Frank Zappa

We're Only In It For The Money

We're Only In It For The Money

 Label :     Verve 
 Sortie :    dimanche 21 janvier 1968 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

En 1968, le monde est devenu officiellement Hippie, ce qui déplait fortement à Frank Zappa et son groupe, les Mothers Of Invention. Celui-ci, trouvant qu'il ne s'agit de rien de plus qu'une révolution d'étudiants bourgeois sous fond de drogue va critiquer ce mouvement en un album de Pop comme il s'en faisait à l'époque.

Avec la pochette (l'originale, qui fut modifiée puis changée par une photo de quatre membres des Mothers sans Zappa sur un fond jaune, pour enfin réapparaître sur les éditions CD en 1986) qui parodie le Sgt Pepper's des Beatles jusque dans les moindres détails (la moustache de Zappa à découper style Do It Yourself, les paroles au dos, le badge 'Lieutenant School Safety Patrol', un bout de téton encore à découper soi-même), l'accoutrement du groupe (tous sont habillés en robe ou en peignoir), Zappa ne fait pas dans la demi-mesure.

Ajoutez à cela les paroles férocement cyniques envers les hippies : "I'm completely stoned / I'm hippy & I'm trippy / I'm a gypsy on my own"... Rien que le titre des chansons prêtent à sourire ("Are you hung up", "Who needs the peace corps").

Un album traité sous le signe de l'ironie donc, mais Zappa ne délaisse pas la forme au fond, les chansons de l'album sont des merveilles de Pop, et Zappa prouve encore une fois qu'il ne peut qu'être pris au sérieux tant le travail est bien fait. Il suffit d'écouter "What's The Ugliest Part Of Your Body" pour en venir au Beatles, les paroles révélant du pur génie cynique comme seul Zappa savait en écrire ("what's the ugliest part of your body / some say your nose / some say your toes but I think it's your mind").

Frank Zappa se paye même le luxe d'être le premier à utiliser un mot désormais connu avec la chanson "Flower Punk", ceci en 1968 : "Hey punk where you goin' with that flower in your hand / I'm goin' to the dance to get some action, then I'm goin' home to bed", parodie d'un certain "Hey Joe" popularisé par Hendrix l'année d'avant. Cette chanson exprime très bien ce que Zappa ressent vis-à-vis du mouvement Hippie, il s'agit de faire la révolution d'accord, mais il faut être rentré pour le dîner pour pas se faire engueuler par les parents.

"Let's Make the Water Turn Black", avec son chant génial à la Monty Python sous acide est l'une des meilleures chanson de l'album, à écouter ne serait-ce qu'une fois, en faisant encore bien attention aux paroles, définitivement pleines d'ironie, art dans lequel Zappa est passé désormais maître.

L'avant dernière chanson, tout comme sur Sgt Pepper's, est une reprise d'une autre chanson de l'album décrite plus haut "What's the ugliest part of your body", en plus lente, qui se termine en fondant, voix à l'hélium à l'appui. La chanson finale de l'album ("The Chrome Plated Megaphone Of Destiny") est une expérimentation totale, avec des collages sonores et autres sons typiques des Mothers.

Voilà donc l'album qu'il faut retenir de Zappa, qui a su dès le début de sa carrière pourtant très prolifique se montrer le parfait analyste de la société occidentale, et surtout le parfait porte-parole de tous ceux pour qui le mouvement hippie n'était qu'une mode devenue ce qu'on appellerait aujourd'hui Fashion, mot qui colle très bien à ce que Zappa voulait représenter avec cet album, qu'il faut savoir écouter plusieurs fois et passer outre les voix 'à l'hélium' pour apprécier pleinement la richesse intemporelle de cet album.


Intemporel ! ! !   20/20
par MrHyde


 Moyenne 19.67/20 

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Posté le 10 décembre 2009 à 15 h 15

Quelle oeuvre fantastique. Quelle joie... Quelle profusion, et combien d'inventions elle comporte... Elle est un espace à multiples niveaux, tous imbriqués, à une vitesse folle. C'est une œuvre complexe, mais pas de cette complexité qui appelle l'aspirine, au contraire, celle qui rend audible des forces qui ne l'étaient pas, qui fascine, qui entraine, qui ouvre à la jubilation. C'est ça la nouveauté. Et c'est ça aussi l'utilité d'une œuvre.

1967/USA
Zappa, malgré ses superbes longs cheveux gras, sa moustache qu'on croirait taillées par Dumas lui-même, n'aime pas les hippies. Il les considère comme des gamins qui aiment juste se défoncer et se faire des love-in. Ils ne peuvent s'affranchir. Ils n'ont pas le sens des réalités.

1967/United Kingdom
Les Beatles en ont assez des cris-utérus. Ils ne veulent plus se les farcir en public. Alors ce qu'ils pensent faire, c'est créer un concert fictif. Ils en profitent pour créer un groupe lui aussi fictif. John, Paul, Georges et Ringo revêtent uniformes pop et moustaches, s'entourent de leur harem imaginaire et fondent le Sgt. Peppers Lonely Hearts Club Band.

1967/ USA + United Kingdom
Zappa commence à travestir la fanfare sus-citée deux mois après sa sortie. Il a une idée dans la tête. Qui trotte. Son intelligence va concocter une satire d'un nouveau genre, une satire TOTALE, une satire qui échange son statut de simple blague pour se faire monument, un monument en six actes.

Acte 1 : NOËL NOSTRADAMUS
Déjà le paratexte des Beatles (pochette, photo intérieure, images à découper) en prend pour son grade. Zappa va reproduire les innovations plastiques qu'a inauguré le Sergent Poivre pour mieux les souiller. Le glamour hip chic de Peter Blake est revomi dans un collage cheap dada. Les citations prestigieuses de départ (Jung, Crowley, Caroll) laissent place à une foule d'inconnus (personnages de bande dessinés, acteurs de série B, tableaux effacés), ou bien banale (la statut de la liberté) dont la majeure partie se retrouve les yeux cachés par une bande noire de censure. Nostradamus trône au côté d'un sapin de Noël et les divinités indiennes laissent place à un couple de barbie; le parterre de fleur qui signait le nom du groupe s'est transformé en étalage de légumes ("Call any vegetables"), et pour finir, en guise de cerise, les membres du groupe posent moitié travestis, moitié acteurs de péplum kitsch, pour bien briser l'aura sex-appeal des stars de rock du moment. Au folklore hippie, Zappa confronte la basse culture américaine. Il ne faut pas tenter de s'évader mais au contraire prendre à pleine main le fumier qui nous entoure pour le convertir en or. Miracle qui se joue sous nos oreilles.

Acte 2: POILS PURCELL
Zappa a parodié la structure du concert fictif du Sergent Poivre. Une introduction (comme dans l'original), la reprise d'un même morceau au guise d'ouverture du show et de clôture (comme dans l'original), un morceau angoissant au final (comme dans l'original) et un accord de piano en guise de "fin pour toutes" (comme dans les parenthèses précédentes). Zappa a même pris le soin de garder exactement le même temps (39 minutes). Beau pied de nez au Fab Four qui se croyaient à la pointe ! Ils se prennent une fessé de la part d'un poilu du désert de Mojave! D'autant plus que sa musique, loin d'être désertique, est pleine à craquer. Sa richesse, son épaisseur ahurissante, tout ça fait que la musique éclate le cadre d'une simple parodie se limitant à un objet précis. Ce disque, c'est un pot-pourri de Purcell, de Grateful Dead, de chansons des années 40, de musique électro acoustique et d'autres styles encore indéterminés. Le tout touillés à un rythme superbe et même prodigieux. Les voix sont prise dans ce tourbillon, gonflés à l'hélium, Tom & Jerry se racontant des insanités. Et les instruments en rajoutent une couche, méconnaissables, leurs timbres nasillards, animalerie délire. Zappa fait mumuse avec les bandes et fait son zoo. Il prend le contre pied de l'utilisation des nouvelles technologies faites par les Beatles. Il préfère à leur sophistication, au son anglais, l'aspect monstrueux : ca vomi grand, ca rote immense, mais à des vitesses multiples. Polyphonies de corps. De corps? Parlons en! Zappa reprend "Hey Joe" dans une accélération bouffonne, ce qui substitue à l'ambivalence sexe/violence de l'original une blague exaltante qu'on croirait composée par Bart Simpson ("Hey Punk, where are you goin' with that flower in your hand ?").

Acte 3 : BAC A SABLE ZEN
Zappa rabat l'univers psychédélique de l'élévation à la chute tourbillonnante dans le trivial, celle d'une peau de banane qui casse la bordure de jardin zen du guru psyché des Beatles. Suffit d'un coup de pompe là-dedans pour transformer le tout en bac à sable scato et que les fourmis reprennent leur règne. Une conversation téléphonique coupe la musique, des bruits de pets, de rôts ralentis ou de ronflements font office d' "interludes", Jimmy Carl Black, l' "indian of the group", explique qu'il adore mélanger des vins différents pour les déguster ensemble, les paroles sont crues, très méchantes, bordélique, pleine de vie. Le clou du spectacle, "Harry You're A Beast", conte la copulation disgracieuse d'un vieux couple ‘ricains. Madge ne veut pas et Harry n'est que phallus tout transpirant. Le groupe chantonne en chœur "American womanhoood" et des bruits de cochons et de clochettes cassent le flux en une comptine gerbique. Les paroles lors du coït, quand Madge dit non alors qu'elle aime ça, furent bien entendu censurées et passée à l'envers. Aujourd'hui on entend un effet vaguement psychédélique. Le psychédélisme au final, c'est plutôt clean, c'est le langage de la censure, ça n'est pas cru mais plutôt évasif. Mais parfois, le grotesque est si fort que même Frank Zappa sombre dans la mélancolie. "Mom & Dad" raconte sur un rythme abattu, aux mélodies tout en clair-obscur, le meurtre par balles d'enfants alors que les parents sont trop occupés à picoler. Et oui, Zappa, c'est loin de se limiter à du jazz-rock.

Acte 4 : SAINT NI TOUCHE
Zappa insère dans son espace déjà bien dense un autre univers qui va se faire digérer par le premier (le sien) : celui de la pop musique toute entier. A deux reprises on peut entendre Eric Clapton, le "dieu" de la guitare, la star du blues anglais, le "saint ni touche", lui-même en personne. C'est même lui qui ouvre le bal en demandant à une nana hilare si elle est complexée ("Are You Hung Up ?", faisant référence au "Are You Experienced ?" de Jimi Hendrix). D'entrée on entre dans l'intimité d'une star de rock et d'une groupie mouillée. Une autre fois, au beau milieu d'une pièce électro-acoustique, Clapton s'exclame, imitant ses fans "God! It's God! I see GOD!". Zappa nous fait entendre les backstages par un effet miroir.
De même, l'ingénieur du son, Gary Kellgren, participe à la fête. C'est lui, d'une part, qui remplace le Sergent Poivre sur le badge des images à découper. Mais c'est aussi lui qui intervient dans l'album, à plusieurs reprises, telle une entité maléfique, dans un écho sombre digne des séries Z, prévoyant dès le départ d'effacer toutes les bandes de Zappa depuis sa salle de contrôle, parce qu'il en marre de bosser pour "ces groupes merdiques que sont les Mothers of Invention et le Velvet Underground" (autre passage qui fût censuré). Du concert fictif et chic du Sergent Poivre censé faire triper, Zappa propose une histoire de vengeance foireuse (et du coup délicieuse) à l'intérieur même du studio. "Nanard-pop" pourrait-on dire.

Acte 5 : HOT POOP
Zappa ne cesse de briser l'illusion du disque. Il piège l'illusion qu'on peut avoir d'écouter un groupe en direct alors que l'on n'a qu'un diamant et un ampli. La musique est sans cesse coupée par des bruits ou des discussions absurdes. Et le diamant dérape souvent. Les voix sont comment passer en 45 tours. On se demande s'il n'y a pas eu d'erreurs au pressage. Cerise à nouveau: Zappa n'hésite pas à passer un disque de surf music d'un groupe qu'il a produit dans le passé pour clore une pièce d'electro-acoustique. Ce qui fait que pour la première fois peut-être, on entend un disque dans un disque. Disque à tiroir, disque à degrés, disque génial.

Acte 6 : MERZBOW'S BLEDINA
La fin est moins drôle. Beaucoup moins drôle... Une pièce a faire passer le crescendo orchestral d' "A day in the life" pour un jingle Blédina. Merzbow lui-même parle de ce truc comme d'une référence.
1968... "THE CHROME PLATED MEGAPHONE OF DESTINY", longue suite de fracas de piano désaccordés, d'instruments à vent asthmatiques, plaintifs et malsains, loin des pets et des rôts, mais plutôt prêt à mordre, de bruits de chattes accélérées, de claquement de peau, de rires de bourreaux, hystériques, sinistres, qui charcutent on ne sait quoi ; c'est toute la mauvaise conscience des Etats-Unis qui est détaillée au peigne fin. Une atmosphère véritablement oppressante, le pendant Dada de "The Torture Never Stops", l'œil du cyclone de tout l'album dans lequel tout est mangé, dans le noir. Cette chute finale a un nom : les camps de concentration aux Etats-Unis supposés avoir été construit pour les hippies si le délire venait à dégénérer. Zappa donne une consigne. Il est IMPERATIF de lire "La Colonie Pénitentiaire" de Kafka avant d'entendre la dernière pièce. Pourquoi ? Il assure qu'à la fin de la musique, lors du dernier grand accord de piano qui s'éteint dans le vide, le crime de chacun sera gravé dans son dos.

EPILOGUE
Bien entendu l'album sera lui-même charcuté de tous les bouts par la censure.
Intemporel ! ! !   20/20



Posté le 08 mai 2013 à 17 h 35

Cette farce a assez duré, je vous serais gré de bien vouloir supprimer cette merde.God blesse Beatless de son Art'(na)no du Vice.
Hé ! Tu sais ce que tu es ?
You're an asshole ! An ASSHOLE !
T'es un trou du cul ! Un TROU D'CUL !
Ça se peut que certains ne soient pas d'accord
Car sûrement vous aimez beaucoup souffrir
Mais pensez-y un peu et vous verrez...
Le coeur brisé, c'est juste bon pour les trous d'cul
Le coeur brisé, c'est juste bon pour les trous d'cul
Es-tu un trou d'cul ?
Le coeur brisé, c'est bon pour les trous d'cul
Es-tu un trou d'cul toi aussi ?
Qu'est-ce que tu vas faire, t'es un trou d'cul ...
Fallait 600 caractères alors j'ai décidé de faire voir la profondeur, la délicatesse, la prise de position des textes du poète Frank Zappa.
Exceptionnel ! !   19/20







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