pour des effets psychédéliques où Andrew prêche ses textes hilarants. Ça parait confus, bruyant, je m'en-foutiste), mais en réalité c'est bouillonnant et débordant d'inventivité. Les distorsions prodigieuses, le chant scandé, les enregistrements de tirs de mitraillettes, ce passage groovy avec solo narcissique, au cours du phénoménal "Shoot Gun Wedding", ne peuvent qu'enflammer. C'est cradingue (ah ! ces enregistrements de Jack Endino !) à souhait mais il n'y a pas à dire, c'est jouissif !
Le ton, l'entrain communicatif, cette folie qu'on sent de bout en bout, tout cela s'additionne et concourt à s'attacher irrémédiablement à ce groupe. On en peut rien y faire. On est comme emballé par cette impression de frôler à chaque fois le déséquilibre. Et que ce soit bruyant, extravagant ou simplement puissant, on ne peut que s'incliner devant la qualité des morceaux.
De l'entêtant "I Wanna Be Your Daddy", morceaux génial à la puissance pharamineuse, où on découvre sans cesse des trésors (mélodie inoubliable, guitares magnifiques, chant jouant les montagnes russes), jusqu'à la curiosité "Until The Ocean", joué au piano et plus lyrique que jamais, en passant par l'expérimental "Luxury Red", Malfunkshun se révèle comme le plus excentrique et le plus libre des groupes de l'époque. Parolier à l'humour cinglant, Andrew Wood maîtrise un registre vocal unique et singulier.
Au début du groupe chaque membre créa son alter ego : Kevin devint Kevinstein, Regan devint Thundarr, et Andrew devint Landrew "The Love Child". Evidemment, le personnage d'Andy était le plus outrageant : plate-forme boots, robe longue et bandana argenté. Pendant ce temps, le mouvement gothique étant à la mode, Malfunkshun se proclama un groupe "Anti-666" ou un "333". De là vint le concept de "Love Rock," qu'Andy affectionnait et qui servit de base pour Mother Love Bone.
En effet, le groupe se séparera bien vite, malheureusement sans avoir publié de vrai album, Andrew Wood préférant travailler avec les membres de Green River, Jeff Ament et Stone Gossard. Collaboration qui allait aboutir plus tard à la formation culte Mother Love Bone.
Mais l'excentricité de Andrew Wood et sa capacité à écrire de grandes chansons, au style si particulier, se ressentait déjà avec Malfunkshun, comme en témoignent "Winter Bites" ou "Jezebel Woman", où tout y est : son énorme, sincérité dramatique, grandiloquence, mais surtout authenticité touchante. Le groupe se livrait même aux délires les plus invraisemblables, emmenant son rock négligé vers des sommets de grâce fanfaronesque, entre chœurs, piano sautillant, groove impayable et final larmoyant, violons de sortie. La beauté sans égale de ces morceaux étonnants est à tomber à la renverse.
Andrew Wood était à part. Un type exubérant mais génial.
Pourtant il n'eut jamais le droit à la reconnaissance.
Menant une vie chaotique, se refusant toutes limites et se jetant à corps perdus dans la fête, le sexe et la drogue, Andrew Wood mourut en 1990 d'une overdose d'héroïne. Le grunge perdit alors un de ses plus grands hérauts (héro ?) avant même que le monde découvre le grunge.
Alors quand on réécoute Malfunkshun et qu'on est bouleversé par la puissance et l'efficacité de ses morceaux vivaces et imprévisible, on se dit que le destin a été bien cruel. Mais quelque part, ne pouvait-il pas aller autrement d'un homme qui se brûla les ailes à force de chercher la gloire ?
Ne reste plus que ces essais avec Malfunkshun, témoignage du génie d'Andrew Wood, débraillé et décoiffant, comme devaient l'être leurs concerts, véritables chaudrons enflammés où l'énergie du groupe s'accentuait jusqu'au point d'orgue.
L'essence même du laisser-aller total, ces chansons ne peuvent s'empêcher d'émouvoir. Fasciné, sidéré, secoué mais aussi touché au plus profond, on se les approprie comme un concentré absolu de tout ce qui fait le charme de la musique rock : branleuse, ambitieuse et dérisoire.
Andrew, tu nous manques...
A le voir gesticuler en tout sens dans les concerts du groupe (dans des salles underground de Seattle ou dans les universités), fardé de blanc comme le plus grotesque des chanteurs de hard-rock et vêtu d'une combinaison moulante, scandant des textes ahurissant de sa voix suraiguë sortant de sa bouche plastique gorgée de rouge à lèvre, on se demande à quel type de personnage on a à faire. Insufflant une énergie folle à son groupe (composé de son frère Kevin à la guitare et du batteur Regan Hagar), Andrew était sans aucun doute le génie créatif, celui dont l'exubérance se traduisait par des prestations effarantes. Concerts électriques, feu au poudre et strass aux yeux, jeu de scène caricatural mais ambiance extraordinaire comme peu on a connu et comme peu on connaîtra par la suite.
Ayant démarré leur premier show en août 80 au festival Blackberry Jam à Bainbridge Island, puis enchaînant de nombreux concerts dans Seattle, c'est bien longtemps après l'existence éphémère de ce groupe, en 1995, que le label Epic regroupa tous les morceaux composés en un album.
Porté par des chansons toutes guitares dehors, mélangeant punk et glam, sans se soucier de sonner correct, Malfunkshun est avant tout le groupe de gamins qui voulaient agiter la micro-scène de Seattle, à l'époque tout juste frémissante. "My Only Fan" ou "Wang Dang Sweet Poontang" sont de purs brûlots joués dans le rouge, regorgeant de soli déjanté et de saturation excessive. Ils symbolisent surtout le rock sans calcul typique de la scène de l'époque. Ce style crasseux, hurlant, hystérique qui allait prendre le nom plus tard de grunge.
Car Malfunkshun est avant tout un des pionniers du grunge, ce que tout le monde ignore mais ce que tout le monde devrait savoir. En effet il est un des premiers groupes à publier deux singles sur la compilation Deep Six, qui regroupait également Soundgarden, Green River ou The Melvins.
"Make Sweet Love", rempli de riff imparable et de guitares affolées, cristallise à la fois le joyeux bordel qui régnait dans la tête de Andrew Wood, à la fois son inspiration inouï pour les accroches et les gimmicks prenantes. Le son est sale, mal dépatouillé, le rythme nerveux comme freiné pour des effets psychédéliques où Andrew prêche ses textes hilarants. Ça parait confus, bruyant, je m'en-foutiste), mais en réalité c'est bouillonnant et débordant d'inventivité. Les distorsions prodigieuses, le chant scandé, les enregistrements de tirs de mitraillettes, ce passage groovy avec solo narcissique, au cours du phénoménal "Shoot Gun Wedding", ne peuvent qu'enflammer. C'est cradingue (ah ! ces enregistrements de Jack Endino !) à souhait mais il n'y a pas à dire, c'est jouissif !
Le ton, l'entrain communicatif, cette folie qu'on sent de bout en bout, tout cela s'additionne et concourt à s'attacher irrémédiablement à ce groupe. On en peut rien y faire. On est comme emballé par cette impression de frôler à chaque fois le déséquilibre. Et que ce soit bruyant, extravagant ou simplement puissant, on ne peut que s'incliner devant la qualité des morceaux.
De l'entêtant "I Wanna Be Your Daddy", morceaux génial à la puissance pharamineuse, où on découvre sans cesse des trésors (mélodie inoubliable, guitares magnifiques, chant jouant les montagnes russes), jusqu'à la curiosité "Until The Ocean", joué au piano et plus lyrique que jamais, en passant par l'expérimental "Luxury Red", Malfunkshun se révèle comme le plus excentrique et le plus libre des groupes de l'époque. Parolier à l'humour cinglant, Andrew Wood maîtrise un registre vocal unique et singulier.
Au début du groupe chaque membre créa son alter ego : Kevin devint Kevinstein, Regan devint Thundarr, et Andrew devint Landrew "The Love Child". Evidemment, le personnage d'Andy était le plus outrageant : plate-forme boots, robe longue et bandana argenté. Pendant ce temps, le mouvement gothique étant à la mode, Malfunkshun se proclama un groupe "Anti-666" ou un "333". De là vint le concept de "Love Rock," qu'Andy affectionnait et qui servit de base pour Mother Love Bone.
En effet, le groupe se séparera bien vite, malheureusement sans avoir publié de vrai album, Andrew Wood préférant travailler avec les membres de Green River, Jeff Ament et Stone Gossard. Collaboration qui allait aboutir plus tard à la formation culte Mother Love Bone.
Mais l'excentricité de Andrew Wood et sa capacité à écrire de grandes chansons, au style si particulier, se ressentait déjà avec Malfunkshun, comme en témoignent "Winter Bites" ou "Jezebel Woman", où tout y est : son énorme, sincérité dramatique, grandiloquence, mais surtout authenticité touchante. Le groupe se livrait même aux délires les plus invraisemblables, emmenant son rock négligé vers des sommets de grâce fanfaronesque, entre chœurs, piano sautillant, groove impayable et final larmoyant, violons de sortie. La beauté sans égale de ces morceaux étonnants est à tomber à la renverse.
Andrew Wood était à part. Un type exubérant mais génial.
Pourtant il n'eut jamais le droit à la reconnaissance.
Menant une vie chaotique, se refusant toutes limites et se jetant à corps perdus dans la fête, le sexe et la drogue, Andrew Wood mourut en 1990 d'une overdose d'héroïne. Le grunge perdit alors un de ses plus grands hérauts (héro ?) avant même que le monde découvre le grunge.
Alors quand on réécoute Malfunkshun et qu'on est bouleversé par la puissance et l'efficacité de ses morceaux vivaces et imprévisible, on se dit que le destin a été bien cruel. Mais quelque part, ne pouvait-il pas aller autrement d'un homme qui se brûla les ailes à force de chercher la gloire ?
Ne reste plus que ces essais avec Malfunkshun, témoignage du génie d'Andrew Wood, débraillé et décoiffant, comme devaient l'être leurs concerts, véritables chaudrons enflammés où l'énergie du groupe s'accentuait jusqu'au point d'orgue.
L'essence même du laisser-aller total, ces chansons ne peuvent s'empêcher d'émouvoir. Fasciné, sidéré, secoué mais aussi touché au plus profond, on se les approprie comme un concentré absolu de tout ce qui fait le charme de la musique rock : branleuse, ambitieuse et dérisoire.
Andrew, tu nous manques...
Parfait 17/20 | par Vic |
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