Sonic Youth
The Eternal |
Label :
Matador |
||||
Une fois de plus, Sonic Youth réussit le tour de force de proposer un album à la fois intègre en termes de démarche artistique et accessible à un public large, puisant dans son savoir-faire indéniable, tant dans le songwriting que dans la recherche musicale pure.
Une fois n'est pas coutume, et à l'image de la majeure partie des compositions proposées ici, le morceau d'ouverture "Sacred Trickster" dure moins de trois minutes et il pète le feu ! Renouant avec l'énergie d'un Dirty et la complexité sonore d'un A Thousand Leaves, le morceau envoie dès la première seconde une délicieuse décharge d'adrénaline embuée de nostalgie adolescente... Le ton est donné, le Sonic Youth nouveau sera électrique sur le fond et la forme ! A croire qu'il fallait pour renaître de cendres encore rouges changer de label ; au vu des derniers Geffen, les très moyens Sonic Nurse et Rather Ripped, The Eternal incarne un retour en forme olympique pour l'inusable combo.
Et ce "Anti-Orgasm" porte bien mal son titre tant la dissonance des guitares de Ranaldo et Moore, soutenue par la rigueur sobre de Steve Shelley et les fulgurances vocales de Gordon enfoncent le clou jouissif, justement, d'un retour aux sources salvateur et attendu de longue date. Un petit break de bruit blanc des familles, et hop, un détour par la majesté d'un Daydream Nation. N'ayant certes pas provoqué chez moi d'éjaculation spontanée, force est d'admettre que le morceau provoquera comme une extension de la personnalité chez tout spécimen masculin sensible à l'œuvre des immortels new-yorkais. "Leaky Lifeboat (For Gregory Corso)" flirte avec les sonorités jaune cocktail d'un EVOL mais on sent bien que le groupe a depuis - encore heureux - gagné en maturité dans l'écriture, tout en conservant leur spontanéité fraîche.
"Antenna" joue plus sur les expériences les plus apaisées de NYC Ghost And Flowers ou Murray Street sans offrir de réelle claque sonore et reste dans le ton, Moore jouant sur la lascivité de son chant improbable. "What We Know", le morceau de Lee Ranaldo, n'offre pas grand chose de nouveau non plus. Les guitares sont affûtées et fouineuses comme à son habitude, mais Ranaldo est capable du meilleur ("Mote" ou "Karen's Revisited" pour ne citer qu'elles) comme du pire vocalement et sa prestation reste dans la moyenne sans être transcendante. "Calming The Snake", par contre nous fait profiter d'une des meilleures prestations de Kim Gordon, tour à tour rageuse et hypnotique avec son refrain psychédélique, aidé par le ressac tendu du morceau. "Poison Arrow" est en toute subjectivité le meilleur morceau de l'album : un riff imparable, la nonchalance loureedesque de la voix de Thurston Moore épaulé par une Kim Gordon enjôleuse, un break "à l'ancienne" martelé sans excès... Bref une tuerie intégrale.
"Malibu Gas Station" rappelle à nouveau EVOL par ses sonorités claires et subtilement acides et le groupe se laisse alors aller à une sorte de jam pop et funky, très sobrement, et s'emballe en beak final furieux sans s'en donner l'air. "Thunderclap For Bobby Pyn" se la joue hymne rock'n pop arty avec son refrain débile et le hululement des guitares. Welcome back to the 90's ! Et ce n'est pas ce "No Way" tout droit sorti d'un Goo qui prétendra le contraire... "Walkin Blue" est une bluette dont Ranaldo a le secret, tout en guitares tendues et chant errant, et l'on retrouve les fines gouttes de pluies scintillantes des averses soniques chères au guitariste, et un final en explosion kaléidoscopique. "Massage The History" est le morceau le plus long (quasiment 10 minutes) et introduit une guitare acoustique plutôt appréciable pour accueillir les voix feutrées des Sid et Nancy du rock indé, et clôt avec une grâce et une fragilité rarement atteinte par Sonic Youth, un album simplement grandiose, renouant avec tous les ingrédients qui ont construit l'identité sonore du groupe culte, et dépouillée ici des longues plages d'exploration bruitiste, sans pour autant céder à la facilité.
Une fois n'est pas coutume, et à l'image de la majeure partie des compositions proposées ici, le morceau d'ouverture "Sacred Trickster" dure moins de trois minutes et il pète le feu ! Renouant avec l'énergie d'un Dirty et la complexité sonore d'un A Thousand Leaves, le morceau envoie dès la première seconde une délicieuse décharge d'adrénaline embuée de nostalgie adolescente... Le ton est donné, le Sonic Youth nouveau sera électrique sur le fond et la forme ! A croire qu'il fallait pour renaître de cendres encore rouges changer de label ; au vu des derniers Geffen, les très moyens Sonic Nurse et Rather Ripped, The Eternal incarne un retour en forme olympique pour l'inusable combo.
Et ce "Anti-Orgasm" porte bien mal son titre tant la dissonance des guitares de Ranaldo et Moore, soutenue par la rigueur sobre de Steve Shelley et les fulgurances vocales de Gordon enfoncent le clou jouissif, justement, d'un retour aux sources salvateur et attendu de longue date. Un petit break de bruit blanc des familles, et hop, un détour par la majesté d'un Daydream Nation. N'ayant certes pas provoqué chez moi d'éjaculation spontanée, force est d'admettre que le morceau provoquera comme une extension de la personnalité chez tout spécimen masculin sensible à l'œuvre des immortels new-yorkais. "Leaky Lifeboat (For Gregory Corso)" flirte avec les sonorités jaune cocktail d'un EVOL mais on sent bien que le groupe a depuis - encore heureux - gagné en maturité dans l'écriture, tout en conservant leur spontanéité fraîche.
"Antenna" joue plus sur les expériences les plus apaisées de NYC Ghost And Flowers ou Murray Street sans offrir de réelle claque sonore et reste dans le ton, Moore jouant sur la lascivité de son chant improbable. "What We Know", le morceau de Lee Ranaldo, n'offre pas grand chose de nouveau non plus. Les guitares sont affûtées et fouineuses comme à son habitude, mais Ranaldo est capable du meilleur ("Mote" ou "Karen's Revisited" pour ne citer qu'elles) comme du pire vocalement et sa prestation reste dans la moyenne sans être transcendante. "Calming The Snake", par contre nous fait profiter d'une des meilleures prestations de Kim Gordon, tour à tour rageuse et hypnotique avec son refrain psychédélique, aidé par le ressac tendu du morceau. "Poison Arrow" est en toute subjectivité le meilleur morceau de l'album : un riff imparable, la nonchalance loureedesque de la voix de Thurston Moore épaulé par une Kim Gordon enjôleuse, un break "à l'ancienne" martelé sans excès... Bref une tuerie intégrale.
"Malibu Gas Station" rappelle à nouveau EVOL par ses sonorités claires et subtilement acides et le groupe se laisse alors aller à une sorte de jam pop et funky, très sobrement, et s'emballe en beak final furieux sans s'en donner l'air. "Thunderclap For Bobby Pyn" se la joue hymne rock'n pop arty avec son refrain débile et le hululement des guitares. Welcome back to the 90's ! Et ce n'est pas ce "No Way" tout droit sorti d'un Goo qui prétendra le contraire... "Walkin Blue" est une bluette dont Ranaldo a le secret, tout en guitares tendues et chant errant, et l'on retrouve les fines gouttes de pluies scintillantes des averses soniques chères au guitariste, et un final en explosion kaléidoscopique. "Massage The History" est le morceau le plus long (quasiment 10 minutes) et introduit une guitare acoustique plutôt appréciable pour accueillir les voix feutrées des Sid et Nancy du rock indé, et clôt avec une grâce et une fragilité rarement atteinte par Sonic Youth, un album simplement grandiose, renouant avec tous les ingrédients qui ont construit l'identité sonore du groupe culte, et dépouillée ici des longues plages d'exploration bruitiste, sans pour autant céder à la facilité.
Exceptionnel ! ! 19/20 | par Gérard Cousin |
Posté le 14 juin 2009 à 18 h 21 |
Qu'on se le dise, rares sont les groupes qui restent autant (fer à) soudés. Indé-boulonables, complètement ailleurs dans le paysage musical et ce depuis les années 80. Lorsque les synthés dégoulinaient les Jeunesses Soniques promettaient une 'SONIC DEATH !' brutale et poing dans la gueule à quiconque osait venir affronter leurs cris de guitares au bord de l'agonie.
En 2009, le groupe se sépare de Geffen, l'aventure chez les majors prend fin, et Matador accueille fraîchement les grandes figures du jusqu'auboutisme bruitiste. L'occasion donc de fournir un nouveau cru qui puisse rappeler que les icônes de 50 ans ne sont pas là par hasard et qu'ils ont toujours un petit quelque chose à dire, histoire de montrer la voie aux nouvelles générations, peut-être...
Alors que peut-on dire sur The Eternal ? Au fond ce n'est pas grand chose, juste une révolution : eh oui, le groupe fait tourner son univers musical sur lui-même. Retour aux bases, éternel retour du même thurstonien, différemment. Voilà comment Sonic Youth continue de s'imposer par-delà tous les fossés générationnels, l'ennui et la redite. C'est que ça se réinvente en permanence dans la marque sonore qu'ils ont développée. Ainsi, on ne peut pas tellement reprocher au groupe de toujours faire sonner ses guitares comme des rasoirs abrasifs dans l'espace sonore aloué par les cavités de nos organes shootés au rock bruyant. On redemande même une dose, voyez-vous.
C'est bien simple, Sonic Youth s'évoque lui-même en permanence et se dépasse par à-coups. La recette c'est de prendre tous les meilleurs ingrédients et d'en faire une construction riche et savoureuse. Et d'y ajouter des hommages dans le texte à tous ces penseurs et artistes qui ont façonné l'esthétique du groupe new-yorkais.
John Agnello aux commandes nous offre une production très massive et qui donne beaucoup de présence aux instruments tout en sachant combiner puissance et lèchage de textures sonores. Bref, la batterie de Shelley conserve le groove d'un Sister avec une plus grande mise en avant ce qui rend les morceaux plus éclatants et vivants que le martèlement statique et minimaliste des années 2000. A cela s'ajoute la basse du nouveau venu de Pavement, Mark Ibold, dont le jeu apporte cette impression de cool qui caractérisait le fameux groupe pop et donne à The Eternal sa dimension plus construite et efficace, moins expérimentale et agréable à l'écoute. Pas de prise de tête à ce niveau-là.
La surprise vient des trois guitares qui se battent entre no-wave, punk-rock old school et nappes de frottis métalliques. Le songwriting est précis et réussit avec brio une parfaite synthèse du Sonic Youth dynamique des années 80 et 90. Pensez aux tubes de Daydream Nation fondus dans un Dirty et qui dégagerait des effluves atmosphériques en arrière plan qui laisseraient pointer son nez un Washing Machine : la machine une fois en marche fait tourner à différentes cadences les références musicales dans une eau souvent tiède mais l'essorage laisse passer l'essence du groupe.
Bref, des morceaux énergiques, structurés, parfois nonchalants ou en tension jusqu'à la rupture sans jamais totalement exploser ni louper le coche. Bien sûr le problème est ce léger manque d'âme apparent : cet album n'a pas d'identité propre a priori. Et pourtant, au fur et à mesure se dégage une impression de force tranquille et aussi de sérénité, de maîtrise sur tous les fronts et une volonté de créer un tout qui dépasse l'ensemble de ses influences.
Le résultat c'est un album qui n'a pas la prétention d'apporter quoi que ce soit au parcours du groupe ou au rock en général, il n'en a pas tellement les moyens non plus. Mais il sait être efficace et surtout au fur et à mesure des écoutes déployer différents pans de la musique du groupe et ramener le frisson qui va avec.
Quelques nouveautés viennent cependant se glisser par-ci par-là : notamment le prog rock façon King Crimson-noise de l'excellent "Antenna" ou le long final éreintant et lourd, "Massage The History", où Sonic Youth se la joue Earth et interpelle autant par cette nouvelle voie musicale que par son caractère vain. Dommage aussi que le chant de Kim Gordon ne soit pas toujours réussi. Thurston Moore semble aussi un peu moins présent et laisse beaucoup d'espace aux autres. Outre les brûlots punk rock passé à l'EVOL pas toujours très pertinents, voire inutiles par leur classicisme, et un bon "Sacred Trickster" on retiendra surtout les plus longs morceaux aux ambiances de paysages mentaux d'éternité et les deux joyaux chantés par Lee Ranaldo qui prouve encore une fois sa supériorité en matière de chant ("What We Know" et "Walkin Blue").
Pour conclure, c'est l'album qui brasse le plus et s'il s'éparpille parfois, il laisse entrevoir un axe principal chargé de courant et parfois de nostalgie. Un bon retour en cette fin de décennie. Injectez-le dans vos circuits ! Now !
En 2009, le groupe se sépare de Geffen, l'aventure chez les majors prend fin, et Matador accueille fraîchement les grandes figures du jusqu'auboutisme bruitiste. L'occasion donc de fournir un nouveau cru qui puisse rappeler que les icônes de 50 ans ne sont pas là par hasard et qu'ils ont toujours un petit quelque chose à dire, histoire de montrer la voie aux nouvelles générations, peut-être...
Alors que peut-on dire sur The Eternal ? Au fond ce n'est pas grand chose, juste une révolution : eh oui, le groupe fait tourner son univers musical sur lui-même. Retour aux bases, éternel retour du même thurstonien, différemment. Voilà comment Sonic Youth continue de s'imposer par-delà tous les fossés générationnels, l'ennui et la redite. C'est que ça se réinvente en permanence dans la marque sonore qu'ils ont développée. Ainsi, on ne peut pas tellement reprocher au groupe de toujours faire sonner ses guitares comme des rasoirs abrasifs dans l'espace sonore aloué par les cavités de nos organes shootés au rock bruyant. On redemande même une dose, voyez-vous.
C'est bien simple, Sonic Youth s'évoque lui-même en permanence et se dépasse par à-coups. La recette c'est de prendre tous les meilleurs ingrédients et d'en faire une construction riche et savoureuse. Et d'y ajouter des hommages dans le texte à tous ces penseurs et artistes qui ont façonné l'esthétique du groupe new-yorkais.
John Agnello aux commandes nous offre une production très massive et qui donne beaucoup de présence aux instruments tout en sachant combiner puissance et lèchage de textures sonores. Bref, la batterie de Shelley conserve le groove d'un Sister avec une plus grande mise en avant ce qui rend les morceaux plus éclatants et vivants que le martèlement statique et minimaliste des années 2000. A cela s'ajoute la basse du nouveau venu de Pavement, Mark Ibold, dont le jeu apporte cette impression de cool qui caractérisait le fameux groupe pop et donne à The Eternal sa dimension plus construite et efficace, moins expérimentale et agréable à l'écoute. Pas de prise de tête à ce niveau-là.
La surprise vient des trois guitares qui se battent entre no-wave, punk-rock old school et nappes de frottis métalliques. Le songwriting est précis et réussit avec brio une parfaite synthèse du Sonic Youth dynamique des années 80 et 90. Pensez aux tubes de Daydream Nation fondus dans un Dirty et qui dégagerait des effluves atmosphériques en arrière plan qui laisseraient pointer son nez un Washing Machine : la machine une fois en marche fait tourner à différentes cadences les références musicales dans une eau souvent tiède mais l'essorage laisse passer l'essence du groupe.
Bref, des morceaux énergiques, structurés, parfois nonchalants ou en tension jusqu'à la rupture sans jamais totalement exploser ni louper le coche. Bien sûr le problème est ce léger manque d'âme apparent : cet album n'a pas d'identité propre a priori. Et pourtant, au fur et à mesure se dégage une impression de force tranquille et aussi de sérénité, de maîtrise sur tous les fronts et une volonté de créer un tout qui dépasse l'ensemble de ses influences.
Le résultat c'est un album qui n'a pas la prétention d'apporter quoi que ce soit au parcours du groupe ou au rock en général, il n'en a pas tellement les moyens non plus. Mais il sait être efficace et surtout au fur et à mesure des écoutes déployer différents pans de la musique du groupe et ramener le frisson qui va avec.
Quelques nouveautés viennent cependant se glisser par-ci par-là : notamment le prog rock façon King Crimson-noise de l'excellent "Antenna" ou le long final éreintant et lourd, "Massage The History", où Sonic Youth se la joue Earth et interpelle autant par cette nouvelle voie musicale que par son caractère vain. Dommage aussi que le chant de Kim Gordon ne soit pas toujours réussi. Thurston Moore semble aussi un peu moins présent et laisse beaucoup d'espace aux autres. Outre les brûlots punk rock passé à l'EVOL pas toujours très pertinents, voire inutiles par leur classicisme, et un bon "Sacred Trickster" on retiendra surtout les plus longs morceaux aux ambiances de paysages mentaux d'éternité et les deux joyaux chantés par Lee Ranaldo qui prouve encore une fois sa supériorité en matière de chant ("What We Know" et "Walkin Blue").
Pour conclure, c'est l'album qui brasse le plus et s'il s'éparpille parfois, il laisse entrevoir un axe principal chargé de courant et parfois de nostalgie. Un bon retour en cette fin de décennie. Injectez-le dans vos circuits ! Now !
Bon 15/20
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