Foxygen
..And Star Power |
Label :
Jagjaguwar |
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En 2013, Foxygen nous avait laissé un album qui ravissait les oreilles, un récital soigné de 9 titres dont les influences sixties et seventies étaient évidentes et assumées. We Are The 21st Century Ambassadors Of Peace & Magic s'imposait comme une de ces trouvailles qui, à défaut de révolutionner, proposait un son addictif et qui suscitait une adoration immédiate.
Une année et demi s'écoule, et un nouvel opus du groupe mené par le duo France/Rado est annoncé. Côté production, Richard Swift n'est plus aux manettes : le groupe s'autogère. Ceux qui espéraient "un album comme le précédent, mais en un peu différent quand même sinon ça manque d'originalité" pour l'écouter dans la voiture en allant au boulot allaient vite déchanter. Ce ...And Star Power aligne non pas une dizaine de pistes calibrées pour plaire mais un arsenal de 24 chanson pour un total de 82 minutes (pour vous donner un ordre d'idée, le Roi Lion dure 89 minutes). Un double album, rien que ça. L'ensemble est divisé en cinq parties distinctes : The Hits, Star Power Suite, The Paranoid Side, Scream : Journey Through Hell et Hang On To Love. Ces cinq parties constituent autant d'ambiances sonores. The Hits et Star Power Suite se partagent le premier CD, tandis que le reste va garnir le second.
L'album est résolument schizophrène et c'est assumé ; difficile d'évoquer l'album sans éplucher chacune des ambiances. L'aventure commence bien avec le premier CD : The Hits nous distille des pistes évidentes, clairement dans la lignée de leur précédent opus. On retiendra notamment "How Can You Really" et "Cosmic Vibrations", quoiqu'un peu fades à mon goût. Le titre de cette partie l'annonce : ici se trouvent les singles, les perles commerciales pour le public. Qu'on se le dise, l'humilité n'est pas le fort du groupe. La suite Star Power est quant à elle très bonne. Une ouverture au clavier mélodieuse s'efface pour une partie plus rageuse qu'on leur connaissait moins ("Star Power Nite") qui laisse à peine préfigurer ce qui va avoir lieu sur l'avant-dernière partie. La réussite de la Suite est indéniablement "What Are We Good For" où au début, le chant est une imitation plus que convaincante de Lou Reed. Sérieusement, j'ai cru qu'ils étaient allés le voir sur son lit de mort pour l'enregistrer. On reste dans l'hommage appuyé. Cette chanson est imparable, le refrain vous emporte et vous vous prenez à reprendre avec eux ‘What are we good for if we can't make it ?', tout en partageant leurs craintes quant à la suite de l'album. La suite se conclut sur la bien nommée "Ooh Ooh" remplie de chœurs mielleux, surannés et délicieux.
Le premier CD est bon, pas génial, pas mauvais, juste bon. Il n'arrive pas à transcender leur précédent opus : aucune chanson n'arrive à atteindre et encore moins dépasser les sommets de We Are The 21st Century Ambassadors Of Peace & Magic sauf éventuellement "What Are We Good For". Et c'est justement ça le souci, à faire un CD dans la lignée d'un précédent album, on ne peut s'empêcher de comparer, et la comparaison n'est pas flatteuse pour eux.
Mettons le second CD. C'est une nouvelle chronique qui commence maintenant. S'annoncent trois parties distinctes : The Paranoid Side, Scream : Journey Through Hell et Hang On To Love. Le CD s'ouvre sur le très Barrett "I Don't Have Anything" mais à la sauce "Terrapin", c'est-à-dire ... Chiant. Autant dire que cette piste tue net tout l'entrain accumulé dans la suite Star Power. On est dans un nouveau CD, dans une nouvelle ambiance. Sauf que The Paranoid Side est nulle, il n'y a pas d'autres mots. Cette partie est un fourre-tout sans âme de B-sides, de fragments de musiques, de pistes peu approfondies, d'absence de production digne de ce nom. On alterne des morceaux qui s'étirent en longueur à outrance et ceux qui ne franchissent pas les 2 minutes. Sérieusement, "666" c'est une vraie chanson ? C'est pas un délire de studio laissé tel quel pour déconner ? J'accuse "Wally's Farm" d'avoir été piqué à Vladimir Cosma pour la B.O. de L'Aile Ou La Cuisse. Ce qui est dommage c'est qu'il y a des choses intéressantes, mais tellement gâchées par un laxisme outrancier concernant la qualité. "Cannibal Holocaust" est le sommet de la partie, plutôt Pic du Canigou que Kilimandjaro quand même.
C'est donc passablement lessivé, blasé, que l'auditeur commence "Cold Winter/Freedom" et avec lui l'avant-dernière partie : Scream : Journey Through Hell. Avec un nom pareil, vous ne vous attendez pas à une collection de slows langoureux. Ici, les Foxygen durcissent sévèrement le ton, sortent les guitares crasses, rajoutent du bordel saturé sur du bordel distordu, et se laissent complètement aller en criant comme des débiles. On est dans du rock psyché sous drogue dure. Eh bien vous savez quoi ? C'est bien : c'est efficace, pas novateur pour un sou mais ils ont su puiser dans le passé pour fournir quelque chose de correct. Du Foxygen classique, quoi. Cette partie est clairement mieux maîtrisée, même si l'on voit encore des pistes d'amélioration (la basse est trop à la ramasse sur le velvetien "Freedom II" à mon goût par exemple, et en plus elle est purement et simplement calquée sur "On the Blue Mountain" de leur précédent album).
Les slows langoureux se trouvent du côté du dernier fragment, Hang On To Love, plus consensuel, mais pas déplaisant, signe d'un retour à la normale après cette frénésie. Au moment où ils surgissent, nous avons 74 minutes d'album dans les pattes, donc autant dire qu'on les écoute d'une oreille trop discrète... Et qu'ils ne marquent pas l'auditeur.
Au bilan, que retenir honnêtement ? Le groupe est ambitieux, j'irai même jusqu'à prétentieux mais il se révèle moins talentueux qu'escompté. L'album foisonne de bonnes idées, de bons passages mais est plombé par des erreurs monumentales de production et des pistes qui devraient encore être en gestation. On sent clairement qu'ils ont eu beaucoup trop d'indulgence sur leurs morceaux et que leur ambition n'était pas à la hauteur de la qualité qu'ils auraient dû s'exiger. C'est le vice de l'autoproduction, il manquait un garde-fou. Cependant, on peut apprécier la tentative de faire quelque chose de libre, hors des clous et de ne pas se contenter d'un 21st Century Ambassador II commercial et sans âme. Beaucoup sont ceux qui auraient aimé avoir ça et Foxygen ne leur ferme pas la porte : ils pourront se contenter du CD 1 en serrant (un peu) les dents. Ceux qui ont envie d'un peu d'éclectisme, d'assister à leurs expérimentations trouveront de quoi s'occuper au CD 2.
De plus, même si leurs morceaux paraissent moins ostentatoirement puisés dans l'histoire musicale des 60s-70s et tentent de s'en éloigner un peu, ils n'ont pas encore su proposer quelque chose d'un tant soit peu révolutionnaire et on sent que la route est encore longue avant d'y arriver : à peine s'écartent-ils de leurs maîtres que la sauce ne prend plus. Composer et exécuter toute une flopée de morceaux et en sélectionner les meilleurs (les moins pires ?) ne suffit pas. Se recentrer, moins se disperser : voilà la voie qu'ils devraient suivre. Ce ...And Star Power montre qu'ils ont fait clairement tout le contraire et le gâchis que cela engendre. L'album de l'immaturité.
Une année et demi s'écoule, et un nouvel opus du groupe mené par le duo France/Rado est annoncé. Côté production, Richard Swift n'est plus aux manettes : le groupe s'autogère. Ceux qui espéraient "un album comme le précédent, mais en un peu différent quand même sinon ça manque d'originalité" pour l'écouter dans la voiture en allant au boulot allaient vite déchanter. Ce ...And Star Power aligne non pas une dizaine de pistes calibrées pour plaire mais un arsenal de 24 chanson pour un total de 82 minutes (pour vous donner un ordre d'idée, le Roi Lion dure 89 minutes). Un double album, rien que ça. L'ensemble est divisé en cinq parties distinctes : The Hits, Star Power Suite, The Paranoid Side, Scream : Journey Through Hell et Hang On To Love. Ces cinq parties constituent autant d'ambiances sonores. The Hits et Star Power Suite se partagent le premier CD, tandis que le reste va garnir le second.
L'album est résolument schizophrène et c'est assumé ; difficile d'évoquer l'album sans éplucher chacune des ambiances. L'aventure commence bien avec le premier CD : The Hits nous distille des pistes évidentes, clairement dans la lignée de leur précédent opus. On retiendra notamment "How Can You Really" et "Cosmic Vibrations", quoiqu'un peu fades à mon goût. Le titre de cette partie l'annonce : ici se trouvent les singles, les perles commerciales pour le public. Qu'on se le dise, l'humilité n'est pas le fort du groupe. La suite Star Power est quant à elle très bonne. Une ouverture au clavier mélodieuse s'efface pour une partie plus rageuse qu'on leur connaissait moins ("Star Power Nite") qui laisse à peine préfigurer ce qui va avoir lieu sur l'avant-dernière partie. La réussite de la Suite est indéniablement "What Are We Good For" où au début, le chant est une imitation plus que convaincante de Lou Reed. Sérieusement, j'ai cru qu'ils étaient allés le voir sur son lit de mort pour l'enregistrer. On reste dans l'hommage appuyé. Cette chanson est imparable, le refrain vous emporte et vous vous prenez à reprendre avec eux ‘What are we good for if we can't make it ?', tout en partageant leurs craintes quant à la suite de l'album. La suite se conclut sur la bien nommée "Ooh Ooh" remplie de chœurs mielleux, surannés et délicieux.
Le premier CD est bon, pas génial, pas mauvais, juste bon. Il n'arrive pas à transcender leur précédent opus : aucune chanson n'arrive à atteindre et encore moins dépasser les sommets de We Are The 21st Century Ambassadors Of Peace & Magic sauf éventuellement "What Are We Good For". Et c'est justement ça le souci, à faire un CD dans la lignée d'un précédent album, on ne peut s'empêcher de comparer, et la comparaison n'est pas flatteuse pour eux.
Mettons le second CD. C'est une nouvelle chronique qui commence maintenant. S'annoncent trois parties distinctes : The Paranoid Side, Scream : Journey Through Hell et Hang On To Love. Le CD s'ouvre sur le très Barrett "I Don't Have Anything" mais à la sauce "Terrapin", c'est-à-dire ... Chiant. Autant dire que cette piste tue net tout l'entrain accumulé dans la suite Star Power. On est dans un nouveau CD, dans une nouvelle ambiance. Sauf que The Paranoid Side est nulle, il n'y a pas d'autres mots. Cette partie est un fourre-tout sans âme de B-sides, de fragments de musiques, de pistes peu approfondies, d'absence de production digne de ce nom. On alterne des morceaux qui s'étirent en longueur à outrance et ceux qui ne franchissent pas les 2 minutes. Sérieusement, "666" c'est une vraie chanson ? C'est pas un délire de studio laissé tel quel pour déconner ? J'accuse "Wally's Farm" d'avoir été piqué à Vladimir Cosma pour la B.O. de L'Aile Ou La Cuisse. Ce qui est dommage c'est qu'il y a des choses intéressantes, mais tellement gâchées par un laxisme outrancier concernant la qualité. "Cannibal Holocaust" est le sommet de la partie, plutôt Pic du Canigou que Kilimandjaro quand même.
C'est donc passablement lessivé, blasé, que l'auditeur commence "Cold Winter/Freedom" et avec lui l'avant-dernière partie : Scream : Journey Through Hell. Avec un nom pareil, vous ne vous attendez pas à une collection de slows langoureux. Ici, les Foxygen durcissent sévèrement le ton, sortent les guitares crasses, rajoutent du bordel saturé sur du bordel distordu, et se laissent complètement aller en criant comme des débiles. On est dans du rock psyché sous drogue dure. Eh bien vous savez quoi ? C'est bien : c'est efficace, pas novateur pour un sou mais ils ont su puiser dans le passé pour fournir quelque chose de correct. Du Foxygen classique, quoi. Cette partie est clairement mieux maîtrisée, même si l'on voit encore des pistes d'amélioration (la basse est trop à la ramasse sur le velvetien "Freedom II" à mon goût par exemple, et en plus elle est purement et simplement calquée sur "On the Blue Mountain" de leur précédent album).
Les slows langoureux se trouvent du côté du dernier fragment, Hang On To Love, plus consensuel, mais pas déplaisant, signe d'un retour à la normale après cette frénésie. Au moment où ils surgissent, nous avons 74 minutes d'album dans les pattes, donc autant dire qu'on les écoute d'une oreille trop discrète... Et qu'ils ne marquent pas l'auditeur.
Au bilan, que retenir honnêtement ? Le groupe est ambitieux, j'irai même jusqu'à prétentieux mais il se révèle moins talentueux qu'escompté. L'album foisonne de bonnes idées, de bons passages mais est plombé par des erreurs monumentales de production et des pistes qui devraient encore être en gestation. On sent clairement qu'ils ont eu beaucoup trop d'indulgence sur leurs morceaux et que leur ambition n'était pas à la hauteur de la qualité qu'ils auraient dû s'exiger. C'est le vice de l'autoproduction, il manquait un garde-fou. Cependant, on peut apprécier la tentative de faire quelque chose de libre, hors des clous et de ne pas se contenter d'un 21st Century Ambassador II commercial et sans âme. Beaucoup sont ceux qui auraient aimé avoir ça et Foxygen ne leur ferme pas la porte : ils pourront se contenter du CD 1 en serrant (un peu) les dents. Ceux qui ont envie d'un peu d'éclectisme, d'assister à leurs expérimentations trouveront de quoi s'occuper au CD 2.
De plus, même si leurs morceaux paraissent moins ostentatoirement puisés dans l'histoire musicale des 60s-70s et tentent de s'en éloigner un peu, ils n'ont pas encore su proposer quelque chose d'un tant soit peu révolutionnaire et on sent que la route est encore longue avant d'y arriver : à peine s'écartent-ils de leurs maîtres que la sauce ne prend plus. Composer et exécuter toute une flopée de morceaux et en sélectionner les meilleurs (les moins pires ?) ne suffit pas. Se recentrer, moins se disperser : voilà la voie qu'ils devraient suivre. Ce ...And Star Power montre qu'ils ont fait clairement tout le contraire et le gâchis que cela engendre. L'album de l'immaturité.
Correct 12/20 | par WillyB |
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