Dianogah

A l'image de Girls Against Boys mais dans un tout autre registre, Dianogah prend toujours un malin plaisir à nous démontrer la puissance créatrice d'une double-section basse. Intelligente sans être mathématique, la formation post-rock ne cesse de multiplier les façons de faire chanter ses grosses cordes. Et encore plus sur ce Millions Of Brazilians, puisque affranchit de toutes interventions vocales, déjà maigres par le passé. Un orgueil bienvenu, allié à un changement de producteur efficace : le savoir-faire bio du punk Albini laisse sa place à l'expérience post-rock de John McEntire (Tortoise). Un plus grand soin est apporté à la production, et les arrangements jusqu'ici sages, se plaisent à magnifier la saveur d'exquises compositions instrumentales. Nappes de claviers, petits effets discrets (tremolo), accords de piano, et même basson et clochettes (délicieux "Goto Dengo Loses The War"). Ce sont là autant de sauces et de condiments ajoutant toute la finesse qu'il pouvait manquer à la barbaque basses-batterie nature. L'émouvante ouverture "Wrapping The Lamb, Sir" ou la caresse "Take Care, Olaf" répondent alors à merveille à la syncope énergique de "Maria, Which Has Got Her Heart Completely Fucked Up" ou la facture classique d'un "Pitufina". Et ainsi de suite, les arrangements les plus modestes sont soutenus par les titres plus travaillés sans se faire de concurrence. Il y a un je-ne-sais-quoi dans la rondeur des basses qui illumine les atmosphères développées par le groupe ; quand bien même il fasse transpirer ses plages ambiantes de tension. C'est pourquoi "The Smallest Chilean" n'est pas "sombre", c'est le soleil brûlant de sa basse qui fait virer le bleu du ciel au blanc, et nous aveugle. Du post-rock, oui, mais rien d'ostentatoire ou ténébreux. Un regret ? Que certaines plages ne durent pas éternellement. Trente-cinq minutes de bonheur, pour beaucoup, c'est un peu court...