Julia Holter
Have You In My Wilderness |
Label :
Domino |
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La dreampop...
Comme la plupart des styles nés (ou ayant rencontré du succès) dans les années 80, la dreampop ne cesse d'être employée par nombre d'artisans du nouveau millénaire. Le piège, à l'instar d'autres mouvances de l'époque et d'ailleurs, c'est que ce genre de musique dépend tellement de gros effets de production que les disques ainsi créés ont vite fait de tous se ressembler et de se voir ainsi condamnés à surnager mollement avec le reste du style dans une soupe vaporeuse dont on peine à discerner les aspérités tant elles se voient méticuleusement et sciemment gommées. Dreampop, synthpop, shoegaze, la plupart du temps il suffit au fond de changer de pédale d'effet ou d'instrument pour passer de l'un à l'autre. Et on aurait tort de faire comme certains le font, d'oublier que dans dreampop il y a certes "dream", mais il y a surtout "pop", qu'une épaisse couche de son ne fait pas tout et que le temps aidant, ce qui distinguera tel ou tel album sera avant tout son architecture et non la décoration (à moins de s'appeler, au pif, Loveless et d'aller tellement loin dans la recherche sonore qu'on peut se permettre de reléguer l'inventivité mélodique au second plan).
Julia Holter, dans tout ça, fait un peu figure d'électron libre, d'outsider intrigante, rafraîchissante. De dreampop, elle avait jusqu'ici bien retenu le "dream", n'invoquant la pop qu'à de rares occasions, mais en parvenant néanmoins à concocter des disques dont le travail sur le son et l'ambiance était tel qu'ils pouvaient se passer sans mal de pop-songs pour offrir un voyage équilibré – on pourra à cet effet voir le tag "art-pop" lui être accolé pour signifier son excentricité (toute relative) au sein d'une scène fort portée sur l'hommage appuyé et uniforme. Mais qu'à-cela-ne-tienne, en 2015 Julia se sera mise en tête de venir prouver au monde qu'elle n'est pas seulement une belle pourvoyeuse d'éther conscient mais également une excellente songwriter qui ne s'ignore plus.
On ne peut que saluer l'adresse et la justesse d'un essai largement transformé de la part d'une artiste posant le pied hors de ce qu'on pensait être sa zone de confort pour rencontrer celle d'un public plus large et encore à conquérir. À en juger par Have You In My Wilderness, par sa qualité, sa fluidité, son aisance d'exécution, il nous faut bien admettre qu'on avait tout faux. Au contraire, c'est comme si tout au long de sa prime carrière mademoiselle Holter s'était sciemment retenue de laisser exploser sa fibre pop pour mieux faire ses griffes sur le matériau brut de la recherche sonore brumeuse, pour mieux apprendre comment envelopper ses chansons, percer le secret des voyages ambiants avant de les combiner à l'évidence pop. Dans nos tentatives pour percer les secrets de son alchimie, on se penchera sur la maîtrise incroyable que Julia a de ses cordes. C'est la première chose qui m'aura marqué – et qui déjà avait attiré mon attention sur Loud City Songs – cette gestion des violons et violoncelles, et autres contrebasses, comme si cette section de cordes était une excroissance de la dame, dont elle jouait aussi naturellement qu'elle chante. Des cordes qui montrent tout leur potentiel séducteurs sur "Silhouette" : au départ, une contrebasse nous chatouille, nous titille, tandis que des violons petit à petit se mettent à nous caresser sans qu'on parvienne à les localiser précisément dans le mix, et là sans prévenir, en un crescendo emportant tout sur son passage, cette fin de morceau nous fait carrément l'amour, en des allers-retours saccadés... ébouriffant. En guise de déprime post-coïtale, le tapis de violoncelles de "How Long?" enchaine immédiatement, formant une espèce de vortex de spleen duquel on ne s'extraira qu'avec peine. Deux exemples parmi tant d'autres, deux couleurs de la vaste palette d'émotions que Julia est capable de procurer rien qu'avec ce corps d'instruments... Il est d'ailleurs amusant de remarquer que sur la piste la moins "heavenly" du lot, "Sea Calls Me Home", les guest-stars ici ne sont non pas violons et violoncelles mais clavecin, piano et saxo (ce solo final...). Peut-être le morceau le plus ouvertement pop du lot, où Julia semble nous chanter directement dans l'oreille, nous offrir une proximité à laquelle on n'était pas habitué venant d'elle – toujours perdue dans ses nappes éthérées – et qui donne envie qu'elle nous fasse le coup plus souvent.
C'est qu'en fin de compte, si ses vapeurs nous apportent certes les sommets du disque ("Betsy On The Roof" et "Lucette Stranded On The Island", des ballades qui se déploient en labyrinthes oniriques), c'est lorsqu'elle se laisse trop séduire par ses rêveries que mademoiselle Holter se risque à devenir trop distante et à nous perdre en route, comme sur "Night Song" qui franchit la limite. C'est con, alors même qu'elle était parvenue à livrer un morceau complètement en apesanteur, pas pop pour un sou, une expérimentation nocturne de toute beauté, intrigante et envoûtante, menée par un spoken-word enfumé. Même que ça s'appelait "Vasquez" Comme quoi l'un n'empêche pas l'autre. Mais voilà, c'était donc la première fois que Julia Holter s'essayait à faire un disque purement orienté songwriting. J'ai encore du mal à le croire, tant tout cela lui paraît si naturel. En espérant qu'une fois devienne coutume...
Comme la plupart des styles nés (ou ayant rencontré du succès) dans les années 80, la dreampop ne cesse d'être employée par nombre d'artisans du nouveau millénaire. Le piège, à l'instar d'autres mouvances de l'époque et d'ailleurs, c'est que ce genre de musique dépend tellement de gros effets de production que les disques ainsi créés ont vite fait de tous se ressembler et de se voir ainsi condamnés à surnager mollement avec le reste du style dans une soupe vaporeuse dont on peine à discerner les aspérités tant elles se voient méticuleusement et sciemment gommées. Dreampop, synthpop, shoegaze, la plupart du temps il suffit au fond de changer de pédale d'effet ou d'instrument pour passer de l'un à l'autre. Et on aurait tort de faire comme certains le font, d'oublier que dans dreampop il y a certes "dream", mais il y a surtout "pop", qu'une épaisse couche de son ne fait pas tout et que le temps aidant, ce qui distinguera tel ou tel album sera avant tout son architecture et non la décoration (à moins de s'appeler, au pif, Loveless et d'aller tellement loin dans la recherche sonore qu'on peut se permettre de reléguer l'inventivité mélodique au second plan).
Julia Holter, dans tout ça, fait un peu figure d'électron libre, d'outsider intrigante, rafraîchissante. De dreampop, elle avait jusqu'ici bien retenu le "dream", n'invoquant la pop qu'à de rares occasions, mais en parvenant néanmoins à concocter des disques dont le travail sur le son et l'ambiance était tel qu'ils pouvaient se passer sans mal de pop-songs pour offrir un voyage équilibré – on pourra à cet effet voir le tag "art-pop" lui être accolé pour signifier son excentricité (toute relative) au sein d'une scène fort portée sur l'hommage appuyé et uniforme. Mais qu'à-cela-ne-tienne, en 2015 Julia se sera mise en tête de venir prouver au monde qu'elle n'est pas seulement une belle pourvoyeuse d'éther conscient mais également une excellente songwriter qui ne s'ignore plus.
On ne peut que saluer l'adresse et la justesse d'un essai largement transformé de la part d'une artiste posant le pied hors de ce qu'on pensait être sa zone de confort pour rencontrer celle d'un public plus large et encore à conquérir. À en juger par Have You In My Wilderness, par sa qualité, sa fluidité, son aisance d'exécution, il nous faut bien admettre qu'on avait tout faux. Au contraire, c'est comme si tout au long de sa prime carrière mademoiselle Holter s'était sciemment retenue de laisser exploser sa fibre pop pour mieux faire ses griffes sur le matériau brut de la recherche sonore brumeuse, pour mieux apprendre comment envelopper ses chansons, percer le secret des voyages ambiants avant de les combiner à l'évidence pop. Dans nos tentatives pour percer les secrets de son alchimie, on se penchera sur la maîtrise incroyable que Julia a de ses cordes. C'est la première chose qui m'aura marqué – et qui déjà avait attiré mon attention sur Loud City Songs – cette gestion des violons et violoncelles, et autres contrebasses, comme si cette section de cordes était une excroissance de la dame, dont elle jouait aussi naturellement qu'elle chante. Des cordes qui montrent tout leur potentiel séducteurs sur "Silhouette" : au départ, une contrebasse nous chatouille, nous titille, tandis que des violons petit à petit se mettent à nous caresser sans qu'on parvienne à les localiser précisément dans le mix, et là sans prévenir, en un crescendo emportant tout sur son passage, cette fin de morceau nous fait carrément l'amour, en des allers-retours saccadés... ébouriffant. En guise de déprime post-coïtale, le tapis de violoncelles de "How Long?" enchaine immédiatement, formant une espèce de vortex de spleen duquel on ne s'extraira qu'avec peine. Deux exemples parmi tant d'autres, deux couleurs de la vaste palette d'émotions que Julia est capable de procurer rien qu'avec ce corps d'instruments... Il est d'ailleurs amusant de remarquer que sur la piste la moins "heavenly" du lot, "Sea Calls Me Home", les guest-stars ici ne sont non pas violons et violoncelles mais clavecin, piano et saxo (ce solo final...). Peut-être le morceau le plus ouvertement pop du lot, où Julia semble nous chanter directement dans l'oreille, nous offrir une proximité à laquelle on n'était pas habitué venant d'elle – toujours perdue dans ses nappes éthérées – et qui donne envie qu'elle nous fasse le coup plus souvent.
C'est qu'en fin de compte, si ses vapeurs nous apportent certes les sommets du disque ("Betsy On The Roof" et "Lucette Stranded On The Island", des ballades qui se déploient en labyrinthes oniriques), c'est lorsqu'elle se laisse trop séduire par ses rêveries que mademoiselle Holter se risque à devenir trop distante et à nous perdre en route, comme sur "Night Song" qui franchit la limite. C'est con, alors même qu'elle était parvenue à livrer un morceau complètement en apesanteur, pas pop pour un sou, une expérimentation nocturne de toute beauté, intrigante et envoûtante, menée par un spoken-word enfumé. Même que ça s'appelait "Vasquez" Comme quoi l'un n'empêche pas l'autre. Mais voilà, c'était donc la première fois que Julia Holter s'essayait à faire un disque purement orienté songwriting. J'ai encore du mal à le croire, tant tout cela lui paraît si naturel. En espérant qu'une fois devienne coutume...
Parfait 17/20 | par X_Wazoo |
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