Bärlin

On a aucune limite, si ce n'est nos propres envies. Et c'est rassurant au bout du compte [vendredi 27 mars 2015]

Cette interview revient de loin... Une première avait été entreprise fin 2014, juste avant un concert de Bärlin à l'Aéronef. Quelques semaines plus tard, un accident technique efface l'entièreté de l'enregistrement, avant que puisse en être extrait la substantifique moelle. Un deuil plus tard, l'exercice est reconduit. On y parle zik, industrie du disque, galères de tournées, matos et techniques d'enregistrement, trésors cachés de la musique allemande et nostalgie Xsilencieuse !

Interview réalisée par Wazoo



Moi : La dernière fois que je vous ai vu, vous alliez entamer votre première tournée nationale. A-t-elle porté ses fruits ?

Laurent (basse) : Oh bah, on s'est baladés, on a rencontré plein de gens, ça nous a fait grandir encore, un p'tit peu.

Clément (chant) : On sait que c'est facile de retourner dans cette direction maintenant, parce qu'à chaque fois que tu fais une date comme ça tu croises des gens qui te disent : « tu peux aller là, ou ici », qui te suivent sur Facebook, donc quand tu repasses par là tu sais que t'as du public potentiel. Ça te fait découvrir des lieux et des plans, mais bon ça te révolutionne pas la vie non plus. Un truc qui nous aurait révolutionné la vie, ce serait d'avoir réussi à faire un événement médiatiquement suivi.

Simon (batterie) : C'étaient des concerts sans prétention.

Clément : Oui c'est ça, c'étaient des petits concerts. En fait notre concert principal pour lequel on partait a été annulé à la dernière minute...

Moi : C'était une date avec Tuxedomoon non ?

Laurent : Exact, pour Montpellier.

Clément : Oui, qui pour ménager la prostate de ses co-musiciens a annulé toutes ses dates dans le Sud de la France. (rires) Du coup ouais, si on avait eu ça on aurait eu plus de retombées effectivement. On aurait pu avoir une super salle super loin de chez nous ! Mais après là où on est contents c'est qu'on a fait des dates où il y avait quasiment tout le temps du monde, où on a vendu pas mal de CD, et où on est rentré dans nos frais indépendamment des sous qui sont rentrés grâce aux CD, ce qui pour une tournée faite maison, sans booker ni rien, alors que ta date principale s'est cassée la gueule, est plutôt pas mal.

Moi : Vous aviez exprimé vos difficultés concernant la distribution future de votre nouvel album (Emerald Sky), il semble qu'il y ait du nouveau à ce niveau là, vous pouvez raconter ?

Laurent : C'est tout frais, ça a 4 heures !

Clément : C'est le scoop de la journée oui, du 27 mars. Après quelques galères avec certains distributeurs, j'ai contacté une distribution qui était réputée pour les petits formats, et pour des groupes indépendants, vraiment au top... et ça a mis quasiment 3 mois entiers avant d'avoir un retour. Depuis le 4 janvier c'est 4 coups de fils en moyenne tous les 10 jours, avec toujours des machins du style "il est pas là, c'est compliqué, on peut pas vous donner de réponse tout de suite, on a pas écouté...". Je pense que j'ai dû mettre environ 3 semaines pour arriver à obtenir qu'ils écoutent le disque ; et après ça a duré encore 5 grosses semaines avant qu'il me donne une réponse définitive. Faut dire que ça dépendait de leurs sorties parallèles ; ils savaient qu'ils allaient devoir faire bosser un type sur une esthétique qu'ils ont pas l'habitude de vendre : ils ont un super rayon jazz, ils sont très fort pour tout ce qui est chanson française, et nous on était sur un créneau qui leur correspondait pas directement. Même si dans une autre catégorie ça pouvait le faire, on est plutôt post-rock et ça pourrait tout à fait être vendu, si ils confient le dossier au bon commercial. Enfin voilà, c'est une très bonne nouvelle parce qu'ils font du très bon boulot, avec des trucs super ciblés ; s'ils savent qu'ils peuvent vendre 3 albums ils en mettront 5, mais ils en mettront pas plus.

Simon : C'est la fête quoi.

Laurent : C'est déjà pas mal ouais, quand on sait comme c'est galère en ce moment la crise du disque, ça fait forcément du bien. Les mecs ils sont tous à se poser des questions.

Clément : Suffit d'aller à la Fnac ou au Furet du Nord, les rayons disques fondent comme neige au soleil, il y a plus rien. Mais autant je pensais que c'était une nouveauté des années 2000, mais il y a 3 ans ils vendaient encore 4 fois plus qu'aujourd'hui. C'est vraiment la mort !

Laurent : C'est la deuxième phase j'ai l'impression.

Clément : Mais en même temps, dans cette économie là les groupes "comme nous", qui sommes un groupe de cœur (pas le genre qu'on va aller acheter comme ça pour un cadeau de Noël) que les gens achètent parce qu'ils veulent soutenir le projet, ils nous ont vu en concert. On est encore, je trouve, à notre petite échelle, le profil de groupe pour lequel la production matérielle de CD fait sens.

Moi : D'ailleurs justement, un article est sorti il y a peu, traduit d'une conférence de Steve Albini, le gars est dans le métier depuis 30 ans à faire vivre son groupe, en produire d'autre et gérer son label. Il a un point de vue qui m'apparait assez pertinent sur tout ça ; il dit que la crise c'est surtout celle des labels, des majors, qui ont du mal à vendre leurs disques et à donner envie, plutôt que les groupes en eux-mêmes qui, avec l’essor d'Internet, arrivent beaucoup mieux à communiquer directement avec leur fans...

Clément : Ouais enfin ça il faut pas le surestimer non plus ; Internet ça veut surtout dire que n'importe qui peut mettre quelque chose en ligne, du coup c'est saturé de propositions, et pour être écouté par un programmateur aujourd'hui il faut le prendre en otage. Parce qu'un bon groupe, un groupe professionnel, C'est sa seule source de revenu, il doit tourner deux fois plus qu'avant parce qu'il peut plus vraiment gagner de sous en vendant des CD ; et le moindre blaireau qui fait un enregistrement sous sa douche il peut ouvrir une page Bandcamp et avec une bonne esthétique passer pour un groupe professionnel. Donc en termes de filtrage ça donne que c'est trop la merde, t'as des programmateurs qui se referment totalement sur eux-mêmes, et si t'es pas leur copain et que tu rentres pas chez eux en cassant la porte, bah t'as aucune chance d'être écouté. Enfin voilà, la bulle Internet y a des limites sur la démocratisation de la musique quoi. Comme tout d'ailleurs, le mail c'est génial mais en fait non ; quand on se passait des coups de fils on allait vachement plus vite et on perdait pas 8 heures par jour à se dire « t'as bien eu mon machin, t'as reçu la pièce jointe ou il faut que je la renvoie ? ». (poilade)

Simon : Calme toi, tout doux !

Clément : Mais ça fait péter un câble ! En plus moi je fais déjà ça dans mon vrai boulot à côté, donc j'ai la tête compartimenté en 36, avec une liste de trucs à faire, à pas oublier. Faut pas trop que je parle dans cette interview, parce que c'est pas des trucs simples à dire ! Mais en tout cas, le truc positif, c'est que...

Simon : T'as réussi !

Clément : Ça a marché, et que surtout tu te rends compte que la chose la plus importante c'est juste de faire de la zik avec tes copains, et ça on peut pas te l'enlever quoi qu'il arrive.

Simon & Laurent : C'est l'amour.

Moi : Je suis désolé, on peut pas continuer l'interview après ça, l'amour c'est forcément le mot de la fin. (bidonnade)

Clément : C'est là que tu te dis qu'au final on a tout enregistré nous-même, avec un budget de zéro ; ce qui nous a coûté de l'argent concrètement, c'est sortir l'album en physique, plus 500 euros au copain qui nous a aidé à mixer...

Laurent : Les frais d'inscription SACEM aussi.

Clément : Voilà, et 1000 euros pour l'attaché de presse aussi. Mais voilà en soi si t'enlèves le moment où on commence à promouvoir le CD ça nous coûte 1000 euros un album. Et c'est rien ; en trois concerts c'est fait, on peut faire exactement la musique qu'on a envie de faire, pour 1000 euros, tous les deux ans. Donc ça c'est la preuve que tant que notre musique ne dépend pas à 100% du public – c'est à dire qu'on est capable de trouver notre public nous-mêmes – ben on a aucune limite, si ce n'est nos propres envies. Et c'est rassurant au bout du compte. C'est une nouveauté pour le coup, parce que je pense qu'il y a 20 ans t'arrivais pas à te procurer autant de matos de bonne qualité pour si peu.

Moi : En écoutant Emerald Sky et en le comparant au premier album, on a l'impression que votre musique a trouvé un meilleur écrin, que le son est beaucoup plus ample, chaque instrument trouve sa place, la production est léchée. Est-ce que vous partagez cette impression ? À quoi ce serait dû, une plus grande maitrise du studio ?

Laurent : Bah le matériel déjà... On a fait le premier avec les moyens du bord et ce qu'on avait sur le moment avec notre ingé son, ça a très bien marché sur le coup et on a eu l'occasion sur le deuxième d'utiliser du nouveau matos tout neuf tout frais, de très bonne qualité, du coup on en a profité ! Puis on a passé plus de temps sur le mix du deuxième album, beaucoup d'heures d'écoutes, de retouches, et surtout le mastering. Parce que la première galette on l'a sorti sans faire de mastering, vraiment, donc c'était un peu à l'arrache. Là le fait de passer avec Benjamin Joubert ça nous a vraiment grossi le son. C'était plus joli, c'était un vrai produit fini, on était vraiment content du résultat – même s'il y avait des compos qui à la base nous paraissaient pas exceptionnelles, elles ont vraiment pris de la valeur grâce au mix et au mastering.

Clément : Des trucs qu'on ne pensaient jamais jouer, ni vraiment en live, ni assumer sur CD, se sont trouvés être des morceaux qui accrochent vraiment bien ; parce qu'ils ont été bien enregistrés.

Laurent : D'ailleurs y a des morceaux qu'on joue pas du tout en live, de cet album ; qu'on a pas vraiment envie de jouer sur scène, parce que ce sont des morceaux qui s'écoutent, qui se jouent pas.

Moi : Oui, dans le construction de votre petit dernier, y a au moins deux morceaux très courts qui ressemblent à des interludes – je trouve à ce titre que la narration est bien gérée sur ce deuxième disque. Ils n'ont peut-être un sens que sur l'album.

Laurent : Y a de ça aussi, mais c'est surtout des morceaux qui n'ont pas vu le jour...

Simon : Si, c'était réfléchi ça.

Laurent : Oui, mais à la base les interludes on a pensé à ça parce qu'il y avait des morceaux pas vraiment terminés ; on a fait tourner ces riffs en répèt' pendant longtemps sans trouver de fin. Donc on s'est dit qu'on allait les garder, les mettre dans un tiroir et peut-être en faire quelque chose. Finalement, c'est vrai que sur l'enregistrement on s'est dit "allez hop, interlude, ça peut le faire". Y avait un lien de toute façon avec les compos du moment, fallait qu'on les case parce qu'elles sonnaient bien aussi.

Clément : Et puis depuis le premier album on a carrément généralisé le recours au sample, parce qu'à l'époque niveau compo on avait pas le même matos loop-station.

Laurent : C'est vrai.

Clément : Du coup ça fait qu'au moment d'enregistrer le deuxième on avait plein plein de samples qui étaient pas devenus des morceaux mais qui étaient quand même supers. On s'est dit ce serait trop dommage de laisser tout ça dormir alors que sur une minute ou deux ça peut faire une bonne transition.

Moi : Par exemple le sample (de basse) de "Sailor Song" a été à la base de la compo ou bien il est arrivé après ?

Laurent : (pensif) Comment c'est venu déjà "Sailor Song"... ?

Clément : Oh oui bien sûr, avec "Sailor Song" c'était ici comme ça.

Laurent : Voilà en fait c'est le principe ; c'est le sample qui lance le morceau. Dès qu'un sample est enregistré, ça veut dire qu'on finira par en faire quelque chose ; dès que c'est dans la loop ça donnera un morceau fini.

Moi : Et la façon dont vous tricotez autour ça se fait lors de jams ?

Laurent : Ouais, on laisse tourner, on réécoute et on travaille beaucoup derrière. Comme on disait, on enregistre systématiquement ; on écoute et on imagine des structures – j'imagine comme tous les gens qui essaient d'écrire un album.

Clément : Non, pas comme tous les gens qui essaient d'écrire un album ! La plupart des gens ils écrivent les morceaux dans leur coin, puis le songwriter il arrive en disant « les accords c'est ça, le texte c'est ça ».

Simon : Mais non arrête...

Laurent : 'fin je sais pas comment ça se passe chez les autres mais j'imagine que c'est pareil, tous à prendre du recul dessus.

Clément : J'insiste, je pense qu'il n'y a quasiment aucun groupe qui compose de façon aussi tripartite que nous. (rires) Nan mais c'est vrai ! Quand je discute avec d'autres, les retours que j'ai c'est qu'il y a quasi toujours une personne motrice et les autres qui brodent autour. Ça peut tourner, mais...

Laurent : C'est une vraie force.

Simon : Chez nous, s'il y a un truc qui ne plait pas à l'un d'entre nous, c'est foutu. Enfin moi je le ressens comme ça en tout cas. Si ils trouvent quelque chose de bien à deux, soit je joue pas, soit...

Laurent : En général on se retrouve plutôt bien, ça nous parle.

Clément : Par exemple on a des morceaux comme "Au cimetière des éléphants" qui sont jamais rien devenu. On avait tout hein ! Des thèmes chants, une structure... Mais il y avait un bout d'un des trois tiers qui était pas à 100% là.

Laurent : Ça s'explique pas quoi, il y a une alchimie.

Simon : Ça "transcende" !

Moi : Par exemple pour Emerald Sky (accent très travaillé)...

Simon : … nan mais qui est-ce qui a choisi ce titre ?! (marrade)

Clément : Tu voulais mettre Bärlin II toi ?

Simon : Ouais !

Moi : Du coup la période d'enregistrement, ça s'est fait en une session ou ça s'est échantillonné ?

Laurent : Alors il y a eu une grosse phase d'enregistrement où on s'est occupé surtout principalement de la batterie et des pistes...

Simon : ...tout était déjà composé !

Laurent : Pas tout quand même ! C'est vrai que là pour le coup y a 3 ou 4 passages dans l'album où ça a été quasiment improvisé.

Clément : J'ai écrit mes textes de certains morceaux dans le studio.

Laurent : Donc première phase pour enregistrer la batterie avec les pistes témoins, puis prise basse, et finalement on s'est occupé du chant. Globalement ça prend quand même un an, faut mobiliser tout le monde...

Clément : Premier enregistrement en juillet, fin du mix en avril.

Laurent : Et j'pense que pour le troisième va falloir faire plus court !

Clément : On avait déjà dit ça sur le deuxième.

Simon (lève les yeux au ciel) : …

Laurent : Si si, une semaine d'enregistrement, une semaine de mix.

Simon : On verra... tout est possible.

Laurent : Bon, en tout cas on a envie de condenser !

Clément : Au niveau des compos ça se fait vraiment au fur et à mesure, pendant deux ans ont fait des morceaux à intervalles réguliers, et puis à la fin on se dit "tiens y en a 10, on va en faire un album". On est pas en mode "allez on se fait une résidence et puis à la fin on a composé 4 morceaux", à la Phoenix, en un week-end on fait la compo, l'enregistrement et le mastering.

Simon : Et puis y a les concerts aussi, où on essaie nos morceaux...

Clément : Oui, quand on nous suit en concert on connait déjà tous les morceaux au moment où le CD sort ! Là, le 12 mai en live on fera déjà des morceaux du troisième album !

Laurent : De toute façon le troisième ce sera l'album du siècle, il faut le dire ! (rire)

Moi : Dans ce nouvel album, vous vous êtes éloignés du rock plus punchy (toutes proportions gardées) de votre premier. Vous êtes passés à quelque chose de beaucoup plus trainant – dans un bon sens...

Simon : Moi j'ai entendu que c'était plus mou...

Moi : Vous prenez clairement plus votre temps, vous plantez plus vos atmosphères. À mon sens, vous y gagnez en mystère et en originalité ; est-ce que vous sentez votre musique évoluer ? D'ailleurs y a-t-il même des changements à ce niveau depuis la fin d'Emerald Sky ?

Laurent : De toute façon c'est toujours en constante évolution, je sais pas trop comment dire...

Clément : L'essentiel pour moi c'est ce qu'on écoute. Et ce qu'on a comme matos : quand on rachète du nouveau matos ça apporte des trucs radicalement nouveaux pour tout l'album. J'avais pas de pédale delay pour le premier album alors que j'en avais pour le deuxième : résultat la clarinette a un son beaucoup plus travaillé. C'est ça qui fait qu'on a un son plus atmosphérique ; on rajoute des effets plus systématiquement parce qu'on a les moyens de les faire. Bon là j'ai une nouvelle pédale delay, mais je sais pas si ça va changer grand chose ! Ce qui m'influence surtout perso c'est la musique que je fais à côté avec un copain, où justement j'utilise systématiquement des samples sur le chant et la clarinette, ce que j'avais jamais fait avant.

Laurent : Ouais mais trop de samples tuent le sample !

Clément : Bon on ramène tout en magasin alors.

Laurent : On nous a déjà fait le reproche d'utiliser trop de samples.

Clément : Nan mais ça c'est des mecs qui font du ska qui trouvent qu'on est pas assez groovy ! Ce que j'aimerais bien, c'est qu'on arrive à refaire des trucs à la « She's Alright » (sur Emeral Sky, ndlr), avec des samples qui viennent de façon intempestive, un peu destructurée, face à une rythmique de basse qui est là.

Laurent : Il faut le bosser en bœuf.

Moi : Donc plutôt des samples qui feraient partie du décorum, des arrangements, plutôt que des samples à la base de la structure ?

Clément : Oui c'est ça, faudrait qu'ils évoluent en fonction de notre tempo en concert et pas l'inverse.

Laurent : Remarque l'avantage d'avoir des samples c'est qu'ils peuvent se démerder sans moi !

Moi : Sur « Seefahrt » vous vous essayez à l'allemand ; le parler guttural se marie bien avec votre approche menaçante, marécageuses. C'était un coup d'un soir ou bien on peut espérer en retrouver par la suite ?

Clément : En ce moment c'est mal barré, je ne vais plus en Allemagne, j'aimerais bien y retourner ça me manque beaucoup. À l'époque où on a fait l'album, je faisais un séjour de 3 ou 4 jours toutes les 6 à 8 semaines, et là ça fait bien un an que j'y suis plus allé. Donc j'ai plus rien essayé en allemand ces derniers temps, j'ai toujours un peu envie mais on verra. J'en avais fait un peu sur le premier album aussi, à la fin du refrain de Morphine au mégaphone. Mais c'est sûr que parlé, c'est beaucoup mieux que chanté. D'ailleurs un des groupes de nos influences, Einstürzende Neubauten, sont très "parlé" aussi. C'est comme si tu pouvais composer que certaines lignes, parce que la langue est tellement musicale en soi que c'est suffisant – sauf si tu fais du lyrique, là c'est autre chose – mais les groupes que j'aime bien, qui font pas du rock pompé sur les anglo-saxons, ont tout le temps le même type de mélodies, parce qu'elles sont pensées pour la rythmique de la langue. Du coup, parler ça suffit ! Mon objectif d'après thèse c'est d'y retourner, on verra à ce moment là.

Moi : Pour Bärlin, outre le nom du groupe, il y a de l'inspiration du côté allemand dans les influences ?

Clément : Dans les influences pas tellement, à part Einstürzende Neubauten la musique allemande c'est pas ça... C'est vraiment rock pompier, ils sont à fond reggae aussi...

Moi : Je t'arrête tout de suite, ma période préférée c'est le rock allemand des 70's, toute la mouvance krautrock ! Je sais pas si t'as écouté CAN...

Clément : … ils sont allemands ?! Ah tu vois je savais pas... C'est fantastique CAN, je suis psycho-fan ! J'ai vu un live qu'ils ont sorti récemment, dans une qualité impressionnante, t'as l'impression que ça a été filmé hier. Enorme. Tu les vois jouer au milieu de vieux hippies qui ont les cheveux jusque là... Bon s'il y a une Allemagne qui nous a influencé c'est peut-être elle, mais bon.

Laurent : L'Allemagne de Bowie !

Clément : Toute la phase électro des années 90 c'est un autre délire quoi. Enfin clairement nos influences c'est quasiment que de l'anglo-saxon, anglais ou américain.

Moi : Et bien ça tombe bien, c'est la prochaine question ! Du coup, niveau influence, quid ? J'y entends du 16 Horsepower, du Nick Cave peut-être dans l'ambiance, du Antony & the Johnsons dans le chant parfois, Morphine aussi... Qu'est-ce que vous pouvez en dire ?

Laurent : Pfou ! Ça va loin les influences !...

Clément : Là c'est à eux d'en parler parce que quand je les ai connus... je connaissais rien. Je connaissais Franz Ferdinand. Ils ont répondu à mon annonce de chanteur en me disant : "Ah c'est cool, est-ce que tu connais Nick Cave, Portishead, Morphine..." Que je des groupes dont je ne connaissais rien. J'ai mis un an et demi à m'approprier le style à partir d'une compile 10 morceaux. Ce n'est qu'après qu'on s'est mis à écrire le premier morceau. Je sortais de ma cambrousse à l'époque, j'écoutais Queen, à part ça...

Moi : Tu faisais du ska en plus, non ?

Clément : Je faisais du ska ouais, et du klezmer ! (esclaffade)

Laurent : Enfin c'est difficile à dire... Y a une époque où j'écoutais beaucoup beaucoup de jazz sans rien comprendre, mais je sais pas pourquoi j'adorais ça, du coup on entend un peu de jazz dans ce qu'on fait, surtout avec la clarinette qui en rajoute un peu. J'écoute aussi un peu de classique, de funk, tous les groupes underground des années 90, les Pixies... Franchement les influences euh...

Clément : Là tu cites toutes les influences qu'on retrouve pas dans notre musique !

Laurent : Ouais mais bon, tout est source d'influence dans la musique donc voilà, après j'écoute beaucoup de musique – moins maintenant, je pense que je sature un peu. C'est vrai qu'on a des groupes qu'on aime beaucoup, qu'on a beaucoup écouté, genre Joy Division, des icônes comme ça, mais bon.

Clément : Moi la plupart je les ai découverts après qu'on ait commencé tu vois, c'est à dire qu'on a quand même des gens qui viennent nous voir à la fin des concerts qui nous disent des noms de groupes qu'on connait pas, et ça devient des influences. Par exemple Tuxedomoon dont on a fait la première partie à l'Aéronef, aucun de nous trois ne connaissait avant 2010 au tour de chauffe ; là un des types nous dit que nos trucs lui faisaient penser à Tuxedomoon. On a écouté, effectivement on a vu la filiation.

Moi : Bien, donc en bonus la question tête-à-claques : Un p'tit mot pour les Xsilencieux qui vous lisent et – je l'espère – vous écouteront ?

Laurent : Bah j'ai découvert Xsilence en cherchant des infos sur 16 Horsepower en... 96...

Clément : Avant l'invention d'Internet en fait. À l'époque ils distribuaient les papiers dans les boîtes aux lettres !

Laurent : Nan attends que je dise pas de conneries euh...

Moi : Le site existe depuis 2002.

Laurent : Ah merde, je sais plus... BREF ! J'avais même posté un truc sur le forum !

Simon : Woaaah on va aller voir ça alors !

Moi : C'est quoi ton pseudo ?

Laurent : Je ne sais plus, mais faudra regarder, Guitareontheleft peut-être ? Je sais pas pourquoi.

Moi : Clément toi c'était plutôt Morphine du coup ?

Clément : Ouais, je sais plus comment ! À l'époque les deux me l'ont fait découvrir et j'étais tombé sur une chronique The Night je crois sur Xsilence.

Laurent : Mais ça existe encore ça, Xsilence ? (gaussade) Nan mais j'ai lu de très bonnes chroniques sur des groupes divers et variés.

Clément : Allez il faut qu'on dise un truc aux gens.

Laurent : Qu'est-ce que tu veux leur dire ? Veneeez...

Clément : Qui que vous soyez, où que vous habitiez, achetez nos CD, venez nous voir en concert...

Simon : Trouvez nous des dates !

Moi : Vous avez une date presque assurée à Paris, au Petit Bain si j'ai bien compris ?

Clément : Oui, normalement le 18 juin, m'enfin on sait jamais...

Laurent : Nostradamus a prédit qu'en 2015 c'est la fin du monde, mais juste avant y a un concert de Bärlin.

Moi : Le mot de la fin ?

Clément : Soyez aventureux dans vos découvertes musicales, et quand vous trouvez des trucs qui sont iconoclastes, qui sortent des sentiers battus, défendez-les parce que vous êtes assez peu sur Terre pour qu'on ait besoin de vous.

Moi : Coupez !




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