Adam Green

Minor Love

Minor Love

 Label :     Rough Trade 
 Sortie :    lundi 11 janvier 2010 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

Je vais avoir 20 ans en 2010. Et j'avais 12 ans quand j'ai découvert Adam Green et ses Moldy Peaches. Une décennie s'est écoulé et le New-Yorkais a accompagné toute mon adolescence. Je suis un fan. De la pire espèce. Une groupie, même. Je guette chaque sortie d'album la bave aux lèvres, je ne loupe pas un seul concert. Je me délecte de ses interviews et des pages de son blog. J'ai créer un forum à son honneur, un jour j'écrirais un livre sur lui. Quand je me suis levé aujourd'hui, je tremblais. Je suis allé passer un examen, et je suis sorti au bout d'une heure pour courir m'acheter Minor Love. Oui, Adam Green passe avant mes études. Quand on aime, on emmerde tout le reste.

Quand je serai plus grand, je parlerai d'Adam Green à mes enfants (et un peu de Bob Dylan aussi). Je leur raconterais comment chacun de ses albums me ramène à un moment de cette décennie. Garfield m'avait initié à l'indie-music, alors que je trainais mes premières Converse dans la cour du collège. Friends Of Mine est le premier album culte que j'ai connu de mon vivant, et j'ai fredonné chacune de ses ballades durant tout l'été de mes treize ans. Gemstones que je passais en boucle en rentrant du lycée, pour me réconforter après de grosses journées. Jacket Full Of Danger, écouté dans la voiture, sur le chemin du retour, après un concert parisien formidable. Et plus récemment Sixes & Sevens, qui me fait sautiller dès que les premiers coups de batterie de "Festival Song" retentissent. Désormais, Minor Love, ce sera mon soleil de janvier, la solution miracle pour me faire oublier mes examens ratés.

Voilà, maintenant que j'ai gueulé une fois de plus mon amour pour Adam Green, je peux commencer cette chronique. Depuis ce matin dix heures, j'écoute en boucle mon nouveau jouet, je le connais déjà par coeur. Et je ne suis pas déçu. J'aime beaucoup. Comme moi, il a grandi Adam Green. Bientôt la trentaine, déjà un divorce et une longue période de déprime. Il a dormi chez ses potes, a beaucoup bu, a ingurgité diverses drogues, est passé par une période gothique, a changé de coupes de cheveux plusieurs fois. Et a fini par vomir tout son mal-être sur ce sixième album. Pas celui de la maturité, mais un nouveau départ probablement.

Sa période crooner ayant trouvé son apothéose dans Sixes & Sevens, je m'inquiétais un peu. Et après ? Quoi de neuf ? Comment ne pas se répéter ? Adam trouve alors la bonne réponse : il se réinvente sans changer la formule. Cet album est plus proche de l'anti-folk dépouillé des débuts que du grandiloquent sublime dans lequel il commençait à ronronner. Tout commence en douceur avec "Breaking Locks", une douce ballade pleine de mélancolie, inspiré par sa récente dépression, sa nausée. Sa solitude. Bien sûr, c'est toujours ponctué de bons mots, de conneries, d'absurdité. Mais c'est vraiment sincère, bouleversant quelque part. La voix est celle d'un pauvre type en train de cuver sur le trottoir après avoir noyé sa tristesse dans du mauvais whisky. Il fait de la peine mais si c'est le prix à payer pour avoir d'aussi jolis chansons, tant pis pour lui, tant mieux pour nous.

Maintenant qu'on a capté le mal-être du bonhomme, il peut dérouler sa nouvelle collection de chansons tranquillement. "Give Them A Token" est un charmant morceau acoustique, qu'on croirait tout droit venu des sessions de Friends Of Mine, tellement c'est à la fois classieux et débile. Entraînant surtout, accrocheur, le morceau qu'on garde le plus longtemps en tête et qu'on sifflote bêtement.

Il faut attendre le troisième morceau pour retrouver le Adam Green blasé, qui tape du pied avec son air idiot, sur un rythme répétitif. Et qui débite des conneries. On l'imagine très bien faire quelques pas de danses timides, agiter les mains et secouer négligemment la tête sur ce "Billy Bradley" sur lequel on claque des doigts en souriant.

"Goblin", au titre aussi idiot que ses paroles, au riff entrainant, avec une voix saturé qui accélère le rythme. Les déhanchements commencent vraiment, et maintenant, on tape franchement dans ses mains. C'est concis et joyeux, j'adore.

Toujours obsédé par les oiseaux et les poils de pubis, Adam combine ses deux passions dans la ballade "Bathing Birds". Rien de nouveau à signaler, si ce n'est de nouvelles sonorités très discrètes. On est en terrain connu et ça fait pas de mal.

"What Makes Him Act So Bad ?", serait-ce une question réthorique ? En tout cas, ce single est parfait. La guitare est incisif, la mélodie et les paroles se mangent sans faim. Et la voix fébrile fait place l'espace de deux minutes à la voix suave du crooner. Adam semble presque sortir de la pochette du disque, pour venir sautiller avec son blouson de cuir, comme un fils spirituel de Lou Reed. Méchant et blasé. Rock'n roll.

"Stadium Soul" nous ramène les pieds sur terre. C'est la plus attachante des ritournelles, une chanson d'amour sur le célibat, agrémenté de sons inédits, qui donnent des frissons. Génial !

La palme d'or du plus beau texte (et titre) revient à "Cigarette Burns Forever", qui reprend les accords de "Bluebirds" pour séduire du premier coup. À défaut d'être original, le morceau est délicieux. Et sa courte durée l'empêche d'être ennuyeux.

Ensuite, Adam convoque l'un de ses maîtres, monsieur Leonard Cohen, dont l'ombre survole "Boss Inside". Sa mélodie lancinante, son texte désabusé, son dépouillement. C'est le titre le plus sombre, le plus beau. Dans une récente interview, Adam déclarait qu'il voulait un disque simple, qu'il voulait faire la musique qu'il aimait, un point c'est tout. Un disque qui ressemble à ceux qu'il affectionne, comme ceux de Cohen, de Dylan et Reed. "Boss Inside" en est la preuve la plus évidente, et la plus réussie.

"Castles & Tassels" débarque ensuite, et redonne le sourire. C'est une gourmandise gentille comme tout, à la mélodie enjoué. Ca parle d'une fille, et forcément, c'est pas toujours très fin, très propre. Mais derrière ses allures de pervers, Adam est un pure romantique, un amoureux d'un nouveau genre, qui s'extasie devant les détails les moins reluisants du genre féminin.

C'est devenu un rituel, c'est inévitable. "Oh Shucks" est le morceau lo-fi de l'album, passage obligé un peu pénible parfois. Qui a fait mouche par le passé, en compagnie des Moldy Peaches par exemple. Mais là, c'est juste bruyant et surement pas inoubliable. M'enfin on peut pas lui reprocher de s'amuser un petit peu, si ?

On revient aux choses sérieuses (ou presque) avec "Don't Call Me Uncle", morceau acoustique, la bonne vieille recette de la jolie mélodie et des textes absurdes, qui est loin d'être la plus convaincante du lot.

"Lockout", tentative rigolote de funk lo-fi assez crade et délectable. Même si ce n'est surement pas le titre que l'on réecoutera le plus souvent, il y a moyen de se dandiner sévère sur ce titre. Comme si Adam parcourait les rues de Mexico pour prouver à tout le monde qu'il ne sait pas jouer de la guitare électrique correctement, mais que c'est ça qui est marrant.

Et puis l'album se termine sur "You Blacken My Stay", où Lou Reed est de retour, où Adam s'éloigne dans les rues sombres de New York, emmerdant tout le monde, l'air un peu renfrogné, ses démons pas définitivement enterrés. La mélancolie revient sur la fin, et on souhaite un bon rétablissement à notre copain Adam.

Merci en tout cas, c'était encore une fois un délicieux moment. Une demi-heure auront encore une fois suffit pour me séduire. Certains s'accrocheront toujours à Friends Of Mine comme seul album valable, certains regretteront le manque de folie de ces morceaux. Moi, j'apprécie cette simplicité, l'aspect à la fois paisible et torturé qui se dégage de ces courtes vignettes. Ce n'est pas un peu court jeune homme, c'est tout simplement sympa comme tout mon cher ami. Un bon album folk-rock, fait maison, par un artiste qui joue de tous les instruments et soigne ses peines de coeurs. Un album authentique, qui ne rend Adam Green que plus attachant.

Voilà. C'était ma chronique la plus longue. Du titre par titre pour prouver que mon amour pour Adam n'est pas prêt de s'arrêter. Je suis pressé de le voir défendre ces chansons sur scène au printemps. J'ai hâte de le retrouver lors du prochain album, de voir comment cette nouvelle décennie va continuer à transformer le jeune Peter Pan des Moldy Peaches en artiste sur qui compter. De plus en plus. Une chôse est sûr, Adam restera un grand enfant, un rêveur à l'air idiot, un clown tragi-comique, un bon copain.


Parfait   17/20
par Dylanesque


 Moyenne 17.33/20 

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Posté le 14 janvier 2010 à 18 h 49

Pas grand chose à rajouter vu la chronique réussie de Dylanesque, si ce n'est pour en rajouter une couche quant à la qualité d'écriture du (plus si jeune) dandy Adam Green. Après plusieurs dizaines d'écoutes approfondies de Minor Love, on se rend à l'évidence: ce gars là sait écrire des chansons, et encore mieux les interpréter. Il est vrai que son récent divorce ne doit pas être étranger à ce tournant plus profond et mélancolique que Green insuffle à son album.

On peut sentir ne fut-ce que dans la chanson "Breaking Locks" qu'il a souffert, l'ami. Mais là où il garde tout son intérêt, c'est qu'il nous livre ici 14 chansons réellement enthousiasmantes, et qu'au lieu de se morfondre sur son sort, il préfère plutôt choisir comme devise: "la vie continue".

Minor Love présente l'avantage de plaire de par sa simplicité et son honnêteté. Adam a même penser à faire un disque de rupture qui vous arrache un sourire au lieu de vous tirer de larmes. Rien que pour cela, il mérite notre respect.
Exceptionnel ! !   19/20



Posté le 26 avril 2010 à 02 h 10

Il n'y a rien de mieux pour se remettre à écrire, qu'un bon petit album de folk, un truc sympa qu'on écoute en même temps que les mots défilent sur le papier - ou ici sur l'écran. D'une manière générale, l'antifolk est mouvement sur et sous-estimé à la fois. En même temps, quand on écoute ce cher Adam Green, le terme "anti" semble un peu fort. A la limite, on aurait pu comprendre dans sa période Moldy Peaches, mais ensuite... J'aurais plutôt parler de "parafolk", mais nous ne sommes pas là pour lancer un débat stérile sur la grammaire des classifications musicales. Passons.

Après cette passade lo-fi avec sa camarade Kimya Dawson, Green sort des albums ici et là, folkisant et fort plaisant, taillés de sa voix blasée et sensuelle que nous autres, hommes, jalousons secrètement. Après Garfield et quelques petit titres fort sympathiques ("Dance With Me"), nous découvrons plus largement le chanteur avec l'album adoré Friends Of Mine. On ne peut décemment pas écrire quelques mots, aussi courts soient-ils sans parler, ou supposer du bout des doigts/des lèvres cet opus. Pourquoi ? D'une part, il recèle de vraies perles; celles-ci s'enchainant sans qu'on s'en rende compte, formant un bien joli bijou en soi. On peut citer "Bluebirds", "Hard To Be A Girl" ou encore le titre éponyme comme de bons gros morceaux pop qui rentrent dans la tête en deux accords et trois notes de violons.

J'avais donc oublié depuis l'album pré-cité notre cher américan loser, me concentrant désormais d'avantage sur la carrière solo de la Moldy au féminin. En effet, monsieur ayant viré un peu crooner, j'avais du mal à faire la transition. C'était dur de passer à ce genre de chant, quand on avait eu le précédent bijou anti-folk. Oui, alors, encore une fois, le terme est à mon sens assez mal choisi. Et ce n'est pas cette album qui nous dira le contraire, tellement on y sent une odeur de Dylan, que très peu dissimulée. Cet album sent la route, la chambre d'hôtel d'Adam, quand il attend son concert du soir dans un bled paumé ricain à souhait. Ouais, et là, si ça c'est pas folk, je comprend plus rien moi. Bref.

Toujours est-il que cet opus musicalement, marque à mon sens le retour à la simplicité. Simplicité du son (le côté chambre d'hôtel), simplicité des musiques: aucune au dessus de 2 minutes. Court et efficace. J'y reviendrai. Adam joue avec notre nostalgie ("Cigarette Burns Forever") , semble tituber, mais revenir comme un Blood On The Tracks du mythique Bob Zimmer. Oui, il doit pas y avoir nombreuses chroniques ou je parle pas de Bob, je sais.
Cependant, il y a vraiment beaucoup de similarités malgré tout, notamment dans l'ambiance, ce côté folkeu désabusé, et même la manière d'arpéger parfois. "Don't Call Me Uncle" devrait ainsi rappeler aux amateurs de bons souvenirs...
Cette parenthèse écartée, l'album est-il bon musicalement ? Car c'est la le seul intérêt, même si la pochette est déjà un cadeau d'humour qui ferait sourire qui n'a pas un balai de trois pouces calé là où on le sait.
Alors cet album est mieux que bon. C'est, comme je l'ai dit, un renouveau, un courant d'air frais dans une discographie certes bonne, mais sentant un peu le renfermé depuis quelques temps.
On ouvre avec "Breaking Locks" qui aurait presque pu être une musique de fin, tellement elle sonne comme telle. Puis le syndrome Adam se met en marche, comme sur Friends. " Ah elle est bien celle là... Oh celle là aussi... Oh mais... Bon je laisse tourner tout l'album".
En effet, Mister Green nous livre ces enchainement de chansons dont il a le secret, avec une intelligence rare dans le tracklisting. Non, je ne contredis pas le talent de ces compositions, mais elles sont réellement bien agencée sur l'album, et croyez moi, ça joue beaucoup! Qui n'a jamais écouté un album de punk basique en se disant "Mais... Ca ressemble à la précédente ça!" Ici, on est loin. Oh bien sur, tout est sur la même ligne de voix sempiternellement grave, mais l'on se laisse voguer, mou. Mais attention ! De la mollesse plaisante. La mollesse du week-end. Vous savez, ces matins de dimanches où même l'énergie semble reposante. "Goblin" en est l'exemple le plus parlant. Un petit rythme nerveux qui semble ne pas y croire lui même. On en sourit, c'est juste cool.

"Minor Love" c'est donc ça, une petite ballade à travers des morceaux simples, ni géniaux ni chiants. Juste ce qu'il faut pour passer une aprèm sympa, ou écrire quelques mots, comme je le disais. La boucle est bouclée.
Invraisemblablement, ça me rappelle Paris. Mais Paris vu dans un film américain. Des bars enfumés aux ballades des rues piétonnes, le ton est assez neutre, chaque musique étant un petit générique de notre vie. Vraiment, dites moi en face que vous ne verrez pas un film débuter sur "Castles And Tassels". Non vraiment, Minor Love fait parti des CDs à qui une écoute suffit. Et comme c'est bien torché (dans tout les sens du terme), on ne s'en lasse pas en plus!

En conclusion, cet album est très bon pour plusieurs points. Bon, il rappelera Friends Of Mine aux nostalgiques, et ça c'est déjà pas mal! Il a un petit côté bien spontané, comme chez les Moldy (La Lofi "Oh Shucks!") et aussi un côté languissant et contemplatif. Et là ou c'est génial, c'est que comme les musiques font 2 minutes donc, on est pas ennuyé de côté "musique calme". Car oui, Adam a vieillit tout de même, et bien qu'on le sente plus posé, son humour de tonton sympa et ses géniales paroles font passer le tout comme une anecdote courte et agréable. Oui, une anecdote de tonton.

Certains diront qu'Adam se ramollit du genou, d'autres qu'il ne fera bien évidemment jamais un second Friends... Là je m'énerverai en disant bien sur que ça serait comme attendre un bon album des Rolling Stones. D'autres encore diront trouveront l'album bien trop mineur et plat, comme le dit son titre. Et d'autres enfin, sauront apprécier un bon album pour sa plus simple simplicité. On le met, on l'écoute, on sourit, on kiffe. Pas de grand discours, pas de solos transcendants, pas de grosses montées ou tensions musicales.
Ce n'est pas plat, les amis... On appelle ça l'élégance.
Très bon   16/20







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