Agoraphobic Nosebleed

J'avais cette vieille voisine qui écoutait toujours sa télévision trop fort, les émissions de Michel Drucker, ou les chansons de jadis sur son petit transistor. Elle traînait derrière elle un remugle d'urine et de pantoufles usagées. Un jour, j'en ai eu marre de cette proximité et j'ai voulu précipiter son achèvement. J'ai sonné chez elle et me suis introduit sous un faux prétexte. Attachée, bâillonnée, un casque audio sur ses oreilles cireuses, j'ai lancé And On And On..., le split hautement nocif d'Agoraphobic Nosebleed et Despise You. Je voyais bien qu'elle souffrait atrocement à sa façon de se tortiller sur son matelas crasseux, c'était amusant. Dans ma grandeur d'âme, c'est Despise You qui a ouvert les hostilités. Une grosse quinzaine de titres fondus dans la brutalité du hardcore, le vice du grind old-school, la méchanceté du death-métal teigneux. Cela a dû lui péter le ciboulot parce qu'elle s'est mise à baver abondamment sur sa couverture miteuse tout en prenant un teint de haricot vert. Il n'y avait rien d'autre à faire que de filmer ce triste spectacle. Voyant les résultats de l'entrée en matière, j'attendais avec impatience d'observer les dégâts causés par Agoraphobic Nosebleed, groupe que je considère encore aujourd'hui comme l'un des plus barges de la scène extrême.
En sept pièces, les Américains démontrent toute la versatilité de leur style. De la pesanteur brute d'un "Half Dead" (titre en adéquation parfaite avec ma pauvre victime chiasseuse du jour) flirtant avec le stoner, à la boule d'incandescence qu'est "As Bad As It Is..." en passant par la spécialité du genre (des titres de quelques secondes totalement radicaux et inhumains), A.N. récite un abécédaire impeccable et implacable.
Encore un disque défiant les lois de la logique, de l'intelligence et du bon sens, sans compter que c'est vraiment de l'euthanasie bon marché.