José Gonzalez

Crosses

Crosses

 Label :     Peacefrog 
 Sortie :    lundi 14 mars 2005 
 Format :  Maxi / CD   

S'il ne fallait retenir qu'une seule chanson de José González, ce serait immanquablement "Crosses". Non parce qu'il s'agit du premier EP de garçon, ni par la popularité qu'il a suscité à sa sortie mais parce que ce titre représente à lui seul tout le talent et l'éclat de cet artiste à la discrétion exemplaire. Sa puissance est multiple et pourtant presque invisible aux premiers abords. Ou devrais-je dire insoupçonnable, car il faut dire que les idées reçues ne manquent pas lorsqu'on aborde pour la première fois ce disque juxtaposant au folk un nom hispanique. Et pourtant on se fait surprendre des manières les plus belles qu'il soit. Car oui cet immigrant suédois a plusieurs flèches à son arc et ne se prive pas de les décocher toutes en même temps sur ce morceau éponyme.

Difficile néanmoins de choisir le meilleur angle à aborder pour commencer tant le jet est homogène et converge dans une seule et même direction, celle de la poésie et de la fluidité. Et c'est sûrement cela qui touche en premier lieu : l'ondoyance et l'intelligibilité des caresses que González adresse à sa compagne aux hanches généreuses. Des formes dociles qu'il exploite d'une main sûre et aguerrie et fait résonner sans comparaison aucune. Il semble puiser chaque son dans le bois, dans chacun des rayons ligneux que le luthier a dissimulé sous le vernis. Il les détache délicatement et les fait jaillir par delà sa rosace envoûtée à travers ses palm-mute, hammer-on ou autres pull-off qui à côté de ce savoir-faire deviennent vite secondaires. En effet, le guitariste va bien au delà de la technique pure en canalisant sa fougue romantique davantage dans l'intimité et le ressenti que dans l'étalage luxurieux. C'est ainsi dans l'optique d'altérer le moins possible cette extraction minutieuse intègre que le réfugié argentin privilégie les cordes à vide. Quitte à faire des accordages pas possible, ce qui confère encore plus à son folk une profondeur vertigineuse naturelle magnifique.

Enfin, comme si sa musique n'irradiait pas suffisamment par son honnêteté et sa simplicité, le songwriter use de la même sagesse pour ses textes. José González éblouit par la dimension universelle qui émane de chacun de ses mots et le recul qu'il prend par rapport à ses récits. Il passe quasiment tous les détails sous silence et pourtant ses paroles rayonnent de sens et d'espoir. Et la seule chose qui est certaine c'est que l'on ne connaîtra ni le fin mot de l'histoire, ni son explication. Ainsi "Crosses" fait allusion à la fois à la dimension religieuse pure des croix, à la métaphore des fardeaux que l'on porte toute sa vie, aussi nombreux et changeants soient-ils, ou au passage d'une ambulance. Aucune indication ne nous est donnée car les conséquences de différents actes peuvent être les mêmes. Dès ce moment là, les maux importent peu. Seul le fait de se retrouver dans la même situation que quelqu'un d'autre ayant emprunté un autre chemin donne tout autant à réfléchir. L'auteur se concentre ainsi sur la racine même de nos ennuis quotidiens. L'amour, la tristesse ou les autres sujets traités habituellement sont relégués au second rang car pour lui il n'y a qu'une seule source de problème : le mensonge, qui enfante alors le pire. Inscrits dans la même quête dénonciatrice, "Deadweight On Velveteen" parle des non-dits entre deux amants, "Hints" des illusions et "Storm"du mensonge à soi-même. Et dans chaque portait, les personnages s'effacent devant les faits puisqu'on l'a appris avec le temps seuls les visages changent, les actes restant les mêmes.

Poète comme on a rarement l'occasion d'entendre vibrer, José González ouvre sa carrière d'une manière somptueuse. Crosses possède une maturité qui fait oublier qu'il s'agit bel et bien de sa première production. Une production difficile à comparer avec Veneer puisque le guitariste compose avec très peu, mais que l'on retient par son authenticité et son inspiration philosophique de ces écrits. Un EP qui s'approcherait presque de l'enseignement transcendantal. Un domaine que les songwriters empruntent rarement excepté ceux qui ont compris l'essence des choses.


Exceptionnel ! !   19/20
par TiComo La Fuera


Proposez votre chronique !







Recherche avancée
En ligne
404 invités et 0 membre
Au hasard Balthazar
Sondages
Fermez les yeux, je vous dis "Musique", vous voyez :