Ichiko Aoba
Mahoroboshiya |
Label :
Speedstar |
||||
Aujourd'hui encore, je garde les séquelles de ma première rencontre avec l'improbable pureté d'Ichiko Aoba et son indépassable live 0%. Aujourd'hui encore :
- entendre une japonaise fredonner dans un micro me provoque une hyperventilation, et une crise d'asthme pour peu qu'elle laisse échapper un mot en portugais ;
- il m'est impossible de ne pas être pris de convulsions lorsqu'un bruit du quotidien vient se superposer au son d'une guitare acoustique ;
- le moindre signe avant coureur d'un accord samba nécessite ma mise immédiate en position latérale de sécurité.
Je suis dans un sale état. Fût-il enveloppé d'une douceur infinie dans un gant de velours, le choc fut tel que j'en oubliai qu'Ichiko Aoba n'était pas une déesse à l'existence millénaire mais bien une jeune femme de 26 ans avec au moins 5 albums studio derrière elle et un futur qui reste à écrire. À trop placer 0% sur un piédestal j'avais évacué toute idée d'un avenir artistique encore en gestation pour la japonaise sambaphile. Je n'étais donc pas prêt pour l'arrivée de Mahoroboshiya, qui est une bête bien différente, et pas moins fascinante.
Cette différence s'impose avant même d'avoir à écouter une seule note de l'album ; non pas parce que la tête d'Ichiko apparaît pour la première fois de sa carrière sur une de ses pochettes, mais bien parce que le disque totalise en tout et pour tout 35 minutes. Une fois passée la déception première, à l'idée de ne pas pouvoir se reposer aussi longtemps que prévu sur notre nuage de coton habituel, vient le temps de l'écoute à proprement parler. Et il ne faudra pas plus à l'auditeur confiant qu'un bref contact avec Mahoroboshiya pour en mesurer la valeur. Cet album s'apprécie d'autant plus une fois replacé dans son contexte discographique. Depuis son premier disque, Kamisori Otome en 2010 jusqu'à 0 en 2013, Ichiko a mis sa virtuosité dépouillée au service d'une sophistication de plus en plus présente, offrant des morceaux de plus en plus longs et s'autorisant des arrangements acoustiques ambitieux (et totalement maîtrisés). 0 était aussi un disque qui s'autorisait de vastes errances dites "field recording", que ce soit pour accompagner le morceau que pour se poser en interludes disposa d'une vie propre. À côté Mahoroboshiya, avec sa grosse demi-heure et ses chansons douces réduites à leur plus simple appareil, donne de faux-airs de retour aux sources. Je dis faux car un examen plus attentif saura révéler les forces de ce qui s'avère être un formidable monstre de retenue. La beauté de la retenue d'une virtuose de la 6 cordes comme Ichiko Aoba, c'est qu'on sent que chaque note est puissamment intentionnelle et s'en va nourrir la menue silhouette d'une mélodie réduite à l'essentiel. Le moindre ralentissement (ou la moindre accélération) peut s'avérer vertigineux dans un tempo que la nippone mène à la baguette, un changement d'accord anodin peut s'avérer bouleversant. Et là dedans, comme chaque fois, le silence qui se fraye un chemin entre chaque note règne en maître.
Cette précision accrue dans la musique d'Ichiko fait de Mahoroboshiya un album qui frappe certes avec douceur, mais qui touche très près du cœur. Ce qui se passe ici n'est pas tant l'écrémage d'éléments désormais inutiles que la concentration de son art en un compromis serein qui de ces chansons ne garde que l'âme. Du field recording en fleur de 0 il ne reste qu'un bourgeonnement de clochettes à la précision fatale qui fournit le climax émotionnel du plus beau morceau du disque. Dans Mahoroboshiya le vagabondage est devenu berceuse. Sauf que les berceuses folk d'Ichiko Aoba ne sont pas de celles qui se contentent de faciliter l'accès aux bras de Morphée, elles portent en elles un fort pouvoir évocateur. Qui dans le meilleur des cas nous permet un bref voyage temporel intérieur, nous emmenant redécouvrir avec un émerveillement vaporeux des souvenirs qui ne s'y trouvaient pas avant.
Mahoroboshiya est un trésor. Si 0% était ce coffre poussiéreux rempli de souvenirs d'enfance, alors le petit nouveau est comme retrouver un vieux cadre contenant le dernier portrait d'une mère aujourd'hui disparue. C'est le réconfort doux-amer d'une tendresse qui s'échappe aussitôt qu'on fait mine d'en saisir l'essence.
- entendre une japonaise fredonner dans un micro me provoque une hyperventilation, et une crise d'asthme pour peu qu'elle laisse échapper un mot en portugais ;
- il m'est impossible de ne pas être pris de convulsions lorsqu'un bruit du quotidien vient se superposer au son d'une guitare acoustique ;
- le moindre signe avant coureur d'un accord samba nécessite ma mise immédiate en position latérale de sécurité.
Je suis dans un sale état. Fût-il enveloppé d'une douceur infinie dans un gant de velours, le choc fut tel que j'en oubliai qu'Ichiko Aoba n'était pas une déesse à l'existence millénaire mais bien une jeune femme de 26 ans avec au moins 5 albums studio derrière elle et un futur qui reste à écrire. À trop placer 0% sur un piédestal j'avais évacué toute idée d'un avenir artistique encore en gestation pour la japonaise sambaphile. Je n'étais donc pas prêt pour l'arrivée de Mahoroboshiya, qui est une bête bien différente, et pas moins fascinante.
Cette différence s'impose avant même d'avoir à écouter une seule note de l'album ; non pas parce que la tête d'Ichiko apparaît pour la première fois de sa carrière sur une de ses pochettes, mais bien parce que le disque totalise en tout et pour tout 35 minutes. Une fois passée la déception première, à l'idée de ne pas pouvoir se reposer aussi longtemps que prévu sur notre nuage de coton habituel, vient le temps de l'écoute à proprement parler. Et il ne faudra pas plus à l'auditeur confiant qu'un bref contact avec Mahoroboshiya pour en mesurer la valeur. Cet album s'apprécie d'autant plus une fois replacé dans son contexte discographique. Depuis son premier disque, Kamisori Otome en 2010 jusqu'à 0 en 2013, Ichiko a mis sa virtuosité dépouillée au service d'une sophistication de plus en plus présente, offrant des morceaux de plus en plus longs et s'autorisant des arrangements acoustiques ambitieux (et totalement maîtrisés). 0 était aussi un disque qui s'autorisait de vastes errances dites "field recording", que ce soit pour accompagner le morceau que pour se poser en interludes disposa d'une vie propre. À côté Mahoroboshiya, avec sa grosse demi-heure et ses chansons douces réduites à leur plus simple appareil, donne de faux-airs de retour aux sources. Je dis faux car un examen plus attentif saura révéler les forces de ce qui s'avère être un formidable monstre de retenue. La beauté de la retenue d'une virtuose de la 6 cordes comme Ichiko Aoba, c'est qu'on sent que chaque note est puissamment intentionnelle et s'en va nourrir la menue silhouette d'une mélodie réduite à l'essentiel. Le moindre ralentissement (ou la moindre accélération) peut s'avérer vertigineux dans un tempo que la nippone mène à la baguette, un changement d'accord anodin peut s'avérer bouleversant. Et là dedans, comme chaque fois, le silence qui se fraye un chemin entre chaque note règne en maître.
Cette précision accrue dans la musique d'Ichiko fait de Mahoroboshiya un album qui frappe certes avec douceur, mais qui touche très près du cœur. Ce qui se passe ici n'est pas tant l'écrémage d'éléments désormais inutiles que la concentration de son art en un compromis serein qui de ces chansons ne garde que l'âme. Du field recording en fleur de 0 il ne reste qu'un bourgeonnement de clochettes à la précision fatale qui fournit le climax émotionnel du plus beau morceau du disque. Dans Mahoroboshiya le vagabondage est devenu berceuse. Sauf que les berceuses folk d'Ichiko Aoba ne sont pas de celles qui se contentent de faciliter l'accès aux bras de Morphée, elles portent en elles un fort pouvoir évocateur. Qui dans le meilleur des cas nous permet un bref voyage temporel intérieur, nous emmenant redécouvrir avec un émerveillement vaporeux des souvenirs qui ne s'y trouvaient pas avant.
Mahoroboshiya est un trésor. Si 0% était ce coffre poussiéreux rempli de souvenirs d'enfance, alors le petit nouveau est comme retrouver un vieux cadre contenant le dernier portrait d'une mère aujourd'hui disparue. C'est le réconfort doux-amer d'une tendresse qui s'échappe aussitôt qu'on fait mine d'en saisir l'essence.
Excellent ! 18/20 | par X_Wazoo |
NB : Les morceaux 2 et 3 de Mahoroboshiya ont été dévoilés peu avant la sortie de l'album sous la forme d'un court-métrage de 9mn par Hanayo : https://vimeo.com/187420826
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