Shugo Tokumaru
Exit |
Label :
P-Vine |
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Voici une très grande découverte. Les quelques personnes s'étant enflammées à droite et à gauche sur la toile au sujet du jeune Shugo ne se sont pas plantées. Ce que réalise ce petit gars avec trois bouts de ficelle tient quasiment du prodige. J'avais rien vu venir : Exit dure 35 minutes, et le dessin de la pochette nous indique tout de suite qu'on entre dans le domaine de " l'art en miniature ", l'art qui ne cherche pas forcément à aller séduire l'auditeur, préférant lui demander de faire un effort pour s'approcher (avec une loupe de préférence). Le risque est parfois de tomber dans le timide ou l'insignifiant, c'est ce que je craignais un peu. Mais Shugo Tokumaru parvient à s'imposer naturellement. Même si nous sommes très loin d'Andrew Bird en terme de style, une chose relie à coup sûr les deux artistes : cette déconcertante tendance à aligner des mélodies sublimes et des arrangements redoutablement complexes en nous donnant l'impression que tout coule de source et que c'est facile. Shugo chante, joue d'une multitude d'instruments (plusieurs dizaines d'instruments-jouets semble-il), enregistre et produit. Il fait tout, et de manière artisanale, mais aussi de manière particulièrement pointilleuse. Tout s'embrique très logiquement comme dans un puzzle. Sur "Parachute", d'entrée, les guitares acoustiques en cascades scintillantes, le refrain hyper malin et entêtant, ensorcellent. Imaginons un croisement improbable entre le meilleur des Beatles et le meilleur de Pascal Comelade, le tout chanté en japonais, et on s'approchera peut-être un peu de ce que représente Exit, sans parvenir à soulever son mystère : on s'approche grandement de la perfection pop, pas besoin de gratter beaucoup sous l'apparence de bric à brac destroy, tant l'invention et la beauté mélodique explosent à l'unisson.
Ce disque possède en particulier la force d'être particulièrement euphorisant. Ceux qui ont vu The Taste Of Tea, cet hilarant et sensible portrait en creux d'une famille de timbrés japonais doivent savoir à peu près de quelle euphorie je veux parler. Celle qui survient quand on se rend compte que l'inconstance est un vrai trésor à entretenir. Shugo nous trimballe un peu où il veut, dans un valse multicolore (" Green Rain "), un instrumental cartoonesque (" Future Umbrella "), une ballade bien branque au refrain fédérateur pour les tapis de fleurs ("Button "), ou un punk-rock joué par une horde de playmobils (" D.P.O. "). Difficile de parler de l'apothéose " La La Radio " sans ressentir une émotion particulière. Un vrai modèle de chanson pop, future incontournable j'espère, sublime chanson à tiroirs (exit le couplet-refrain) qui n'en finit plus de s'élever ; quand on croit que ça ne peut pas monter plus haut, une ligne déchainée de guitare sèche solliloque, la pression monte, et tout décolle, dans un moment définitivement extatique. Shugo parvient à décrocher la lune, et une larme au passage.
Shugo Tokumaru avait déjà pas mal impressionné avec L.S.T., sorti en 2005 sur le label marseillais défricheur Active Suspension (celui de Domotic entre autres), et ce n'est pas avec Exit qu'il se fera mieux connaître sans doute, vu que le disque n'est même pas distribué en France et qu'il a fallu attendre plus d'un an pour qu'il soit distribué en dehors du Japon. Encore un truc qui me laisse penser que la qualité est inversement proportionnelle au succès, à de rares exceptions près. Mais il n'est pas trop tard pour découvrir ce grand songwriter surgit de là où on attendait pas spécialement grand chose dans ce domaine, le pays du soleil levant. Un mec parvenu à digérer totalement ses influences allant de la folk anglaise à la country américaine en passant par tout le minimalisme ludique initié par Comelade (auquel les japonais ont été plus réceptifs que les français d'ailleurs), et ceci sans renier son propre héritage culturel. Dans ce disque on entend aussi de petits instruments japonais, et Shugo n'emploie pas un mot d'anglais dans ses textes. Il nous démontre ainsi très simplement que le japonais est une langue très musicale. Au final, dire à quoi sa musique ressemble devient assez difficile. Le résultat est tout aussi singulier qu'extrêmement accrocheur. Respect.
Ce disque possède en particulier la force d'être particulièrement euphorisant. Ceux qui ont vu The Taste Of Tea, cet hilarant et sensible portrait en creux d'une famille de timbrés japonais doivent savoir à peu près de quelle euphorie je veux parler. Celle qui survient quand on se rend compte que l'inconstance est un vrai trésor à entretenir. Shugo nous trimballe un peu où il veut, dans un valse multicolore (" Green Rain "), un instrumental cartoonesque (" Future Umbrella "), une ballade bien branque au refrain fédérateur pour les tapis de fleurs ("Button "), ou un punk-rock joué par une horde de playmobils (" D.P.O. "). Difficile de parler de l'apothéose " La La Radio " sans ressentir une émotion particulière. Un vrai modèle de chanson pop, future incontournable j'espère, sublime chanson à tiroirs (exit le couplet-refrain) qui n'en finit plus de s'élever ; quand on croit que ça ne peut pas monter plus haut, une ligne déchainée de guitare sèche solliloque, la pression monte, et tout décolle, dans un moment définitivement extatique. Shugo parvient à décrocher la lune, et une larme au passage.
Shugo Tokumaru avait déjà pas mal impressionné avec L.S.T., sorti en 2005 sur le label marseillais défricheur Active Suspension (celui de Domotic entre autres), et ce n'est pas avec Exit qu'il se fera mieux connaître sans doute, vu que le disque n'est même pas distribué en France et qu'il a fallu attendre plus d'un an pour qu'il soit distribué en dehors du Japon. Encore un truc qui me laisse penser que la qualité est inversement proportionnelle au succès, à de rares exceptions près. Mais il n'est pas trop tard pour découvrir ce grand songwriter surgit de là où on attendait pas spécialement grand chose dans ce domaine, le pays du soleil levant. Un mec parvenu à digérer totalement ses influences allant de la folk anglaise à la country américaine en passant par tout le minimalisme ludique initié par Comelade (auquel les japonais ont été plus réceptifs que les français d'ailleurs), et ceci sans renier son propre héritage culturel. Dans ce disque on entend aussi de petits instruments japonais, et Shugo n'emploie pas un mot d'anglais dans ses textes. Il nous démontre ainsi très simplement que le japonais est une langue très musicale. Au final, dire à quoi sa musique ressemble devient assez difficile. Le résultat est tout aussi singulier qu'extrêmement accrocheur. Respect.
Excellent ! 18/20 | par Sam lowry |
Posté le 08 avril 2012 à 18 h 42 |
Exit, troisième pièce de l'orfèvre pop bricolo-pointilliste Shugo Tokumaru, bénéficiera tôt ou tard d'une distribution digne de ce nom. L'occasion de découvrir l'œuvre la plus aboutie et enthousiasmante du Japonais à ce jour. Un joyeux bordel au pays de Candy.
Le mirifique L.S.T. — une traduction possible : "Listeners in the Sky with Tokumaru" — et sa comptine débraillée et enchanteresse "Mist" avaient frappé quelques esprits chanceux il y a deux ans. Ce dernier privilégiait les atmosphères et les digressions sans queue ni tête. Avec deux queues ou deux têtes, au moins, pour dire vrai. Sur Exit, le multi-instrumentiste japonais ne fait pas fi du passé et en profite pour décocher quelques minuscules flèches "couplet-refrain" qui atteignent souvent leur but. En plein cœur — le scientifique poéticide préfèrera parler d'un dialogue entre cerveaux reptilien, émotionnel et logique qui aboutit à l'émission massive de neurotransmetteurs.
Le diapré "Parachute", à la rythmique "sommier incertain", annonce d'emblée la couleur. Tokumaru y semble désireux d'en découdre et d'imposer ses 'bri-collages' sonores à l'auditeur. Soit dit en passant, le yokozuna Musashimaru peut commencer à trembler. Il s'en dégage une simplicité et une légèreté déconcertantes malgré une recherche sur les textures manifeste — utilisation d'instruments jouets, bruits étranges, etc. Arrive ensuite "Green Rain", micro-tube en puissance qui pourrait provoquer chez certains un feu d'artifice crânien de type "Principe du plaisir" de Magritte. Structure pop classique, mécanique doublement implacable et refrain imparable. On imagine soudain "l'Enfer" de Bosch s'animer. Et chose inattendue, l'engeance de fraterniser et de se mettre à danser. Une sorte de pendant jovial au non moins détonant "Bullets" de Tunng.
L'intensité ne décroît pas avec "Clocca", structurellement plus original. Le musicien japonais revient à ses menues digressions chéries. Le titre repose sur plusieurs phrases musicales qui défilent l'une après l'autre puis viennent petit à petit s'entremêler. Sur la fin, l'inter-pénétration devient irrésistiblement morveuse. Ça colle littéralement aux oreilles. "Future Umbrella", instrumental enfantin, nous conduit allégrement au Tokumaru version Beatles de "Button". Chanson immédiate dont le refrain outrageusement pop pourra au premier abord apparaître un tantinet lénifiant. Mais au fur et à mesure qu'elle avance, elle développe ses motifs, déploie de petites ailes insoupçonnées et finit par emporter l'adhésion. Les légères variations sur les couplets confèrent une nouvelle dimension à son refrain "fraise Tagada". La jeunesse de France en redemande !
Un peu plus loin, "Sanganichi", ballade à l'atmosphère bucolique, prône l'immobilisme formel et invite à une espèce de déjeuner sur l'herbe bienvenu. Comme une respiration nécessaire après une première partie de disque haletante et avant le cyclothymique "D.P.O.". A peine sur le coin de verdure, hors de son milieu, l'"Otaku Dépressif Pathologique" (une traduction possible) trépigne puis se calme quelques secondes avant de repartir de plus belle. On découvre ici un Tokumaru sans pitié pour ses créatures. Le plus serein "Hidamari" tisse patiemment sa toile quatre minutes durant. Le tunnel central, empli d'éther, crée un contraste intéressant qui rend le thème principal un peu plus entêtant.
L'ample et onirique "La La Radio" constituera sans doute pour beaucoup le climax de cet Exit petit à petit addictif. Un début apaisé puis, au bout de trois minutes, une montée en puissance progressive avant un finale dépaysant de toute beauté, l'apothéose d'une véritable symphonie de poche. On pressent que, les schèmes de reconnaissance totalement en place — le fameux devenir-réactif des forces actives -, elle et "Green Rain" auront encore quelque chose à nous dire. L'instrumental country "Wedding" clôt l'album de façon idoine. L'allégresse est toujours présente mais la nostalgie commence déjà à nous bercer d'illusions rétrospectives.
Exit se révèle assez complexe sur le plan des structures et des textures sonores et, paradoxalement ou non, est reçu par l'auditeur comme relativement simple. D'aucuns pourraient d'ailleurs lui intenter un procès en superficialité. Ce qui n'est pas nécessairement un jugement négatif. L'ami allemand de la sagesse et son auguste moustache ne disait-il pas de certains Grecs qu'ils étaient superficiels par profondeur ? Face au néant dont nous provenons et vers lequel nous courons, certains artistes seront poussés plus ou moins naturellement vers la recherche de formes éventuellement vectrices de passions joyeuses. Pour en revenir à la notion de simplicité, moins connotée, il faut du temps à un artiste pour trouver la forme la mieux à même de dire ce qu'il veut dire. Contrairement à Pablo l'Andalou, certains passeront parfois toute leur vie à chercher. Le génie japonais, s'il existe, réside peut-être dans une épure progressive, une simplicité enfin domestiquée qui porte en elle tous les travaux préparatoires d'un artiste et nous signifie l'essentiel. En tout cas, le frêle Shugo Tokumaru semble engagé sur une voie royale. Jamais la simplicité et l'impact en réception n'ont en effet été aussi grands. Exit, meilleure porte d'entrée dans son univers, dégage une beauté étrange, plus mécanique que charnelle, et rend, par instants, bêtement joyeux.
Le mirifique L.S.T. — une traduction possible : "Listeners in the Sky with Tokumaru" — et sa comptine débraillée et enchanteresse "Mist" avaient frappé quelques esprits chanceux il y a deux ans. Ce dernier privilégiait les atmosphères et les digressions sans queue ni tête. Avec deux queues ou deux têtes, au moins, pour dire vrai. Sur Exit, le multi-instrumentiste japonais ne fait pas fi du passé et en profite pour décocher quelques minuscules flèches "couplet-refrain" qui atteignent souvent leur but. En plein cœur — le scientifique poéticide préfèrera parler d'un dialogue entre cerveaux reptilien, émotionnel et logique qui aboutit à l'émission massive de neurotransmetteurs.
Le diapré "Parachute", à la rythmique "sommier incertain", annonce d'emblée la couleur. Tokumaru y semble désireux d'en découdre et d'imposer ses 'bri-collages' sonores à l'auditeur. Soit dit en passant, le yokozuna Musashimaru peut commencer à trembler. Il s'en dégage une simplicité et une légèreté déconcertantes malgré une recherche sur les textures manifeste — utilisation d'instruments jouets, bruits étranges, etc. Arrive ensuite "Green Rain", micro-tube en puissance qui pourrait provoquer chez certains un feu d'artifice crânien de type "Principe du plaisir" de Magritte. Structure pop classique, mécanique doublement implacable et refrain imparable. On imagine soudain "l'Enfer" de Bosch s'animer. Et chose inattendue, l'engeance de fraterniser et de se mettre à danser. Une sorte de pendant jovial au non moins détonant "Bullets" de Tunng.
L'intensité ne décroît pas avec "Clocca", structurellement plus original. Le musicien japonais revient à ses menues digressions chéries. Le titre repose sur plusieurs phrases musicales qui défilent l'une après l'autre puis viennent petit à petit s'entremêler. Sur la fin, l'inter-pénétration devient irrésistiblement morveuse. Ça colle littéralement aux oreilles. "Future Umbrella", instrumental enfantin, nous conduit allégrement au Tokumaru version Beatles de "Button". Chanson immédiate dont le refrain outrageusement pop pourra au premier abord apparaître un tantinet lénifiant. Mais au fur et à mesure qu'elle avance, elle développe ses motifs, déploie de petites ailes insoupçonnées et finit par emporter l'adhésion. Les légères variations sur les couplets confèrent une nouvelle dimension à son refrain "fraise Tagada". La jeunesse de France en redemande !
Un peu plus loin, "Sanganichi", ballade à l'atmosphère bucolique, prône l'immobilisme formel et invite à une espèce de déjeuner sur l'herbe bienvenu. Comme une respiration nécessaire après une première partie de disque haletante et avant le cyclothymique "D.P.O.". A peine sur le coin de verdure, hors de son milieu, l'"Otaku Dépressif Pathologique" (une traduction possible) trépigne puis se calme quelques secondes avant de repartir de plus belle. On découvre ici un Tokumaru sans pitié pour ses créatures. Le plus serein "Hidamari" tisse patiemment sa toile quatre minutes durant. Le tunnel central, empli d'éther, crée un contraste intéressant qui rend le thème principal un peu plus entêtant.
L'ample et onirique "La La Radio" constituera sans doute pour beaucoup le climax de cet Exit petit à petit addictif. Un début apaisé puis, au bout de trois minutes, une montée en puissance progressive avant un finale dépaysant de toute beauté, l'apothéose d'une véritable symphonie de poche. On pressent que, les schèmes de reconnaissance totalement en place — le fameux devenir-réactif des forces actives -, elle et "Green Rain" auront encore quelque chose à nous dire. L'instrumental country "Wedding" clôt l'album de façon idoine. L'allégresse est toujours présente mais la nostalgie commence déjà à nous bercer d'illusions rétrospectives.
Exit se révèle assez complexe sur le plan des structures et des textures sonores et, paradoxalement ou non, est reçu par l'auditeur comme relativement simple. D'aucuns pourraient d'ailleurs lui intenter un procès en superficialité. Ce qui n'est pas nécessairement un jugement négatif. L'ami allemand de la sagesse et son auguste moustache ne disait-il pas de certains Grecs qu'ils étaient superficiels par profondeur ? Face au néant dont nous provenons et vers lequel nous courons, certains artistes seront poussés plus ou moins naturellement vers la recherche de formes éventuellement vectrices de passions joyeuses. Pour en revenir à la notion de simplicité, moins connotée, il faut du temps à un artiste pour trouver la forme la mieux à même de dire ce qu'il veut dire. Contrairement à Pablo l'Andalou, certains passeront parfois toute leur vie à chercher. Le génie japonais, s'il existe, réside peut-être dans une épure progressive, une simplicité enfin domestiquée qui porte en elle tous les travaux préparatoires d'un artiste et nous signifie l'essentiel. En tout cas, le frêle Shugo Tokumaru semble engagé sur une voie royale. Jamais la simplicité et l'impact en réception n'ont en effet été aussi grands. Exit, meilleure porte d'entrée dans son univers, dégage une beauté étrange, plus mécanique que charnelle, et rend, par instants, bêtement joyeux.
Très bon 16/20
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