Idaho
The Forbidden EP |
Label :
Buzz |
||||
Pour un homme qui aime "se passer Red Apple Falls de Smog les dimanches matin, parce que l'atmosphère léthargique s'y prête", on ne peut pas dire que sa musique transpire la vivacité.
Bien au contraire, le rock lourd et triste de Idaho se délitait au fil des albums, jusqu'au chef-d'œuvre Three Sheets In The Wind, symbolisant un point de non retour, où Jeff Martin était laissé agonisant.
A partir de là, une seule alternative : laisser entrer plus de chaleur dans les compositions ou s'éteindre complètement. Le manque de reconnaissance (quand bien même c'est tout bonnement injuste, cela ne change rien) ayant causé la défection de leur label Caroline, qui leur a fait comprendre que c'était bien gentil, mais que tant qu'ils persisteraient à composer une bande-son pour dépressif accro au Valium, le succès ne viendrait jamais, ils ont du faire un choix. Ils ont préféré persister...
Car Jeff Martin ne sait rien faire d'autre, absolument rien. Dans la vie, la vraie vie je veux dire, ce californien solitaire (hormis la compagnie de deux chats) s'ennuie. Et il s'ennuie copieusement, les journées se ressemblant toutes. Ce n'est pas que son emploi du temps lui barre l'accès aux joies pleines et à l'aventure, c'est juste que Jeff Martin n'est pas adapté. Soucieux, caractériel, maniaque (beaucoup de membres feront des allés venues dans son groupe en fonction des humeurs), torturé, laconique, le californien exprime une sorte de soupir qui serait persistant. Le spleen est là mais l'origine absente : la mélancolie est un assortiment de symptômes qui existent sans cause médicale.
Largué par leur label, retranché, acculé, repêché par la maison de disque Buzz, Idaho paraîtra un EP malgré tout, cinq titres pour une vingtaine de minutes. Et pour dire quoi de plus ? Rien d'autre que rien n'a dans de sens dans cette vie qui entraîne les gens vers l'avant alors qu'ils ne l'ont pas voulu. Et qui voudraient que le destin leur fiche la paix, parce que la communication, les responsabilités, les comptes à rendre, les avis à donner, c'est trop fatiguant, c'est indiscret et il n'y a aucune justification à sourire à la vie. Jeff Martin ne sait rien dire.
Son seul sujet de prédilection, c'est la musique, lui qui a commencé le piano à deux ans, la guitare avec Idaho. Le piano, justement, revenons-en. Car cet instrument va prendre de plus en plus de place dans l'œuvre de cette formation américaine.
C'est justement avec The Forbidden EP (et sa nature morte en pochette, définitivement culte) que le piano va commencer à s'immiscer dans les chansons tendrement tristes du groupe. D'aucuns d'ailleurs assurent que ce maxi marque une étape dans l'évolution de leur musique. Les guitares lourdes cèdent de plus en plus d'espace à la langueur et les touches appuyées (les introspectifs "The Thick and The Thin" ou "Bass Crawl"). Le rythme sera moins appuyé et plus flottant. Jeff Martin, qui ne souhaite plus crier comme avant, de peur de se casser la voix, se fera plus murmurant. La musique d'Idaho gagnera en légèreté (le somptueux "Apricots to Armagnac"). Et en volupté.
Tant la tristesse de ce maxi, qui s'écoute d'une traite comme un prélude à la contemplation et à l'introspection labyrinthique de pensées tortueuses, semble devenir quelque chose, pour Jeff Martin ou pour nous-même, d'acquis, d'assimilé. Autrefois tendue, pour cause lutte contre des démons, contre cette dépression, cette bile noire qui rentrait en nous, la musique de Idaho se fait plus tranquille comme si la symbiose avait enfin opérée. Tristesse ou pas, elle fait partie de nous, elle est indécramponnable.
Plus besoin de combattre, d'exprimer une rage implacable, dans une lenteur imposante, il suffit juste de combiner rupture d'écriture et finesse instrumentale pour se laisser aller et voguer au gré des humeurs ("Hold Everything"). Apathique mais à la fois tout en mouvement...
Jeff Martin s'ennuie de tout et de rien à la fois. Et avec des chansons comme ça, on veut bien s'ennuyer avec lui.
Bien au contraire, le rock lourd et triste de Idaho se délitait au fil des albums, jusqu'au chef-d'œuvre Three Sheets In The Wind, symbolisant un point de non retour, où Jeff Martin était laissé agonisant.
A partir de là, une seule alternative : laisser entrer plus de chaleur dans les compositions ou s'éteindre complètement. Le manque de reconnaissance (quand bien même c'est tout bonnement injuste, cela ne change rien) ayant causé la défection de leur label Caroline, qui leur a fait comprendre que c'était bien gentil, mais que tant qu'ils persisteraient à composer une bande-son pour dépressif accro au Valium, le succès ne viendrait jamais, ils ont du faire un choix. Ils ont préféré persister...
Car Jeff Martin ne sait rien faire d'autre, absolument rien. Dans la vie, la vraie vie je veux dire, ce californien solitaire (hormis la compagnie de deux chats) s'ennuie. Et il s'ennuie copieusement, les journées se ressemblant toutes. Ce n'est pas que son emploi du temps lui barre l'accès aux joies pleines et à l'aventure, c'est juste que Jeff Martin n'est pas adapté. Soucieux, caractériel, maniaque (beaucoup de membres feront des allés venues dans son groupe en fonction des humeurs), torturé, laconique, le californien exprime une sorte de soupir qui serait persistant. Le spleen est là mais l'origine absente : la mélancolie est un assortiment de symptômes qui existent sans cause médicale.
Largué par leur label, retranché, acculé, repêché par la maison de disque Buzz, Idaho paraîtra un EP malgré tout, cinq titres pour une vingtaine de minutes. Et pour dire quoi de plus ? Rien d'autre que rien n'a dans de sens dans cette vie qui entraîne les gens vers l'avant alors qu'ils ne l'ont pas voulu. Et qui voudraient que le destin leur fiche la paix, parce que la communication, les responsabilités, les comptes à rendre, les avis à donner, c'est trop fatiguant, c'est indiscret et il n'y a aucune justification à sourire à la vie. Jeff Martin ne sait rien dire.
Son seul sujet de prédilection, c'est la musique, lui qui a commencé le piano à deux ans, la guitare avec Idaho. Le piano, justement, revenons-en. Car cet instrument va prendre de plus en plus de place dans l'œuvre de cette formation américaine.
C'est justement avec The Forbidden EP (et sa nature morte en pochette, définitivement culte) que le piano va commencer à s'immiscer dans les chansons tendrement tristes du groupe. D'aucuns d'ailleurs assurent que ce maxi marque une étape dans l'évolution de leur musique. Les guitares lourdes cèdent de plus en plus d'espace à la langueur et les touches appuyées (les introspectifs "The Thick and The Thin" ou "Bass Crawl"). Le rythme sera moins appuyé et plus flottant. Jeff Martin, qui ne souhaite plus crier comme avant, de peur de se casser la voix, se fera plus murmurant. La musique d'Idaho gagnera en légèreté (le somptueux "Apricots to Armagnac"). Et en volupté.
Tant la tristesse de ce maxi, qui s'écoute d'une traite comme un prélude à la contemplation et à l'introspection labyrinthique de pensées tortueuses, semble devenir quelque chose, pour Jeff Martin ou pour nous-même, d'acquis, d'assimilé. Autrefois tendue, pour cause lutte contre des démons, contre cette dépression, cette bile noire qui rentrait en nous, la musique de Idaho se fait plus tranquille comme si la symbiose avait enfin opérée. Tristesse ou pas, elle fait partie de nous, elle est indécramponnable.
Plus besoin de combattre, d'exprimer une rage implacable, dans une lenteur imposante, il suffit juste de combiner rupture d'écriture et finesse instrumentale pour se laisser aller et voguer au gré des humeurs ("Hold Everything"). Apathique mais à la fois tout en mouvement...
Jeff Martin s'ennuie de tout et de rien à la fois. Et avec des chansons comme ça, on veut bien s'ennuyer avec lui.
Parfait 17/20 | par Vic |
Note: Sortie francaise le 11 février 2008 avec l'album Alas chez Talitres.
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