Ce n'est pas à l'allure d'un modeste trot que le Cheval De Frise démarre cette course effrénée. Il galope plutôt, crinière au vent, à brides abattues, et nous on s'accroche sur son dos en espérant ne pas tomber en route.
Les deux musiciens font autant de barouf qu'un quintet de métalleux énervés. Une guitare hispanisante, une batterie aux multiples cymbales puisant allégrement dans le vaste panier à idées qu'est le jazz. Le résultat est très spécial, et je dois avouer que j'ai eu pas mal de difficultés à rentrer dans le bain. Première réaction : "Seraient-ce les Dream Theater de l'indé ? Gasp !". En effet, et ils ne s'en cachent pas, les deux déclarent jouer au maximum de leurs possibilités techniques, qui sont absolument effarantes. Leur musique est aussi complexe que les titres de l'album. La guitare, tenez-vous bien, est une guitare accoustique, couplée à une disto. Nos deux bordelais, façonnent un post-rock complètement barré difficile à suivre. A chaque plan de guitare correspond un plan de batterie, les deux préférant la complexité et les détours, plutôt que la ligne droite. C'est donc un sacré embrouillamini de notes si l'on écoute cet album d'une oreille distraite. Si attentif, le disque révéle toute sa force ; si l'on reste cramponné et si l'on accepte de rentrer dans "cette valse à mille temps" chère a Jacques Brel. Certains passages méritent vraiment d'être entendus. Les émotions ne viennent pas souvent d'elles mêmes et il faut aller les chercher. La démarche est intéressante. Certains passages sont irrésistibles mais adviennent généralement quand la technicité est moindre. Alors pourquoi ne pas avoir fait plus simple ? Cette galette est une énigme. Puisez ce que vous voulez, adorez-le ou niez tout en bloc. Le choix est vôtre.
Moi je salue la performance. Enregistrer cet album a probablement dû être un casse-tête chinois, et je dois dire qu'ils s'en sont plutôt bien sortis ! Laissons nos à-priori au placard et pourquoi ne pas miser sur ce Cheval ?