Diamanda Galas
Defixiones, Will And Testament |
Label :
Mute |
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En temps normal, un seul album de la diva Galas suffit à glacer le sang de légions de priapiques, à mettre dans un état de prostration sans retour le plus optimiste des hommes et à faire ressentir la damnation et la souffrance éternelle aux plus pieux d'entre nous. Mais lorsqu'il s'agit d'un double album, comme le ci-présent Defixiones, Will And Testament, il faut se préparer mentalement pour l'écouter d'une traite.
Quiconque n'a jamais entendu la voix incroyable de Diamanda Galas ne peut comprendre l'effet néfaste qu'elle provoque sur les nerfs les plus aguerris. Seule avec son piano décharné et quelques arrangements ambient qui confortent et prolongent le malaise jusqu'aux limites du soutenable, elle est la grande prêtresse de la misère, de la maladie et du génocide.
Cet album est une performance unique et inégalable, une longue plainte, un hurlement, une supplique, le moindre de ses chuchotements renferme une tension palpable et délétère susceptible de vous exploser aux tympans et de vous plonger alors dans les pires tourmentes qu'une âme puisse endurer.
Véritable Babel de langues, Diamanda use de toutes les sonorités pour exprimer sa souffrance. Anglais, Espagnol, Français, Allemand, d'autres moins identifiables, nous pourrions la croire dotée du don divin de glossolalie. La douleur est universelle, une seule nationalité ne saurait la retranscrire parfaitement.
À tout prendre, le CD 1 se révèle beaucoup moins supportable que le second. Les morceaux y sont déstructurés, uniquement portés par la voix indescriptible et animale de la cantatrice qui en use comme d'un instrument aux sonorités illimitées. L'auditeur a les dents qui grincent, les ongles plantés dans la paume des mains, il encaisse de plein fouet ce déversement émotionnel faramineux qui l'emmène en voyage dans un abîme de souffrance.
Cette première partie est encadrée par deux monolithes qui dépassent chacun allègrement les dix minutes ("The Dance Ter Vogormia", "Orders From The Dead"), noires incantations où les litanies s'accompagnent d'une orchestration minimaliste, entre la messe noire et le cauchemar lovecraftien. Ces deux chansons sont la clé de voûte des huit premiers titres qui vous laissent dans un état où la nausée se dispute la place à l'effondrement nerveux. Aucune lueur, aucune mélodie à laquelle se raccrocher désespérément, l'angoisse impalpable est sans remède.
S'il vous reste un tant soit peu de lucidité, vous éviterez d'enchaîner avec le second C.D. En revanche, les amateurs de maltraitance sonore n'hésiteront pas un instant et tenteront aussitôt l'expérience. Bien leur en prendra.
Il était difficilement envisageable que la torture puisse se poursuivre plus en avant et nous sommes désormais au-delà de la douleur. Les titres sont plus courts, on peut deviner leur construction et Diamanda ne se contente plus de pousser sa voix dans ses derniers retranchements, tant dans les aigues que dans les graves, mais chantent réellement. Et le résultat est parfois d'une beauté époustouflante, mais une beauté née dans l'abjection.
Les perversions y sont moins nombreuses (mis à part l'éprouvant "Je Rame") et le duo "Epistola A Los Transeuntes", "Birds Of Death" fait même office, dans un registre toujours très particulier, de baume apaisant sur votre fibre nerveuse maltraitée. Le piano y devient votre ami, sa présence accrue semble canaliser les débordements vocaux de sa propriétaire, la pousser vers les profondeurs prodigieuses d'un organe enfermé dans ce corps famélique et malmené.
Ce chemin de toutes les souffrances touche à sa fin, on perçoit déjà la fin de la route. Mais il faut d'abord en passer par "Artémis", chanté en français. Surgit alors l'évidence d'une écriture à la puissance évocatrice phénoménale... "Roses blanches tombées, vous insultez nos dieux... Tombez fantômes blancs de votre ciel qui brûle... Le sang de la vie est trop fade à mes yeux..." L'on se dit alors avec amertume que l'on n'a saisi de cet album que les sons, le sens nous échappant en grande partie. On déplore alors cette perte d'un charnier de poésie, ou l'on se rassure en se disant que nous n'aurions pas supporté d'être ainsi mis face à toutes les âmes meurtries et déchiquetées du siècle dernier.
Par humanisme, je ne recommanderai pas cet album à tous ceux qui souhaiteraient se familiariser avec l'œuvre de Diamanda Galas. En revanche, ceux qui veulent faire le vide autour d'eux trouveront en ce Defixiones, Wil Land Testament une arme de choix, susceptible de faire grimper aux rideaux même les fans les plus endurcis de harsh noise façon Merzbow. Mais attention : il faut vraiment un moral d'acier pour supporter cette œuvre qui vous ouvre les portes du Purgatoire et de l'Enfer et imprime sur votre âme le sceau indélébile d'une voix unique...
Quiconque n'a jamais entendu la voix incroyable de Diamanda Galas ne peut comprendre l'effet néfaste qu'elle provoque sur les nerfs les plus aguerris. Seule avec son piano décharné et quelques arrangements ambient qui confortent et prolongent le malaise jusqu'aux limites du soutenable, elle est la grande prêtresse de la misère, de la maladie et du génocide.
Cet album est une performance unique et inégalable, une longue plainte, un hurlement, une supplique, le moindre de ses chuchotements renferme une tension palpable et délétère susceptible de vous exploser aux tympans et de vous plonger alors dans les pires tourmentes qu'une âme puisse endurer.
Véritable Babel de langues, Diamanda use de toutes les sonorités pour exprimer sa souffrance. Anglais, Espagnol, Français, Allemand, d'autres moins identifiables, nous pourrions la croire dotée du don divin de glossolalie. La douleur est universelle, une seule nationalité ne saurait la retranscrire parfaitement.
À tout prendre, le CD 1 se révèle beaucoup moins supportable que le second. Les morceaux y sont déstructurés, uniquement portés par la voix indescriptible et animale de la cantatrice qui en use comme d'un instrument aux sonorités illimitées. L'auditeur a les dents qui grincent, les ongles plantés dans la paume des mains, il encaisse de plein fouet ce déversement émotionnel faramineux qui l'emmène en voyage dans un abîme de souffrance.
Cette première partie est encadrée par deux monolithes qui dépassent chacun allègrement les dix minutes ("The Dance Ter Vogormia", "Orders From The Dead"), noires incantations où les litanies s'accompagnent d'une orchestration minimaliste, entre la messe noire et le cauchemar lovecraftien. Ces deux chansons sont la clé de voûte des huit premiers titres qui vous laissent dans un état où la nausée se dispute la place à l'effondrement nerveux. Aucune lueur, aucune mélodie à laquelle se raccrocher désespérément, l'angoisse impalpable est sans remède.
S'il vous reste un tant soit peu de lucidité, vous éviterez d'enchaîner avec le second C.D. En revanche, les amateurs de maltraitance sonore n'hésiteront pas un instant et tenteront aussitôt l'expérience. Bien leur en prendra.
Il était difficilement envisageable que la torture puisse se poursuivre plus en avant et nous sommes désormais au-delà de la douleur. Les titres sont plus courts, on peut deviner leur construction et Diamanda ne se contente plus de pousser sa voix dans ses derniers retranchements, tant dans les aigues que dans les graves, mais chantent réellement. Et le résultat est parfois d'une beauté époustouflante, mais une beauté née dans l'abjection.
Les perversions y sont moins nombreuses (mis à part l'éprouvant "Je Rame") et le duo "Epistola A Los Transeuntes", "Birds Of Death" fait même office, dans un registre toujours très particulier, de baume apaisant sur votre fibre nerveuse maltraitée. Le piano y devient votre ami, sa présence accrue semble canaliser les débordements vocaux de sa propriétaire, la pousser vers les profondeurs prodigieuses d'un organe enfermé dans ce corps famélique et malmené.
Ce chemin de toutes les souffrances touche à sa fin, on perçoit déjà la fin de la route. Mais il faut d'abord en passer par "Artémis", chanté en français. Surgit alors l'évidence d'une écriture à la puissance évocatrice phénoménale... "Roses blanches tombées, vous insultez nos dieux... Tombez fantômes blancs de votre ciel qui brûle... Le sang de la vie est trop fade à mes yeux..." L'on se dit alors avec amertume que l'on n'a saisi de cet album que les sons, le sens nous échappant en grande partie. On déplore alors cette perte d'un charnier de poésie, ou l'on se rassure en se disant que nous n'aurions pas supporté d'être ainsi mis face à toutes les âmes meurtries et déchiquetées du siècle dernier.
Par humanisme, je ne recommanderai pas cet album à tous ceux qui souhaiteraient se familiariser avec l'œuvre de Diamanda Galas. En revanche, ceux qui veulent faire le vide autour d'eux trouveront en ce Defixiones, Wil Land Testament une arme de choix, susceptible de faire grimper aux rideaux même les fans les plus endurcis de harsh noise façon Merzbow. Mais attention : il faut vraiment un moral d'acier pour supporter cette œuvre qui vous ouvre les portes du Purgatoire et de l'Enfer et imprime sur votre âme le sceau indélébile d'une voix unique...
Exceptionnel ! ! 19/20 | par Arno Vice |
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