The Young Gods
Live Sky Tour |
Label :
PIAS |
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Il y a les groupes qui pensent que des grosses guitares et un beat électro suffisent à décoiffer les metalheads, alors qu'ils sont tout juste bons à égayer un salon de coiffure pour dames, et puis il y a ceux qui réfléchissent plus loin que le bout de leur manche et qui, à chaque fois, transfigurent leur metal indus des débuts pour l'amener plus loin, et si ce n'est plus loin, ailleurs, là où seuls les créateurs de talent osent s'aventurer. The Young Gods font partie de cette élite, groupe culte s'il en est, cité partout comme influence majeure, mais finalement peu reconnu commercialement.
Le trio helvète nous démontre une fois de plus qu'il suffit matériellement de pas grand-chose pour coller un barouf de tous les diables et qu'un drum kit, un keyboard et un chanteur (Franz Treichler) au charisme morrisonien ont de quoi vous envoyer ramasser vos dents et vos tympans à la petite cuillere. Live Sky Tour, c'est une claque sans chichis ni overdubs, un truc sec et goûteux comme un jambon de pays, parfaitement millimétré et qui envoie une sauce jamais indigeste.
On en a tous connu des groupes qui sortent leur live après seulement une poignée de singles et qui se paient le luxe de tout retoucher en studio parce que les mecs assurent pas une broquille une fois sur scène. Leur punition serait de leur passer ce skeud en boucle, jusqu'à ce qu'ils en crèvent de verte jalousie, totalement asphyxiés par la puissance que dégagent les trois Suisses sur la moindre estrade pour peu qu'on daigne leur fournir de l'électricité...
Cela commence pourtant en douceur : une intro instrumentale basée sur un crescendo constant, une montée en pression où les grésillements sont rois. Les vagues sonores se succèdent, se glissent entre les cuisses et vous collent des décharges électriques dans l'épine dorsale. On attend tous l'explosion... "Bonsoir", murmure Franz...
Et l'on se bouffe un "T.V. Sky" d'entrée de jeu, avec sa rythmique martiale, cassante, ses errements bruitistes d'indus noise inimitables, toujours à mi-chemin du minéral et de l'organique. "Jimmy" nous reprend de volée, on n'a pas le temps de souffler ni de toucher terre. Franz nous parle d' "oreilles bouchées", il n'y a pas grand risque que cela arrive après une telle entrée en matière ! Mélange idéal de sonorités indus et d'énergie punk, ce titre décape, détartre et récure tout sur son passage.
La formation musicale des Young Gods est paradoxale dans le style qu'elle pratique. En règle générale, ce sont les guitares qui sont présentes et le batteur qui est samplé car l'on considère traditionnellement qu'une boîte à rythme renforce la froideur du son, sans doute selon un vieux cliché hérité des 80's. Ici, ce sont les guitares qui sont samplées, et pourtant ça riffe velu ! Et de ce paradoxe naît l'originalité du son, le truc qui rend ce groupe unique sur une scène polluée de suiveurs en tout genre.
Sans temps morts, "Envoyé" et "Chanson Rouge" poursuivent la tyrannie auditive. Roulements de batterie, vrombissements orageux, un chanteur dans une transe quasi chamanique, ce doublé est sans contexte un des temps (très) forts de l'album. Ahurissant de charisme dans ses accélérations subites et ses imprécations vocales, Franz s'impose comme un des grands paroliers actuels, le dépouillement apparent de la musique étant chez le groupe une marque d'intelligence, un sens de la composition lucide qui vise constamment à l'essentiel. Les chansons sont toutes dégraissées mais la moelle en est incroyablement riche et nourrissante. Plus, ce serait trop...
"Tout le monde danse le long des faubourgs" annonce "L'Eau Rouge", titre plus posé, plus pesant, mais en rien reposant. La faute à ce son de basse cataclysmique, à cette voix rocailleuse et à ces brusques envolées de notes, aussi soudaines que glaçantes.
"She Rains", ce sont les Doors en concert dans une usine délabrée. Rarement l'affiliation avec le groupe américain aura été aussi justifiée, tant dans la voix que dans le climat développé. Bouffée d'air salutaire au milieu de la tourmente, cette chanson est un espace sanitaire indispensable avant d'attaquer le triptyque suivant : "Summer Eyes", "Pas Mal" et "Longue Route."
Le premier est un habile mélange de guitares plombées et de sonorités funk, l'esprit de Jim planant non loin. Parfaitement raccord avec le morceau précédent, The Young Gods nous refait faire un tour de grand huit, "Summer Eyes" étant une nouvelle ascension. On pourrait avoir envie de danser sur cette musique, sauf que l'on passe son temps à se demander quels mouvements seraient appropriés... Slow post industriel, danse du robot rouillé, mauvais trip sous acide, le groupe nous laisse le choix de l'embarras. Peut-être faut-il juste fermer les yeux et se laisser transporter par cette lumière crépusculaire qui envahit la boîte crânienne de l'auditeur, arpentant une plage californienne où le sable se ferait copeaux de fer, le ciel d'encre et la mer rougeoyante... Cette composition de près d'un quart d'heure n'en finit plus de nous ballotter d'un rocher à l'autre, constamment pris par le ressac d'accords lancinants qui gémissent à nos oreilles, obscurcissant tout, étouffant les derniers rayons d'un soleil d'hiver.
"Pas Mal" aurait pu se trouver sur le Psalm 69 de Ministry, personne n'y aurait trouvé à redire... sample de guitare overdrivé et minimaliste, ce titre fait très mal aux cervicales ! Mais pas plus que le départ tonitruant de "Longue Route", du Motörhead sous speed. "Nous avons fait longue route, nous brûlons encore." The Young Gods achèvent leur prestation avec ce qui sont sans doute leurs titres les plus directs, percutants et efficaces. C'est le coup de grâce, impitoyable.
Il ne reste alors plus qu'à évacuer les morts et à compter les survivants qui gagnent le droit de prendre place dans un voyage spatio-temporel, direction les tavernes d'Allemagne, grâce à deux reprises issues de leur album "Play Kurt Weill."
"September Song" impose la mélancolie d'un port à l'abandon, d'un bord de mer désert. Davantage ambient que cabaret, cela permet une transition idéale avec le très surprenant "Seerauber Jenny" qui nous transporte quelque part entre la Bavière et le "Whiskey Bar (Alabama Song)" des Doors. Un titre festif (enfin, ça dépend de l'idée que l'on se fait de la fête, bien entendu) qui conclut ce concert en apothéose et qui donne envie d'aller prendre une bière avec le voisin qui nous a pogoté dessus toute la soirée, une forme de troisième mi-temps en fait...
Live ébouriffant et toujours d'actualité, The Young Gods ont posé là une des plus belles offrandes au dieu des musiques amplifiées. Immortel, intemporel et sans commune mesure avec ses contemporains, le groupe plane à de telles hauteurs que rares sont ceux qui peuvent espérer les côtoyer un jour. Du talent, à l'état brut...
Le trio helvète nous démontre une fois de plus qu'il suffit matériellement de pas grand-chose pour coller un barouf de tous les diables et qu'un drum kit, un keyboard et un chanteur (Franz Treichler) au charisme morrisonien ont de quoi vous envoyer ramasser vos dents et vos tympans à la petite cuillere. Live Sky Tour, c'est une claque sans chichis ni overdubs, un truc sec et goûteux comme un jambon de pays, parfaitement millimétré et qui envoie une sauce jamais indigeste.
On en a tous connu des groupes qui sortent leur live après seulement une poignée de singles et qui se paient le luxe de tout retoucher en studio parce que les mecs assurent pas une broquille une fois sur scène. Leur punition serait de leur passer ce skeud en boucle, jusqu'à ce qu'ils en crèvent de verte jalousie, totalement asphyxiés par la puissance que dégagent les trois Suisses sur la moindre estrade pour peu qu'on daigne leur fournir de l'électricité...
Cela commence pourtant en douceur : une intro instrumentale basée sur un crescendo constant, une montée en pression où les grésillements sont rois. Les vagues sonores se succèdent, se glissent entre les cuisses et vous collent des décharges électriques dans l'épine dorsale. On attend tous l'explosion... "Bonsoir", murmure Franz...
Et l'on se bouffe un "T.V. Sky" d'entrée de jeu, avec sa rythmique martiale, cassante, ses errements bruitistes d'indus noise inimitables, toujours à mi-chemin du minéral et de l'organique. "Jimmy" nous reprend de volée, on n'a pas le temps de souffler ni de toucher terre. Franz nous parle d' "oreilles bouchées", il n'y a pas grand risque que cela arrive après une telle entrée en matière ! Mélange idéal de sonorités indus et d'énergie punk, ce titre décape, détartre et récure tout sur son passage.
La formation musicale des Young Gods est paradoxale dans le style qu'elle pratique. En règle générale, ce sont les guitares qui sont présentes et le batteur qui est samplé car l'on considère traditionnellement qu'une boîte à rythme renforce la froideur du son, sans doute selon un vieux cliché hérité des 80's. Ici, ce sont les guitares qui sont samplées, et pourtant ça riffe velu ! Et de ce paradoxe naît l'originalité du son, le truc qui rend ce groupe unique sur une scène polluée de suiveurs en tout genre.
Sans temps morts, "Envoyé" et "Chanson Rouge" poursuivent la tyrannie auditive. Roulements de batterie, vrombissements orageux, un chanteur dans une transe quasi chamanique, ce doublé est sans contexte un des temps (très) forts de l'album. Ahurissant de charisme dans ses accélérations subites et ses imprécations vocales, Franz s'impose comme un des grands paroliers actuels, le dépouillement apparent de la musique étant chez le groupe une marque d'intelligence, un sens de la composition lucide qui vise constamment à l'essentiel. Les chansons sont toutes dégraissées mais la moelle en est incroyablement riche et nourrissante. Plus, ce serait trop...
"Tout le monde danse le long des faubourgs" annonce "L'Eau Rouge", titre plus posé, plus pesant, mais en rien reposant. La faute à ce son de basse cataclysmique, à cette voix rocailleuse et à ces brusques envolées de notes, aussi soudaines que glaçantes.
"She Rains", ce sont les Doors en concert dans une usine délabrée. Rarement l'affiliation avec le groupe américain aura été aussi justifiée, tant dans la voix que dans le climat développé. Bouffée d'air salutaire au milieu de la tourmente, cette chanson est un espace sanitaire indispensable avant d'attaquer le triptyque suivant : "Summer Eyes", "Pas Mal" et "Longue Route."
Le premier est un habile mélange de guitares plombées et de sonorités funk, l'esprit de Jim planant non loin. Parfaitement raccord avec le morceau précédent, The Young Gods nous refait faire un tour de grand huit, "Summer Eyes" étant une nouvelle ascension. On pourrait avoir envie de danser sur cette musique, sauf que l'on passe son temps à se demander quels mouvements seraient appropriés... Slow post industriel, danse du robot rouillé, mauvais trip sous acide, le groupe nous laisse le choix de l'embarras. Peut-être faut-il juste fermer les yeux et se laisser transporter par cette lumière crépusculaire qui envahit la boîte crânienne de l'auditeur, arpentant une plage californienne où le sable se ferait copeaux de fer, le ciel d'encre et la mer rougeoyante... Cette composition de près d'un quart d'heure n'en finit plus de nous ballotter d'un rocher à l'autre, constamment pris par le ressac d'accords lancinants qui gémissent à nos oreilles, obscurcissant tout, étouffant les derniers rayons d'un soleil d'hiver.
"Pas Mal" aurait pu se trouver sur le Psalm 69 de Ministry, personne n'y aurait trouvé à redire... sample de guitare overdrivé et minimaliste, ce titre fait très mal aux cervicales ! Mais pas plus que le départ tonitruant de "Longue Route", du Motörhead sous speed. "Nous avons fait longue route, nous brûlons encore." The Young Gods achèvent leur prestation avec ce qui sont sans doute leurs titres les plus directs, percutants et efficaces. C'est le coup de grâce, impitoyable.
Il ne reste alors plus qu'à évacuer les morts et à compter les survivants qui gagnent le droit de prendre place dans un voyage spatio-temporel, direction les tavernes d'Allemagne, grâce à deux reprises issues de leur album "Play Kurt Weill."
"September Song" impose la mélancolie d'un port à l'abandon, d'un bord de mer désert. Davantage ambient que cabaret, cela permet une transition idéale avec le très surprenant "Seerauber Jenny" qui nous transporte quelque part entre la Bavière et le "Whiskey Bar (Alabama Song)" des Doors. Un titre festif (enfin, ça dépend de l'idée que l'on se fait de la fête, bien entendu) qui conclut ce concert en apothéose et qui donne envie d'aller prendre une bière avec le voisin qui nous a pogoté dessus toute la soirée, une forme de troisième mi-temps en fait...
Live ébouriffant et toujours d'actualité, The Young Gods ont posé là une des plus belles offrandes au dieu des musiques amplifiées. Immortel, intemporel et sans commune mesure avec ses contemporains, le groupe plane à de telles hauteurs que rares sont ceux qui peuvent espérer les côtoyer un jour. Du talent, à l'état brut...
Parfait 17/20 | par Arno Vice |
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