Le Guess Who?
Utrecht - Pays-Bas [Le Guess Who Festival (Tivoli)] - jeudi 10 novembre 2016 |
Ce moment de l'année est arrivé ; celui d'un rendez-vous que tout festivalier mélomane européen sain d'esprit devrait réserver (au moins) un an à l'avance et pour lequel j'ai moi-même vendu père et mère et hypothéqué mon appartement : Le Guess Who Festival. Prenant place à Utrecht, ville Hollandaise évoquant un croisement charmant entre Amsterdam (ne leur dites pas, ça les vexe) et une banlieue anglaise, le festival avait vu l'année dernière se côtoyer des artistes aussi disparates que Magma, Kamasi Washington, Sunn O))), Jacco Gardner, Charlemagne Palestine, OM ou The Necks... Une fois installé dans une auberge bien moins miteuse que l'année passée, il n'y a plus qu'une question à se poser : que proposera cette année (pour ses 10 ans!) le festival tentaculaire ?
Chaque année, 4 artistes sont appelés, en plus de la programmation générale, à choisir une poignée conséquente d'artistes à faire venir se produire au festival. Dans l'édition 2017 ce sont respectivement Wilco, Savages, Julia Holter et Suuns qui proposeront leur sélection sur les quatre jour. Ce Jeudi, c'est celle de Wilco qui est à l'honneur, entre terroir américain et quelques surprenantes incursions électroniques.
William Tyler (curated by Wilco) : C'est William Tyler qui ouvrira le festival (et jouera à deux reprises, sans doute pour remplacer son collègue Daniel Bachman qui manquera à l'appel). Sans doute poussé à la fois par la pression d'inaugurer un tel événement et par des sentiments plus personnels, il se sentira obligé par deux fois d'évoquer le résultat des élections américaines, précisant "We're all shocked" sans réaliser son américano-centrisme. Fort heureusement son set rattrapera ses maladresses, une première moitié acoustique tissant avec sa seule guitare des fresques épiques et nostalgiques évoquant les paysages que John Fahey s'est toujours évertué à peindre ; et une tirée de son dernier album virant vers une espèce de country atmosphérique à grand renfort de pédales à effets et de loops. Moins ma tasse de thé, mais une très belle ouverture de festoche dans l'ensemble.
Arnold Dreyblatt (curated by Wilco) : Le Guess Who est un grand repaire de minimalistes, ça n'est pas Charlemagne Palestine et sa bluffante prestation de l'année dernière qui ira me contredire. C'est avec ce souvenir en tête qu'après un bref MacDo nous filons vers la salle Hertz, salle de concert classieuse façon mini-théâtre avec sièges et balcons, pour aller voir Arnold Dreyblatt qui est présenté comme un minimaliste des plus Rock. De toute évidence "rock" était ici entendu dans le sens de "bourrin" et "bordélique". Dans un premier morceau de 15mn Arnold frappe énergiquement de son archet les cordes de sa contrebasse tout en posant les doigts de sa main droite à différents endroits des-dites cordes afin d'en faire résonner les harmoniques. Tentative louable mais entachée par une technique trop approximative dans la frappe des cordes qui nous empêche d'accéder à une quelconque transe ; parfois l'archet frappe le micro, parfois il touche une corde adjacente. Son deuxième morceau de 45mn témoigne des mêmes difficultés à poser une atmosphère entièrement prenante, avec cette fois à l'honneur des manipulation et superpositions électroniques paradoxalement aussi impromptues dans leurs timbres en net contraste entre les uns et les autres que monotone dans leur agencement systématique et interminable. Malgré quelques textures intéressantes, Dreyblatt aura manqué de m'assoupir.
Wilco : À présent rendez-vous dans l'immense " Grote Zaal " pour les têtes d'affiche du festival. 2H20 de concert de Wilco c'est à la fois une aubaine absolue et une terrible décision de festival : que choisir entre l'intégralité d'un de mes groupes gavoris et la variété de chois de la prog ? J'opterai finalement pour un entre-deux frustrant : 1h de Wilco et 15 mn de Deerhoof. Wilco avait pourtant magnifiquement commencé dans la "Grotte" pleine à craquer avec un "On and on" tout en pureté. Mais malgré un "I Am Trying to Break Your Heart" bien senti peu de temps après, cette première partie de set était essentiellement composée de morceaux tirés du dernier album bof, Schmilco, et d'autres albums récents que je connais assez peu. C'est alors qu'ils commençaient à envoyer le pâté avec un "Impossible Germany" dantesque (Nels Cline survolté nous fait le solo de sa vie), un " Spiders " qui décolle dans l'espace et un "Jesus Etc." repris en chœur par plusieurs centaines de personnes... que je suis parti pour voir la fin de Deerhoof. J'ai sans doute raté le meilleur.
Deerhoof (curated by Wilco) : La frustration de ce Jeudi : ne pas avoir vu l'ensemble de la perf de Deerhoof. Au moment où je pénètre dans la Pandora perchée en haut du bâtiment, côté balcon, le groupe nippo-américain vient de finir un morceau sautillant à souhait et Greg Saunier se lève de sa batterie (qu'il a installée sur le rebord même de la scène) pour un speech des plus étranges, racontant avec un air défoncé et hilarant sa difficulté à trouver l'inspiration pour ses discours de scène après nous avoir fait un petit cours de batterie. Et avoir parfaitement résumé la perf et l'attrait de son groupe : jamais vraiment ensemble, mais toujours juste. Et c'est reparti pour 10 minutes de math-pop déglinguée (et kawaii).
Fennesz (curated by Wilco) : Si la Pandora était déjà très haute en altitude, la Cloud Nine marque l'absolue cime de cette espèce de gigantesque centre commercial de salles de concert qu'est le Tivoli (7 salles de concert au total, pour rappel), salle parfaite pour les DJs et autres pourvoyeurs de musique électronique. Christian Fennesz en est un très digne représentant, réputé pour construire des structures musicales puissantes, mélodiques et bruitistes à la fois. Et c'est exactement ce à quoi on a eu droit pendant 30 minutes hors du temps. Triturant ses drones brumeux sur son PC derrière ses épaisses lunettes, Fennesz laisse s'installer une atmosphère propre à l'errance onirique et à la divagation éthérée, au sein de laquelle on se croit à tort en sécurité : guitare noire au poing, l'artiste secoue périodiquement la salle d'à-coups mélodiques saturés assourdissants, comme autant de climax planants qui font saigner les oreilles de bonheur. Si le volume trop élevé doit être mentionné en bémol, le rste du set a donné ses lettres de noblesse au "beautiful noise".
Kyoka (curated by Wilco) : Après un petit chill en Hertz pour retrouver William Tyler l'espace d'un quart d'heure, juste ce qu'il faut pour redescendre tranquillement de Fennesz, retour en Cloud Nine pour le set de techno expérimentale qui achèvera la journée. Kyoka est une petite japonaise toute timide, planquée derrière sa table de mixage et qui se tortille joyeusement à chaque fois que le public la complimente et la harangue. Je suis certes peu connoisseur en la matière mais jamais je n'ai entendu une techno si... alien. Le terme "expérimental", si vague qu'il soit, n'était pas galvaudé ; Kyoka rend sa matière sonore malléable et intègre à ses beats complexes des sons improbables (field-recording, voix et bestioles soniques non identifiables) qu'elle étire, distord et découpe à l'envi pour leur donner une seconde vie. Mon corps n'en pouvait plus de bouger sur cette matière confondante entrecoupée d'interludes volontairement frustrants (parfois trop pour mes nerfs de néophyte). Kyoka m'a tuer, et je n'aurai pas le courage de bouger voir Tau dans un autre coin de la ville. Il est temps d'aller se reposer.
Chaque année, 4 artistes sont appelés, en plus de la programmation générale, à choisir une poignée conséquente d'artistes à faire venir se produire au festival. Dans l'édition 2017 ce sont respectivement Wilco, Savages, Julia Holter et Suuns qui proposeront leur sélection sur les quatre jour. Ce Jeudi, c'est celle de Wilco qui est à l'honneur, entre terroir américain et quelques surprenantes incursions électroniques.
William Tyler (curated by Wilco) : C'est William Tyler qui ouvrira le festival (et jouera à deux reprises, sans doute pour remplacer son collègue Daniel Bachman qui manquera à l'appel). Sans doute poussé à la fois par la pression d'inaugurer un tel événement et par des sentiments plus personnels, il se sentira obligé par deux fois d'évoquer le résultat des élections américaines, précisant "We're all shocked" sans réaliser son américano-centrisme. Fort heureusement son set rattrapera ses maladresses, une première moitié acoustique tissant avec sa seule guitare des fresques épiques et nostalgiques évoquant les paysages que John Fahey s'est toujours évertué à peindre ; et une tirée de son dernier album virant vers une espèce de country atmosphérique à grand renfort de pédales à effets et de loops. Moins ma tasse de thé, mais une très belle ouverture de festoche dans l'ensemble.
Arnold Dreyblatt (curated by Wilco) : Le Guess Who est un grand repaire de minimalistes, ça n'est pas Charlemagne Palestine et sa bluffante prestation de l'année dernière qui ira me contredire. C'est avec ce souvenir en tête qu'après un bref MacDo nous filons vers la salle Hertz, salle de concert classieuse façon mini-théâtre avec sièges et balcons, pour aller voir Arnold Dreyblatt qui est présenté comme un minimaliste des plus Rock. De toute évidence "rock" était ici entendu dans le sens de "bourrin" et "bordélique". Dans un premier morceau de 15mn Arnold frappe énergiquement de son archet les cordes de sa contrebasse tout en posant les doigts de sa main droite à différents endroits des-dites cordes afin d'en faire résonner les harmoniques. Tentative louable mais entachée par une technique trop approximative dans la frappe des cordes qui nous empêche d'accéder à une quelconque transe ; parfois l'archet frappe le micro, parfois il touche une corde adjacente. Son deuxième morceau de 45mn témoigne des mêmes difficultés à poser une atmosphère entièrement prenante, avec cette fois à l'honneur des manipulation et superpositions électroniques paradoxalement aussi impromptues dans leurs timbres en net contraste entre les uns et les autres que monotone dans leur agencement systématique et interminable. Malgré quelques textures intéressantes, Dreyblatt aura manqué de m'assoupir.
Wilco : À présent rendez-vous dans l'immense " Grote Zaal " pour les têtes d'affiche du festival. 2H20 de concert de Wilco c'est à la fois une aubaine absolue et une terrible décision de festival : que choisir entre l'intégralité d'un de mes groupes gavoris et la variété de chois de la prog ? J'opterai finalement pour un entre-deux frustrant : 1h de Wilco et 15 mn de Deerhoof. Wilco avait pourtant magnifiquement commencé dans la "Grotte" pleine à craquer avec un "On and on" tout en pureté. Mais malgré un "I Am Trying to Break Your Heart" bien senti peu de temps après, cette première partie de set était essentiellement composée de morceaux tirés du dernier album bof, Schmilco, et d'autres albums récents que je connais assez peu. C'est alors qu'ils commençaient à envoyer le pâté avec un "Impossible Germany" dantesque (Nels Cline survolté nous fait le solo de sa vie), un " Spiders " qui décolle dans l'espace et un "Jesus Etc." repris en chœur par plusieurs centaines de personnes... que je suis parti pour voir la fin de Deerhoof. J'ai sans doute raté le meilleur.
Deerhoof (curated by Wilco) : La frustration de ce Jeudi : ne pas avoir vu l'ensemble de la perf de Deerhoof. Au moment où je pénètre dans la Pandora perchée en haut du bâtiment, côté balcon, le groupe nippo-américain vient de finir un morceau sautillant à souhait et Greg Saunier se lève de sa batterie (qu'il a installée sur le rebord même de la scène) pour un speech des plus étranges, racontant avec un air défoncé et hilarant sa difficulté à trouver l'inspiration pour ses discours de scène après nous avoir fait un petit cours de batterie. Et avoir parfaitement résumé la perf et l'attrait de son groupe : jamais vraiment ensemble, mais toujours juste. Et c'est reparti pour 10 minutes de math-pop déglinguée (et kawaii).
Fennesz (curated by Wilco) : Si la Pandora était déjà très haute en altitude, la Cloud Nine marque l'absolue cime de cette espèce de gigantesque centre commercial de salles de concert qu'est le Tivoli (7 salles de concert au total, pour rappel), salle parfaite pour les DJs et autres pourvoyeurs de musique électronique. Christian Fennesz en est un très digne représentant, réputé pour construire des structures musicales puissantes, mélodiques et bruitistes à la fois. Et c'est exactement ce à quoi on a eu droit pendant 30 minutes hors du temps. Triturant ses drones brumeux sur son PC derrière ses épaisses lunettes, Fennesz laisse s'installer une atmosphère propre à l'errance onirique et à la divagation éthérée, au sein de laquelle on se croit à tort en sécurité : guitare noire au poing, l'artiste secoue périodiquement la salle d'à-coups mélodiques saturés assourdissants, comme autant de climax planants qui font saigner les oreilles de bonheur. Si le volume trop élevé doit être mentionné en bémol, le rste du set a donné ses lettres de noblesse au "beautiful noise".
Kyoka (curated by Wilco) : Après un petit chill en Hertz pour retrouver William Tyler l'espace d'un quart d'heure, juste ce qu'il faut pour redescendre tranquillement de Fennesz, retour en Cloud Nine pour le set de techno expérimentale qui achèvera la journée. Kyoka est une petite japonaise toute timide, planquée derrière sa table de mixage et qui se tortille joyeusement à chaque fois que le public la complimente et la harangue. Je suis certes peu connoisseur en la matière mais jamais je n'ai entendu une techno si... alien. Le terme "expérimental", si vague qu'il soit, n'était pas galvaudé ; Kyoka rend sa matière sonore malléable et intègre à ses beats complexes des sons improbables (field-recording, voix et bestioles soniques non identifiables) qu'elle étire, distord et découpe à l'envi pour leur donner une seconde vie. Mon corps n'en pouvait plus de bouger sur cette matière confondante entrecoupée d'interludes volontairement frustrants (parfois trop pour mes nerfs de néophyte). Kyoka m'a tuer, et je n'aurai pas le courage de bouger voir Tau dans un autre coin de la ville. Il est temps d'aller se reposer.
Parfait 17/20 | par X_Wazoo |
Sur la photo : Deerhoof à la Pandora (photo par Jeroen Soeterik)
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