Bob Dylan
I'm Not There (Original Soundtrack) |
Label :
Columbia |
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"Je ne me considère pas en marge de quoi que ce soit. Je me considère seulement comme n'étant pas par ici."
(Bob Dylan)
"I'm Not There", c'est le titre qu'a choisi le réalisateur Todd Haynes pour son film (que je vous conseille au passage) mais c'est également une chanson de Dylan enregistrée avec le Band en 1967, mais jamais publiée. On la retrouve sur cette compilation de reprises accompagnant la longue expérimentation d'Haynes, qui nous a offert avec son film un hommage dense et trouble à un artiste unique. Un artiste aux multiples facettes. Un caméléon qui a su s'autodétruire au fil des années pour mieux se reconstruire ensuite, pour mieux se payer un ticket pour l'éternité.
Un artiste intemporel, qu'on ne pourra jamais véritablement comprendre, mais qu'on pourra toujours écouter avec délectation. Dylan, c'est avant tout une voix. Il ne chante pas, il habite les mots. Et on aime ou l'on n'aime pas la façon dont il découpe les syllabes ("She Belongs To Me") ou la manière dont il broie les mots ("Love Sick").
La reprise de Dylan devient-elle alors un exercice impossible ? Périlleux en tout cas. Et cette bande originale le prouve. Le meilleur des reprises y côtoie des copies superficielles du grand Zim. Eddie Vebber inaugure l'album avec un "All Along the Watchtower" qui ne parvient jamais à vraiment décoller et qui n'arrive même pas à un centimètre de cheville de la version décapante de Jimy Hendrix. Ne comparons pas ce qui n'est pas comparable. Autant continuer la liste des mauvais élèves : Yo La Tengo propose une version de "Dark Eyes" originale mais trop éloignée de l'original et guère passionante. Pareil pour leur "I Wanna Be Your Lover".
Sufjan Stevens déçoit (ce qui est surprenant !) avec un "Ring Them Bells" trop revisité lui aussi. "Billy 1" de Los Lobos nous rappelle vaguement le bon moment que l'on a passé devant "Patt Garett & Billy the Kid" de Peckinpah, mais fatigue très vite. Karen 0 massacre "Highway 61 Revisited" tandis que Jack Johnson réussit à rendre sirupeux du Dylan avec "Mama You've Been On My Mind". "I Dreamed I Saw St Augustine" par John Doe semble inutile tout comme "The Wicked Messenger" par les Black Keys (qui m'ont habitué à mieux). Bizarrement, c'est l'un de mes albums favoris "John Wesley Harding" (1967) qui s'adapte le plus mal dans cette compilation. Exception faite pour "As I Went Out One Morning" de Mira Billote, dans une version quasi-parfaite, qui viendrait presque détrôner l'original.
Au rayon moyen, on a le très bon Stephen Malkmus qui s'attaque à l'apocalyptique "Ballad Of A Thin Man". C'est sympathique mais loin d'être transcendant comme l'original et finalement sans réel interêt. Tout comme la version de "The Times They'are Changin'" de Mason Jennings, trop convenue pour séduire. Même constat pour Anthony & the Johnsons, qui en choississant "Knockin' On Heavens Door" fait tout sauf de l'innatendu. Dommage.
Puis, nous avons les bonnes surprises. Bien qu'elle n'apporte rien de vraiment nouveau, Charlotte Gainsbourg, également actrice dans le film, réussit à nous faire fondre avec un "Just Like A Woman" susurée et aérien. Ramblin Jack Elliot, plus âgé que Dylan, redonne le blues au Petit Poucet. "Just Like Tom Thumb's Blues" est parfaite pour une virée en campagne, au soleil, sur les traces de la douce Melinda.
Tom Verlaine livre un "Cold Irons Bound" terrifiant, crépusculaire, qui donne des frissons et qui apporte au final plus d'émotion que l'original.
Le jeune Marcus Franklin fredonne un "When The Ship Comes In" plein d'entrein et de candeur. Stephen Malkmus se rattrape avec "Can't Leave Her Behind" un morceau peu connu, dans une version enrobée d'un charme envoutant. Willie Nelson nous emporte au temps des cow-boys avec un "Senor" sur lequel Ennio Morricone n'aurait pas craché.
Le "Moonshiner" de Bob Forrest est moins frissonant que l'original, mais pas moins tendre et profond. J'ai un faible pour "Stuck Inside Of A Mobile With The Memphis Again". D'abord parce que cette chanson est l'une de mes préférées de l'oeuvre dylanesque, mais aussi grâce à la manière dont Cat Power la fait tourbilloner avec grâce et finesse, le sourire aux lèvres. "Going To Acapulco", comme dans le film, est un des sommets de l'album, grâce à la voix de Jim James et l'orchestration de Calexico, responsable également d'une joli et mélancolique version de "One More Cup Of Coffee".
La bonne idée de Todd Haynes fut d'ailleurs de confier les orchestrations à des groupes aussi bon que Calexico ou The Million Dollar Bashers (référence à une chanson des Basement Tapes).
Et qu'en est-il de "I'm Not There", la chanson titre et le seul titre de Dylan présent sur l'album ? Comme sortie de terre, la voix de Dylan vient conclure ce voyage, avec une chanson rugueuse et étouffée, qui montre pourtant Dylan à fleur de peau et qui réussit à nous émouvoir.
"But I'm not there, I'm gone..."
Pour conclure, une bande originale qui se laisse écouter avec plaisir, et qui accompagne à merveille le film expérimental de Todd Haynes.
Mais le mélange est trop hétérogène pour être véritablement cohérent. On regrette l'absence de reprises telle que le magnifique "Oh Sister" d'Andrew Bird ou le "Heart Of Mine" d'Herman Düne. Et il ne convainc pas autant que l'album "Dylanesque" de Bryan Ferry, sorti un an plus tôt.
Il n'en reste un sympathique tour d'horizon de l'univers dylanien, si riche que l'on en aura jamais fait le tour, si profond qu'il donne le tournis...
(Bob Dylan)
"I'm Not There", c'est le titre qu'a choisi le réalisateur Todd Haynes pour son film (que je vous conseille au passage) mais c'est également une chanson de Dylan enregistrée avec le Band en 1967, mais jamais publiée. On la retrouve sur cette compilation de reprises accompagnant la longue expérimentation d'Haynes, qui nous a offert avec son film un hommage dense et trouble à un artiste unique. Un artiste aux multiples facettes. Un caméléon qui a su s'autodétruire au fil des années pour mieux se reconstruire ensuite, pour mieux se payer un ticket pour l'éternité.
Un artiste intemporel, qu'on ne pourra jamais véritablement comprendre, mais qu'on pourra toujours écouter avec délectation. Dylan, c'est avant tout une voix. Il ne chante pas, il habite les mots. Et on aime ou l'on n'aime pas la façon dont il découpe les syllabes ("She Belongs To Me") ou la manière dont il broie les mots ("Love Sick").
La reprise de Dylan devient-elle alors un exercice impossible ? Périlleux en tout cas. Et cette bande originale le prouve. Le meilleur des reprises y côtoie des copies superficielles du grand Zim. Eddie Vebber inaugure l'album avec un "All Along the Watchtower" qui ne parvient jamais à vraiment décoller et qui n'arrive même pas à un centimètre de cheville de la version décapante de Jimy Hendrix. Ne comparons pas ce qui n'est pas comparable. Autant continuer la liste des mauvais élèves : Yo La Tengo propose une version de "Dark Eyes" originale mais trop éloignée de l'original et guère passionante. Pareil pour leur "I Wanna Be Your Lover".
Sufjan Stevens déçoit (ce qui est surprenant !) avec un "Ring Them Bells" trop revisité lui aussi. "Billy 1" de Los Lobos nous rappelle vaguement le bon moment que l'on a passé devant "Patt Garett & Billy the Kid" de Peckinpah, mais fatigue très vite. Karen 0 massacre "Highway 61 Revisited" tandis que Jack Johnson réussit à rendre sirupeux du Dylan avec "Mama You've Been On My Mind". "I Dreamed I Saw St Augustine" par John Doe semble inutile tout comme "The Wicked Messenger" par les Black Keys (qui m'ont habitué à mieux). Bizarrement, c'est l'un de mes albums favoris "John Wesley Harding" (1967) qui s'adapte le plus mal dans cette compilation. Exception faite pour "As I Went Out One Morning" de Mira Billote, dans une version quasi-parfaite, qui viendrait presque détrôner l'original.
Au rayon moyen, on a le très bon Stephen Malkmus qui s'attaque à l'apocalyptique "Ballad Of A Thin Man". C'est sympathique mais loin d'être transcendant comme l'original et finalement sans réel interêt. Tout comme la version de "The Times They'are Changin'" de Mason Jennings, trop convenue pour séduire. Même constat pour Anthony & the Johnsons, qui en choississant "Knockin' On Heavens Door" fait tout sauf de l'innatendu. Dommage.
Puis, nous avons les bonnes surprises. Bien qu'elle n'apporte rien de vraiment nouveau, Charlotte Gainsbourg, également actrice dans le film, réussit à nous faire fondre avec un "Just Like A Woman" susurée et aérien. Ramblin Jack Elliot, plus âgé que Dylan, redonne le blues au Petit Poucet. "Just Like Tom Thumb's Blues" est parfaite pour une virée en campagne, au soleil, sur les traces de la douce Melinda.
Tom Verlaine livre un "Cold Irons Bound" terrifiant, crépusculaire, qui donne des frissons et qui apporte au final plus d'émotion que l'original.
Le jeune Marcus Franklin fredonne un "When The Ship Comes In" plein d'entrein et de candeur. Stephen Malkmus se rattrape avec "Can't Leave Her Behind" un morceau peu connu, dans une version enrobée d'un charme envoutant. Willie Nelson nous emporte au temps des cow-boys avec un "Senor" sur lequel Ennio Morricone n'aurait pas craché.
Le "Moonshiner" de Bob Forrest est moins frissonant que l'original, mais pas moins tendre et profond. J'ai un faible pour "Stuck Inside Of A Mobile With The Memphis Again". D'abord parce que cette chanson est l'une de mes préférées de l'oeuvre dylanesque, mais aussi grâce à la manière dont Cat Power la fait tourbilloner avec grâce et finesse, le sourire aux lèvres. "Going To Acapulco", comme dans le film, est un des sommets de l'album, grâce à la voix de Jim James et l'orchestration de Calexico, responsable également d'une joli et mélancolique version de "One More Cup Of Coffee".
La bonne idée de Todd Haynes fut d'ailleurs de confier les orchestrations à des groupes aussi bon que Calexico ou The Million Dollar Bashers (référence à une chanson des Basement Tapes).
Et qu'en est-il de "I'm Not There", la chanson titre et le seul titre de Dylan présent sur l'album ? Comme sortie de terre, la voix de Dylan vient conclure ce voyage, avec une chanson rugueuse et étouffée, qui montre pourtant Dylan à fleur de peau et qui réussit à nous émouvoir.
"But I'm not there, I'm gone..."
Pour conclure, une bande originale qui se laisse écouter avec plaisir, et qui accompagne à merveille le film expérimental de Todd Haynes.
Mais le mélange est trop hétérogène pour être véritablement cohérent. On regrette l'absence de reprises telle que le magnifique "Oh Sister" d'Andrew Bird ou le "Heart Of Mine" d'Herman Düne. Et il ne convainc pas autant que l'album "Dylanesque" de Bryan Ferry, sorti un an plus tôt.
Il n'en reste un sympathique tour d'horizon de l'univers dylanien, si riche que l'on en aura jamais fait le tour, si profond qu'il donne le tournis...
Bon 15/20 | par Dylanesque |
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