Current 93
Crowleymass |
Label :
Maldoror |
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Crowleymass est un de ces objets entourés de culte et de mystère, qui ne peuvent que témoigner d'un des nombreux caractères de la musique industrielle : sa capacité à évoluer, à expérimenter, à s'inspirer de tout et n'importe quoi et à en faire sa propre tambouille. Niveau expérimentations, Current 93 n'est d'ailleurs pas le plus frileux : le groupe anglais, emmené par l'étrange David Tibet, se sera essayé à des styles divers et variés. Mais ne parle là qu'une vérité générale, je connais trop mal C93 pour oser m'aventurer plus loin. C'est justement en me jetant dans la discographie du groupe, à la recherche de quelque chose à quoi me raccrocher, que j'ai fait la découverte de Crowleymass... En bon maniaque de la chronologie, j'avais tout d'abord posé mes oreilles sur le traumatisant Nature Unveiled, premier album du groupe, terrifiant diptyque d'indus old school lorgnant sur le dark ambient mystique. Bien que je me plaise à me croire rompu à de nombreuses formes de musiques propres à faire hurler d'horreur tout bon amateur de Kenzah Farah, Nature Unveiled est de ces œuvres qui filent la trouille quel que soit le degré de dépucelage des oreilles de l'auditeur. Je me rabattai donc sur Crowleymass, EP de quatre titres au nom et à l'artwork intriguants.
Pour être précis, Crowleymass est une collaboration entre HÖH et Current 93. HÖH pour Hilmar Örn Hilmarsson, musicien islandais de son état, qui n'en restera pas là dans son aventure avec David Tibet puisqu'il l'accompagnera jusqu'en 1994, sur, entre autres, Imperium et Swastikas For Noddy. Pour clore ce court chapitre exotique, signalons également la présence d'un autre islandais, guitariste celui-là, dont je tairais le nom parce qu'il me coûterait de l'écrire.
Crowleymass est donc un EP, comptant initialement trois titres, un dernier venant s'incruster dans la réédition sur CD de 1997. S'il me fallait ranger ce disque dans une case, ce serait celle ô combien hybride et repoussante de l'experimental dance post-punk. Nous avons en effet là l'une des productions les plus accrocheuses et dansantes de Current 93, prenant totalement à contre-pied le malaise aliénant de Nature Unveiled (pour ne citer que lui, et aussi parce que c'est le seul autre album de C93 que je connaisse). Le titre éponyme, situé en première piste, pièce centrale de l'album, est en effet un morceau de rock dingue piochant dans de nombreux styles, jusqu'à le rendre indéfinissable, indescriptible et inclassable. On perçoit cependant des racines post-punk/indus, rappelant très légèrement quelque chose comme "Panic" de Scatology, par Coil. Seulement, l'ambiance est ici moins sombre et maladive, mais comment voulez-vous mettre mal à l'aise avec une telle basse et un tel beat ? David Tibet empoigne le micro d'une voix aussi illuminée que groovy, qu'est-ce que c'est, un discours d'embrigadement dans une secte ou du rap ? Je tendrais tout de même plus vers la première hypothèse, à l'écoute de ces cœurs mystiques dans le fond, et du ton extatique que prend Tibet, comme touché par une grâce impie. Un autre chœur, féminin celui-ci, confère finalement au morceau une réelle beauté, un aspect presque épique, dans une sublimation qui le rend tout simplement parfait. Comment enchaîner sur un pareil coup de génie ? Eh bien, avec un court instrumental rythmé qui prolonge l'ambiance, voix religieuses dans le fond, coups de feu et explosions qui s'invitent, bruits bizarroïdes de circonstance : "As For The Other Side" ouvre la face B en laissant à "Crowleymass" toute sa splendeur. Le clou est enfoncé avec "Crowleymass (Mix Mix Mix)", remix du titre original avec une guitare plus saturée et plus présente, des beats plus percutants et un son plus spatial. Rien de renversant sur ce morceau qui fait passer "Crowleymass" de quatre à sept minutes, il n'a rien d'indispensable mais il aurait été dommage de le laisser de côté. La dimension poignante du titre initial, introduite par le chœur féminin, est cependant occulté au profit d'une certaine répétitivité qui, bien loin d'être un défaut, fait naître une certaine torpeur chez l'auditeur. Là se termine l'édition originale du disque, et l'on se félicite de l'existence de la réédition sur CD avec un titre supplémentaire. Car le morceau final, "I Arise" a tout de la pépite qu'on attendait pas et qui se révèle presque (je dis bien presque) aussi précieuse que celle qui nous a tant ému plus tôt. Long de onze minutes trente-sept, cet autre ovni se révèle plus violent que ce qu'on nous a déjà servi. La guitare est accordée plus bas que terre ; on repère dès les premiers instants une recette similaire à celle appliquée sur "Crowleymass", seulement ici, David Tibet ne séduit plus par sa folie, il effraie par le voyage cosmique que son esprit a entreprit vers d'indicibles territoires. Aussi, dès le premier "I ARISE !" crié dans un rictus qu'on imagine démoniaque, un frisson nous parcourt l'échine. Emprisonné, l'auditeur ne peut que souffrir en silence dans sa torpeur, tandis que le maléfique rituel rock se poursuit.
Pour être précis, Crowleymass est une collaboration entre HÖH et Current 93. HÖH pour Hilmar Örn Hilmarsson, musicien islandais de son état, qui n'en restera pas là dans son aventure avec David Tibet puisqu'il l'accompagnera jusqu'en 1994, sur, entre autres, Imperium et Swastikas For Noddy. Pour clore ce court chapitre exotique, signalons également la présence d'un autre islandais, guitariste celui-là, dont je tairais le nom parce qu'il me coûterait de l'écrire.
Crowleymass est donc un EP, comptant initialement trois titres, un dernier venant s'incruster dans la réédition sur CD de 1997. S'il me fallait ranger ce disque dans une case, ce serait celle ô combien hybride et repoussante de l'experimental dance post-punk. Nous avons en effet là l'une des productions les plus accrocheuses et dansantes de Current 93, prenant totalement à contre-pied le malaise aliénant de Nature Unveiled (pour ne citer que lui, et aussi parce que c'est le seul autre album de C93 que je connaisse). Le titre éponyme, situé en première piste, pièce centrale de l'album, est en effet un morceau de rock dingue piochant dans de nombreux styles, jusqu'à le rendre indéfinissable, indescriptible et inclassable. On perçoit cependant des racines post-punk/indus, rappelant très légèrement quelque chose comme "Panic" de Scatology, par Coil. Seulement, l'ambiance est ici moins sombre et maladive, mais comment voulez-vous mettre mal à l'aise avec une telle basse et un tel beat ? David Tibet empoigne le micro d'une voix aussi illuminée que groovy, qu'est-ce que c'est, un discours d'embrigadement dans une secte ou du rap ? Je tendrais tout de même plus vers la première hypothèse, à l'écoute de ces cœurs mystiques dans le fond, et du ton extatique que prend Tibet, comme touché par une grâce impie. Un autre chœur, féminin celui-ci, confère finalement au morceau une réelle beauté, un aspect presque épique, dans une sublimation qui le rend tout simplement parfait. Comment enchaîner sur un pareil coup de génie ? Eh bien, avec un court instrumental rythmé qui prolonge l'ambiance, voix religieuses dans le fond, coups de feu et explosions qui s'invitent, bruits bizarroïdes de circonstance : "As For The Other Side" ouvre la face B en laissant à "Crowleymass" toute sa splendeur. Le clou est enfoncé avec "Crowleymass (Mix Mix Mix)", remix du titre original avec une guitare plus saturée et plus présente, des beats plus percutants et un son plus spatial. Rien de renversant sur ce morceau qui fait passer "Crowleymass" de quatre à sept minutes, il n'a rien d'indispensable mais il aurait été dommage de le laisser de côté. La dimension poignante du titre initial, introduite par le chœur féminin, est cependant occulté au profit d'une certaine répétitivité qui, bien loin d'être un défaut, fait naître une certaine torpeur chez l'auditeur. Là se termine l'édition originale du disque, et l'on se félicite de l'existence de la réédition sur CD avec un titre supplémentaire. Car le morceau final, "I Arise" a tout de la pépite qu'on attendait pas et qui se révèle presque (je dis bien presque) aussi précieuse que celle qui nous a tant ému plus tôt. Long de onze minutes trente-sept, cet autre ovni se révèle plus violent que ce qu'on nous a déjà servi. La guitare est accordée plus bas que terre ; on repère dès les premiers instants une recette similaire à celle appliquée sur "Crowleymass", seulement ici, David Tibet ne séduit plus par sa folie, il effraie par le voyage cosmique que son esprit a entreprit vers d'indicibles territoires. Aussi, dès le premier "I ARISE !" crié dans un rictus qu'on imagine démoniaque, un frisson nous parcourt l'échine. Emprisonné, l'auditeur ne peut que souffrir en silence dans sa torpeur, tandis que le maléfique rituel rock se poursuit.
Parfait 17/20 | par Jumbo |
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