Jesu
Conqueror |
Label :
Hydra Head |
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Apprécier un album ne se limite pas à l'écouter. Et en cela Justin Broadrick l'a parfaitement compris.
La magie d'un album ne se révèle que s'il est pris dans sa globalité à savoir un ensemble de chansons gravées sur un support à durée limitée et dont la réalité matériel suppose un effort de mise en forme. Ecouter un album débute à partir du moment où l'on prend le boîtier entre les mains pour en retirer le cd. Tout d'abord, on découvre une pochette sombre et belle, entre blanc et beige, dont on distingue des cheminées d'usine mais aussi des arborescences. L'album sera urbain, on le sent. Il symbolisera la violence et la lutte, mais sera aussi esthétique. Au touché, la pochette en carton est douce, particulière, et ressert encore plus les liens entre la musique et le possédant de cette musique. Pour accéder au CD, c'est tout un art, cela fait partie du rituel. Il faut retirer un cache en carton. On découvre alors un visuel entièrement blanc. Qui évoque la neige, mais aussi un tableau, sorte de porte ouverte à toutes les interprétations possibles, notamment celle du voile blanc qui survient lorsqu'on s'apprête à tomber dans les pommes.
Le livret accompagnant l'ensemble est soigneusement dissimulé mais il participe aussi à l'appréciation de l'œuvre. Graphiquement sobre et classieux, il met en image des photos de construction humaine, envahie par la nature, le tout en filigrane sur du papier qui en a presque une odeur.
Pour ressentir pleinement toute la grâce de l'album, il s'agit de se mettre en condition. Le génie de Justin Broadrick ne se goûte guère en faisant deux choses en même temps. Tout a été préparé pour un voyage sensoriel au cœur de l'imaginaire torturé de son auteur : il faut donc se mettre dans le noir, au mieux entouré de parfums agréables, allongé au pire.
Et la musique de Jesu débute au son qu'on fait lorsqu'on ouvre la platine et que celle-ci avale le CD.
Ensuite, il faut fermer les yeux.
L'ascension démarre toujours par des turbulences : une saturation légèrement trafiquée qui tressaute et qui vacille, à la manière d'un sample saupoudré de sucre et de délices pop à l'école anglaise. Avant de se laisser glisser vers une ambiance ampoulée de féerie spatiale. On sent qu'on décolle. Puis arrive la tombée, la chute des guitares lentes et lourdes, comme une éclaboussure metal. Seulement au lieu d'écraser, l'effet soulève. Le riff est suffisamment appuyé et réitéré avec aplomb, qu'il finit par conférer à l'ensemble une grâce sans pareille, qu'on n'était pas en mesure d'attendre d'une telle débauche de pesanteur. Le chant est si léger, comme gonflée à l'hélium, qu'il s'immisce entre les fils de la saturation et qu'il s'évapore, tel des volutes de mélancolie.
Et on se laisser tendrement écrasé par ce flot cathartique de riffs font trembler les enceintes et les murs de la pièce, comme si la confrontation entre le monde réel et le monde introspectif de Justin Broadrick entraient dans un choc immense.
La contemplation de cette atmosphère nouvelle, onirique, entre machinerie impitoyable artificielle et poésie farouche, combative et pleine de rêve, laisse bouche bée. C'est le corps tout entier qui est envahit par les bourdonnements bas des guitares, augmentant les battements cardiaques et faisant vibrer les tympans jusque dans les profondeurs. Par delà cet embrouillamini au son pourtant limpide, les rivières de synthés et la suavité des voix s'infiltrent jusque dans les profondeurs pour alléger l'esprit, le détendre et le faire lentement dériver doucement vers l'imaginaire.
Il n'y a que là, dans l'onirisme et ce flou entre l'éveil et le sommeil, moment où les neurones s'emballent et se concentrent sur les moindres composantes de la musique qui leur parviennent que Justin Broadrick a voulu resserrés au possible, que l'esprit vagabonde. Pour ainsi contempler une beauté magnifique car se suffisant à elle-même, située quelque part entre saturation urbaine et poésie romantique. Les riffs métal n'empêche en rien les mélodies, qui même si elles se répètent à l'infini, octroient à l'auditeur une part de rêve qu'il sera venu chercher au prix d'une écoute respectueuse et attentive.
La puissance naissante de la confrontation entre une atmosphère apaisée et la lourdeur du son ne se voit plus comme un chaos sans nom, mais au contraire un monde onirique de toute beauté, balayé par des vents violents, dont on sait qu'ils sont les seuls à provoquer les plus beaux couchers de soleil.
On retient alors notre souffle devant l'incommensurable tristesse désabusée de l'auteur de cet œuvre, véritable prisme déformant qui oblige le leader de Jesu à tout noyer sous un flot de guitares metal, jusqu'à la moindre petite ritournelle délicate.
De ce voyage sans concession, il est difficile de revenir.
Et même, pour paraphraser une formule célèbre, les silences qui suivent l'écoute de l'album appartiennent encore à Jesu.
La magie d'un album ne se révèle que s'il est pris dans sa globalité à savoir un ensemble de chansons gravées sur un support à durée limitée et dont la réalité matériel suppose un effort de mise en forme. Ecouter un album débute à partir du moment où l'on prend le boîtier entre les mains pour en retirer le cd. Tout d'abord, on découvre une pochette sombre et belle, entre blanc et beige, dont on distingue des cheminées d'usine mais aussi des arborescences. L'album sera urbain, on le sent. Il symbolisera la violence et la lutte, mais sera aussi esthétique. Au touché, la pochette en carton est douce, particulière, et ressert encore plus les liens entre la musique et le possédant de cette musique. Pour accéder au CD, c'est tout un art, cela fait partie du rituel. Il faut retirer un cache en carton. On découvre alors un visuel entièrement blanc. Qui évoque la neige, mais aussi un tableau, sorte de porte ouverte à toutes les interprétations possibles, notamment celle du voile blanc qui survient lorsqu'on s'apprête à tomber dans les pommes.
Le livret accompagnant l'ensemble est soigneusement dissimulé mais il participe aussi à l'appréciation de l'œuvre. Graphiquement sobre et classieux, il met en image des photos de construction humaine, envahie par la nature, le tout en filigrane sur du papier qui en a presque une odeur.
Pour ressentir pleinement toute la grâce de l'album, il s'agit de se mettre en condition. Le génie de Justin Broadrick ne se goûte guère en faisant deux choses en même temps. Tout a été préparé pour un voyage sensoriel au cœur de l'imaginaire torturé de son auteur : il faut donc se mettre dans le noir, au mieux entouré de parfums agréables, allongé au pire.
Et la musique de Jesu débute au son qu'on fait lorsqu'on ouvre la platine et que celle-ci avale le CD.
Ensuite, il faut fermer les yeux.
L'ascension démarre toujours par des turbulences : une saturation légèrement trafiquée qui tressaute et qui vacille, à la manière d'un sample saupoudré de sucre et de délices pop à l'école anglaise. Avant de se laisser glisser vers une ambiance ampoulée de féerie spatiale. On sent qu'on décolle. Puis arrive la tombée, la chute des guitares lentes et lourdes, comme une éclaboussure metal. Seulement au lieu d'écraser, l'effet soulève. Le riff est suffisamment appuyé et réitéré avec aplomb, qu'il finit par conférer à l'ensemble une grâce sans pareille, qu'on n'était pas en mesure d'attendre d'une telle débauche de pesanteur. Le chant est si léger, comme gonflée à l'hélium, qu'il s'immisce entre les fils de la saturation et qu'il s'évapore, tel des volutes de mélancolie.
Et on se laisser tendrement écrasé par ce flot cathartique de riffs font trembler les enceintes et les murs de la pièce, comme si la confrontation entre le monde réel et le monde introspectif de Justin Broadrick entraient dans un choc immense.
La contemplation de cette atmosphère nouvelle, onirique, entre machinerie impitoyable artificielle et poésie farouche, combative et pleine de rêve, laisse bouche bée. C'est le corps tout entier qui est envahit par les bourdonnements bas des guitares, augmentant les battements cardiaques et faisant vibrer les tympans jusque dans les profondeurs. Par delà cet embrouillamini au son pourtant limpide, les rivières de synthés et la suavité des voix s'infiltrent jusque dans les profondeurs pour alléger l'esprit, le détendre et le faire lentement dériver doucement vers l'imaginaire.
Il n'y a que là, dans l'onirisme et ce flou entre l'éveil et le sommeil, moment où les neurones s'emballent et se concentrent sur les moindres composantes de la musique qui leur parviennent que Justin Broadrick a voulu resserrés au possible, que l'esprit vagabonde. Pour ainsi contempler une beauté magnifique car se suffisant à elle-même, située quelque part entre saturation urbaine et poésie romantique. Les riffs métal n'empêche en rien les mélodies, qui même si elles se répètent à l'infini, octroient à l'auditeur une part de rêve qu'il sera venu chercher au prix d'une écoute respectueuse et attentive.
La puissance naissante de la confrontation entre une atmosphère apaisée et la lourdeur du son ne se voit plus comme un chaos sans nom, mais au contraire un monde onirique de toute beauté, balayé par des vents violents, dont on sait qu'ils sont les seuls à provoquer les plus beaux couchers de soleil.
On retient alors notre souffle devant l'incommensurable tristesse désabusée de l'auteur de cet œuvre, véritable prisme déformant qui oblige le leader de Jesu à tout noyer sous un flot de guitares metal, jusqu'à la moindre petite ritournelle délicate.
De ce voyage sans concession, il est difficile de revenir.
Et même, pour paraphraser une formule célèbre, les silences qui suivent l'écoute de l'album appartiennent encore à Jesu.
Excellent ! 18/20 | par Vic |
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