Artery
Into The Garden – An Artery Collection |
Label :
Cherry Red |
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Sheffield, ville industrielle du Nord de l'Angleterre, est surtout connue pour ses affreux groupes de synth pop qui envahissaient les ondes au début des années 80 (Human League, Heaven 17, ABC, The Thompson Twins,...) mais aussi pour ses combos industriels et expérimentaux (Cabaret Voltaire, Clock DVA,...). Presque tous sont nés à la fin des années 70 après l'électrochoc du punk.
Cependant, le secret le mieux gardé de cette cité septentrionale est Artery. Autant le dire tout de suite, John Peel lui même affirma qu'Artery était son groupe préféré !
Etrangement, je n'ai découvert ce groupe que très récemment. Etant fan de The Mission depuis 20 ans, je connaissais son existence. Mais allez savoir pourquoi je n'avais jamais pris la peine d'essayer d'écouter ce groupe. Peut-être à cause de ce nom, rédhibitoire à mes yeux, qui est tout sauf poétique, et aussi parce que je craignais que ce ne soit qu'un groupe de pop synthétique new-wave de plus. Le fait que Simon Hinkler, guitariste de The Mission, joue du clavier et non de la guitare avec eux n'arrangeant rien. Je m'étais seulement dit que j'y jetterais une oreille, un jour, mais le temps passe... Et 20 ans près c'est enfin chose faite.
Eh bien, cette découverte musicale tardive est un choc ! Artery est certainement l'un des meilleurs groupes de post-punk, et pourtant Dieu sait combien il y a de formations excellentes au sein de ce mouvement. Mais aussi l'un des moins connus (ou plutôt, des plus inconnus). Ils furent pourtant considérés comme une réponse de Sheffield à Joy Division, mais n'eurent jamais l'once du soupçon de l'ombre de la moindre parcelle de la renommée des Mancuniens. Il faut dire qu'ils sont moins sombres, et le chanteur a d'ailleurs eu le mauvais goût de ne pas se suicider. Les photos du livret en noir et blanc montrent pourtant un chanteur ressemblant étrangement à Ian Curtis, tandis qu'un autre membre du groupe arbore une coupe à la Nick Cave période Birthday Party, à faire pâlir d'envie n'importe quel punk.
Je me hâtai donc d'acquérir leurs disques, en commençant par des compilations, les morceaux disponibles sur le Net tournant en attendant en boucle sur mon PC, et par proposer le groupe sur mon site préféré.
Le revival post-punk de ces dernières années a suscité un regain d'intérêt pour le groupe. A tel point qu'il s'est reformé en 2007 à la demande de Jarvis Cocker, qui a toujours été fan du groupe – Pulp aurait d'ailleurs assuré leur première partie à la fin des années 70, et Simon Hinkler était à cette époque le petit ami de la sœur de ce chanteur.
Cette reformation n'est d'ailleurs guère étonnante, car finalement rares sont les groupes de cette époque et de ce mouvement qui ne se sont pas reformés (cf. Echo And The Bunnymen, Bauhaus, Minimal Compact, Skeletal Family, etc.), de manière plus ou moins durable, mais toujours avec un accueil favorable. Cependant, ce sont plutôt les groupes majeurs qui se sont reformés, ceux pour qui l'attente du public était forte. La reformation d'Artery était donc très hypothétique ! Ces reformations sont d'ailleurs la plupart du temps décevantes, du moins en ce qui concerne les nouveaux albums, pas les concerts. Et à ce propos, les vidéos des récents concerts d'Artery qui circulent sur la toile montrent un groupe au talent et à l'énergie intacts...
Dans Artery, le chant est déclamatoire, quelque peu halluciné, la basse domine, les claviers (piano, orgue et synthé) sont omniprésents – Simon Hinkler est pour moi le meilleur de tous les temps dans ce registre – , la section rythmique parfaite de rigueur et d'inventivité, les guitares discrètes (même trop à mon goût) mais efficaces.
Cette compilation, Into The Garden – An Artery Collection, a le mérite d'être homogène, le groupe n'a d'ailleurs que peu duré (les morceaux datent tous de 1981 à 1983), et la qualité ne baisse jamais : aucun morceau n'est à jeter, bien au contraire. De plus, on y trouve un inédit et des versions différentes. Ces trois caractéristiques sont rares dans une publication de ce genre, qui sont le plus souvent des best of ou des fourre-tout indigestes, toujours hétéroclites. Si on ajoute que les albums du groupe sont introuvables et n'ont jamais été édités en CD, on tient là une compilation indispensable. La production, malgré le manque de moyens, est irréprochable.
Introduit par un orgue rachitique, "Into The Garden" est du post-punk pur et dur, basse lourde et souple à la fois, batterie à contretemps, guitare mélancolique, chante décalé, le tempo monte et nous emporte.
Le single "Afterwards" est mon morceau préféré du groupe, du moins de ceux que je connais pour l'instant (une trentaine). Sa ligne de basse, tortueuse, dure et hypnotique, est l'une des meilleures que j'aie jamais entendu (et pourtant Dieu sait s'il y a des bassistes de talent et des lignes de basse à tomber par terre dans le post-punk). Le phrasé incantatoire du chanteur rappelle un peu Minimal Compact, la guitare est cassée, la batterie, tribale et sans cymbales, excellente, le synthé, discret et fantomatique. Une vraie tuerie.
"Potential Silence" est très étonnant, un peu jazzy, avec un piano et un tempo rappelant un peu le fameux "Come On Eileen" de Dexys Midnight Runners, petite merveille des années 80, et une batterie assez martiale. Le chant est très différent du morceau précédent. "Turtle" nous entraîne à nouveau dans un registre différent, à la fois plus pop et plus soul. L'inédit "Africa", avec ses cris tribaux et ses percussions de la jungle, porte bien son nom. "Being There" (dont le compositeur est anonyme) est à nouveau dominé par le piano, avec un changement de rythme évoquant les BO de John Barry. "Unbalanced" est plus rythmé, un morceau simple mais d'une grande puissance, où les claviers dominent. "The Clown" est à l'image de son titre, avec un sifflet-jouet, mais n'est aucunement ridicule. "The Butcher's Shop" n'a rien de sanguinolent, il se différencie par un curieux piano sonnant presque comme un vibraphone, et une discrète guitare acoustique en retrait. "One Afternoon In A Hot Air Balloon" est à la fois plus dynamique et plus jazzy, avec un chant proche de la soul. "It's Good To Be Alone" est une ballade tendue et détendue à la fois, ambiance fanfare et cabaret à la Kurt Weill (rappelez vous, "Alabama Song", repris par The Doors, c'est lui). "The Slide" évoquerait presque du punk-funk (style devenu ou redevenu très prisé de nos jours), avec là encore une batterie à la fois minimaliste et très puissante. "Louise" est une sorte de tango, mais cette danse ode à la mort et à l'amour est ici revisitée à la sauce post-punk. "The Alabama Song" (tiens, tiens, justement on en parlait, et je n'avais pas vu qu'elle figurait sur le CD, que je suis en train d'écouter pour la première fois), hymne débauché et décadent, (‘Well, show me the way to the next whiskey bar') et désespéré (‘I tell you, I tell you I tell you we must die'), est bien entendu une reprise de Kurt Weill, fameux compositeur juif allemand exilé à New York et qui mit en musique les pièces de théâtre de Brecht. La version d'Artery est très différente de celle du groupe du Lizard King, et tout aussi intéressante. La voix du chanteur rappelle un peu Jack Skellington dans Nightmare Before Christmas, chef-d'œuvre de Tim Burton. "A Song For Lena" est sans doute le titre le plus faible de la compilation mais reste de bon niveau, et est conclu par un début de solo de guitare hispanique. "The Death Of Peter X" : du pur post-punk à son meilleur, avec ligne de basse menaçante, guitare déchirée et déchirante, batterie sèche et minimaliste, nappe de synthé glaciale, ponctuée par des notes de piano, chant hagard, déclamatoire, désabusé et halluciné. "Afterwards (Remix)" est tout sauf un remix bas de gamme dansant et électronique. C'est une version très différente et tout aussi géniale, avec de cristallins accords de guitare acoustique (je n'avais pas encore placé le mot ‘cristallin' dans la chronique), une voix lointaine et étouffée, une guitare électrique ponctuelle et maladive, et des hand claps à la fin. Excellent moyen de conclure cette compilation de très haute tenue.
Un groupe culte mais totalement inconnu à découvrir absolument. Cette compilation en est un moyen idéal.
Cependant, le secret le mieux gardé de cette cité septentrionale est Artery. Autant le dire tout de suite, John Peel lui même affirma qu'Artery était son groupe préféré !
Etrangement, je n'ai découvert ce groupe que très récemment. Etant fan de The Mission depuis 20 ans, je connaissais son existence. Mais allez savoir pourquoi je n'avais jamais pris la peine d'essayer d'écouter ce groupe. Peut-être à cause de ce nom, rédhibitoire à mes yeux, qui est tout sauf poétique, et aussi parce que je craignais que ce ne soit qu'un groupe de pop synthétique new-wave de plus. Le fait que Simon Hinkler, guitariste de The Mission, joue du clavier et non de la guitare avec eux n'arrangeant rien. Je m'étais seulement dit que j'y jetterais une oreille, un jour, mais le temps passe... Et 20 ans près c'est enfin chose faite.
Eh bien, cette découverte musicale tardive est un choc ! Artery est certainement l'un des meilleurs groupes de post-punk, et pourtant Dieu sait combien il y a de formations excellentes au sein de ce mouvement. Mais aussi l'un des moins connus (ou plutôt, des plus inconnus). Ils furent pourtant considérés comme une réponse de Sheffield à Joy Division, mais n'eurent jamais l'once du soupçon de l'ombre de la moindre parcelle de la renommée des Mancuniens. Il faut dire qu'ils sont moins sombres, et le chanteur a d'ailleurs eu le mauvais goût de ne pas se suicider. Les photos du livret en noir et blanc montrent pourtant un chanteur ressemblant étrangement à Ian Curtis, tandis qu'un autre membre du groupe arbore une coupe à la Nick Cave période Birthday Party, à faire pâlir d'envie n'importe quel punk.
Je me hâtai donc d'acquérir leurs disques, en commençant par des compilations, les morceaux disponibles sur le Net tournant en attendant en boucle sur mon PC, et par proposer le groupe sur mon site préféré.
Le revival post-punk de ces dernières années a suscité un regain d'intérêt pour le groupe. A tel point qu'il s'est reformé en 2007 à la demande de Jarvis Cocker, qui a toujours été fan du groupe – Pulp aurait d'ailleurs assuré leur première partie à la fin des années 70, et Simon Hinkler était à cette époque le petit ami de la sœur de ce chanteur.
Cette reformation n'est d'ailleurs guère étonnante, car finalement rares sont les groupes de cette époque et de ce mouvement qui ne se sont pas reformés (cf. Echo And The Bunnymen, Bauhaus, Minimal Compact, Skeletal Family, etc.), de manière plus ou moins durable, mais toujours avec un accueil favorable. Cependant, ce sont plutôt les groupes majeurs qui se sont reformés, ceux pour qui l'attente du public était forte. La reformation d'Artery était donc très hypothétique ! Ces reformations sont d'ailleurs la plupart du temps décevantes, du moins en ce qui concerne les nouveaux albums, pas les concerts. Et à ce propos, les vidéos des récents concerts d'Artery qui circulent sur la toile montrent un groupe au talent et à l'énergie intacts...
Dans Artery, le chant est déclamatoire, quelque peu halluciné, la basse domine, les claviers (piano, orgue et synthé) sont omniprésents – Simon Hinkler est pour moi le meilleur de tous les temps dans ce registre – , la section rythmique parfaite de rigueur et d'inventivité, les guitares discrètes (même trop à mon goût) mais efficaces.
Cette compilation, Into The Garden – An Artery Collection, a le mérite d'être homogène, le groupe n'a d'ailleurs que peu duré (les morceaux datent tous de 1981 à 1983), et la qualité ne baisse jamais : aucun morceau n'est à jeter, bien au contraire. De plus, on y trouve un inédit et des versions différentes. Ces trois caractéristiques sont rares dans une publication de ce genre, qui sont le plus souvent des best of ou des fourre-tout indigestes, toujours hétéroclites. Si on ajoute que les albums du groupe sont introuvables et n'ont jamais été édités en CD, on tient là une compilation indispensable. La production, malgré le manque de moyens, est irréprochable.
Introduit par un orgue rachitique, "Into The Garden" est du post-punk pur et dur, basse lourde et souple à la fois, batterie à contretemps, guitare mélancolique, chante décalé, le tempo monte et nous emporte.
Le single "Afterwards" est mon morceau préféré du groupe, du moins de ceux que je connais pour l'instant (une trentaine). Sa ligne de basse, tortueuse, dure et hypnotique, est l'une des meilleures que j'aie jamais entendu (et pourtant Dieu sait s'il y a des bassistes de talent et des lignes de basse à tomber par terre dans le post-punk). Le phrasé incantatoire du chanteur rappelle un peu Minimal Compact, la guitare est cassée, la batterie, tribale et sans cymbales, excellente, le synthé, discret et fantomatique. Une vraie tuerie.
"Potential Silence" est très étonnant, un peu jazzy, avec un piano et un tempo rappelant un peu le fameux "Come On Eileen" de Dexys Midnight Runners, petite merveille des années 80, et une batterie assez martiale. Le chant est très différent du morceau précédent. "Turtle" nous entraîne à nouveau dans un registre différent, à la fois plus pop et plus soul. L'inédit "Africa", avec ses cris tribaux et ses percussions de la jungle, porte bien son nom. "Being There" (dont le compositeur est anonyme) est à nouveau dominé par le piano, avec un changement de rythme évoquant les BO de John Barry. "Unbalanced" est plus rythmé, un morceau simple mais d'une grande puissance, où les claviers dominent. "The Clown" est à l'image de son titre, avec un sifflet-jouet, mais n'est aucunement ridicule. "The Butcher's Shop" n'a rien de sanguinolent, il se différencie par un curieux piano sonnant presque comme un vibraphone, et une discrète guitare acoustique en retrait. "One Afternoon In A Hot Air Balloon" est à la fois plus dynamique et plus jazzy, avec un chant proche de la soul. "It's Good To Be Alone" est une ballade tendue et détendue à la fois, ambiance fanfare et cabaret à la Kurt Weill (rappelez vous, "Alabama Song", repris par The Doors, c'est lui). "The Slide" évoquerait presque du punk-funk (style devenu ou redevenu très prisé de nos jours), avec là encore une batterie à la fois minimaliste et très puissante. "Louise" est une sorte de tango, mais cette danse ode à la mort et à l'amour est ici revisitée à la sauce post-punk. "The Alabama Song" (tiens, tiens, justement on en parlait, et je n'avais pas vu qu'elle figurait sur le CD, que je suis en train d'écouter pour la première fois), hymne débauché et décadent, (‘Well, show me the way to the next whiskey bar') et désespéré (‘I tell you, I tell you I tell you we must die'), est bien entendu une reprise de Kurt Weill, fameux compositeur juif allemand exilé à New York et qui mit en musique les pièces de théâtre de Brecht. La version d'Artery est très différente de celle du groupe du Lizard King, et tout aussi intéressante. La voix du chanteur rappelle un peu Jack Skellington dans Nightmare Before Christmas, chef-d'œuvre de Tim Burton. "A Song For Lena" est sans doute le titre le plus faible de la compilation mais reste de bon niveau, et est conclu par un début de solo de guitare hispanique. "The Death Of Peter X" : du pur post-punk à son meilleur, avec ligne de basse menaçante, guitare déchirée et déchirante, batterie sèche et minimaliste, nappe de synthé glaciale, ponctuée par des notes de piano, chant hagard, déclamatoire, désabusé et halluciné. "Afterwards (Remix)" est tout sauf un remix bas de gamme dansant et électronique. C'est une version très différente et tout aussi géniale, avec de cristallins accords de guitare acoustique (je n'avais pas encore placé le mot ‘cristallin' dans la chronique), une voix lointaine et étouffée, une guitare électrique ponctuelle et maladive, et des hand claps à la fin. Excellent moyen de conclure cette compilation de très haute tenue.
Un groupe culte mais totalement inconnu à découvrir absolument. Cette compilation en est un moyen idéal.
Excellent ! 18/20 | par Gaylord |
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