Neil Young
Archives Vol.II (1972-1976) |
Label :
Reprise |
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Ce deuxième volume des Archives couvre par ordre chronologique les enregistrements de la période 1972-1976, après Harvest et jusqu'à Long May You Run, l'album du Stills-Young Band, ainsi que d'autres titres parus ultérieurement. Tout comme le premier, celui-ci reprend la quasi intégralité des albums de la période : On The Beach, Tonight's The Night, Zuma, Long May You Run et les publications archivales récentes, Tuscaloosa, Roxy-Tonight's The Night Live, et Homegrown. J'ai déjà dit ce que je pense de cette pratique dans ma chronique du volume I, pas la peine d'y revenir. Je ne vais discuter que de ce qui est introuvable officiellement ailleurs que dans ce coffret, soit des titres live, des versions plus ou moins alternatives, des raretés, et des douze inédits, donc peu ou prou la moitié des cent-trente et un titres de ce coffret de dix disques.
Contrairement au volume I paru sous de multiples formats physiques (cd/dvd/blu-ray), ce volume II n'est sorti qu'en cd et bien sûr en streaming. Mais comme le premier il a été annoncé et reporté à plusieurs reprises. Ce coffret est paru une première fois en novembre 2020 : 3 000 exemplaires (avec un livre) à tarif prohibitif, vendus en une journée sur le site Greedy Hand (la main avide...), suivi d'un deuxième lot dans les mêmes conditions, et enfin du tirage courant (sans livre) le 5 mars 2021.
Le premier disque s'appelle Everybody's Alone, il débute avec trois titres issus d'une séance solo en studio du 15 novembre 1972 avec Henry Lewy, un des producteurs de Harvest. Un inédit, "Letter From 'Nam", une douce ballade à la guitare, c'est une très belle entrée en matière ; la musique sera reprise plus tard pour "Long Walk Home" sur Life. Plusieurs morceaux du live Time Fades Away ne sont pas connus autrement, "Last Dance", un morceau country rock assez saignant paraît ici dans une version solo beaucoup plus courte et surtout plus douce sous le nom "Monday Morning". C'est également le cas du magnifique tire-larmes "The Bridge", à la fin on entend Henry Lewy : " What a beautiful song ! ", il n'a pas tort.
Un mois plus tard, le trépidant "Time Fades Away" est enregistré en studio avec les Stray Gators, c'est un peu plus court que sur l'album. Toujours le 15 décembre 1972, on passe très rapidement "Come Along And Say You Will", inédit country-rock qui penche franchement vers la chanson à boire. Le groovy pantelant "Goodbye Christians On The Shore" est dans l'esprit indolent des meilleurs titres de Harvest. Pour quelle raison est-il resté dans les cartons pendant près de 50 ans ? Voilà un des secrets incompréhensibles de Neil Young.
Non seulement Time Fades Away est longtemps resté compliquer à se procurer, mais en plus Neil Young avait gardé des titres dans ses tiroirs. La rare face B du 45t "Time Fades Away", le bluesy bastringue "The Last Trip To Tulsa" en live, est un des très bons moments de ce premier disque. Dans le genre cradingue aussi, un live inédit et brûlant de "The Loner", rien à voir avec ce qu'on connaît de ce titre habituellement.
Il est question de Joni Mitchell à deux reprises dans ce coffret, ça commence avec la ballade inédite mais archi connue "Sweet Joni" au piano, captée live à Bakersfield.
Une question : où est Time Fades Away ? Ce disque sorti en 1973 et qu'il essaie de planquer depuis. Ce ne sont pas les rééditions quasi contraintes et hors de prix de 2014 et 2017 qui en justifient l'absence, d'autant plus que l'édition cd est épuisée et qu'à nouveau il refuse une réédition. Qu'y a t-il de si terrible, de si douloureux associer à ce disque ou au souvenir de ce disque qui provoque un tel acharnement vers le néant ? Si à mon avis cet album ne mérite pas le culte qui lui est voué, Time Fades Away contient quelques-unes des plus belles pierres de l'immense répertoire de Neil Young, à commencer par le très court "Love In Mind", véritable concentré de tendresse.
Le deuxième disque reprend sans modifications le live Tuscaloosa enregistré en février 1973, et sorti en 2019.
Bien que paru en 1975 après On The Beach, Tonight's The Night a été enregistré avant et prend donc place sur ce troisième disque. C'est évidemment une partie des archives parmi les plus attendues, le résultat est une déception puisque pour douze titres il y a huit originaux et ce qui reste n'a rien d'excitant.
"Speakin'Out Jam" pour commencer, le travail est en train de se faire autour de la rythmique Talbot/Molina, chacun y va de son petit essai, Nils Lofgren à la guitare, Neil Young au piano et Ben Keith au pedal steel, ça progresse, ça cherche. C'est tout de même plus du documentaire qu'autre chose. Idem pour "Tonight's The Night Part II" à la fin du disque.
"Everybody's Alone" figurait dans le premier volume des Archives enregistré pendant les sessions d'After The Goldrush, il y a peu de différences, mais il est agréable de retrouver ce morceau si rare.
Pendant l'enregistrement, Joni Mitchell est de passage, elle enregistre avec tout le groupe son "Raised In Robbery", un boogie rock qui paraitra complètement assagi (aseptisé ?) sur son album Court & Spark en 1974. C'est une rare occasion d'entendre ensemble les deux canadiens alors qu'ils sont complices depuis longtemps déjà à cette époque et le sont toujours.
Roxy :Tonight's The Night Live sorti en 2018 et ici sur la quatrième disque bénéficie d'un ajout final : "The Losing End", retrouvé entre-temps.
Le disque suivant, Walk On, renseigne la période d'enregistrement d'On The Beach. Il est tout aussi avare avec deux versions différentes et un inédit, "Greensleeves", une vieille chanson anglaise du XVIème siècle dont on trouve des versions dans tous les genres musicaux et à toutes les époques, de Jordi Savall à John Coltrane, ça reste anecdotique ; tout comme l'interprétation de "Bad Fog Of Loneliness", très proche de celle qui se trouve dans le volume I des Archives.
Grâce au coffret live CSNY 74 "Traces" était arrivée jusqu'à nous, ce deuxième volume présente deux versions studios. La première sur ce disque est l'oeuvre de Neil Young seul à la guitare, la seconde enregistrée avec le Stills-Young Band en 1976 (sur le neuvième disque) est beaucoup plus rock, plus dure, alors que c'est une chanson pleine de douceur.
Il est dommage de ne pas avoir agrémenté cette période avec des extraits du mémorable concert imprévu (mais en bootleg !) au Bottom Line de New York du 16 mai 1974. De merveilleuses raretés live comme "Motion Pictures" ou "Pardon My Heart" étaient les bienvenues.
The Old Homestead, le sixième disque, est de loin le plus généreux avec ses dix-neuf titres. La qualité de ce disque est telle qu'il est le cœur de ce volume d'archives.
Les six premiers titres sont enregistrés les 15 et 16 juin 1974 chez Neil Young, au Broken Arrow Ranch. Seul ou avec le bassiste Tim Drummond ce qu'on écoute est absolument superbe ! La dernière chanson de Zuma, la sublime "Through My Sails", jouée avec une unique guitare n'a plus le charme des choeurs arrangés par David Crosby mais elle a une simplicité, une innocence incroyable, c'est beau à pleurer... "Homefires", inédit joué de temps en temps et découvert lors des Fireside Sessions de 2020, est un morceau qui brille par sa modestie, sa simplicité. L'ambiance rappelle le coolissime "Out On The Weekend".
Interprété paisiblement en groupe sur Zuma, le très doux "Pardon My Heart" est assez proche avec une basse, une guitare et une voix de ce qu'il est sur l'album. Que ce soit sur scène avec Crosby, Stills & Nash, ou avec Tim Drummond comme unique compagnon "Hawaiian Sunrise" reste un peu anecdotique malgré son petit air mariachi. Totalement inconnu, "L.A. Girls And Ocean Boys" joué avec une certaine gravité au piano présente des similitudes avec "Danger Bird".
Découvert sur CSNY 74,"Love/Art Blues" est proposé dans trois versions différentes sur ce disque. La première, Neil Young seul avec une guitare est assez proche de la deuxième où il est accompagné par Tim Drummond et par Ben Keith au dobro. C'est une chanson bien balancée, assez gaie, légère. Pour la troisième ils sont rejoints par un batteur, c'est plutôt pas mal, sauf que vers la fin Neil Young se lance dans un yodel incongru et franchement gênant.
Au milieu, "Pushed Over The End" et "On The Beach" sont des extraits de la méga-tournée des stades avec Crosby, Stills & Nash, ce ne sont pas les versions du coffret CSNY74 mais il y peu de différences. Une pause électrique et bruyante sur ce disque essentiellement calme et acoustique.
Suivent plusieurs inédits (ou presque)."Vacancy", une guitare et un rythme frappé au pied, c'est à mon avis une des meilleures chansons de Neil Young. "One More Sign" seul au piano, genre dans lequel il a trop peu édité. "Frozen Man" et "Bad News Come To Town", au meilleur de ce qu'il sait faire seul avec une guitare. Une nouvelle version du superbe "Give Me Strenght", une guitare, des ornements vocaux d'Ellen Talbot, des petites phrases au piano. Comment des choses aussi vieilles peuvent-elles être si nouvelles ? C'est comme une découverte archéologique fondamentale : un objet est déterré et on se demande comment on a pu s'en passer pendant si longtemps. Ecouter cette brassée musicale rend la vie digne d'être vécue.
C'est avec le Crazy Horse et Ben Keith qu'est enregistré un préhistorique "Changing Highways", il faudra patienter 20 ans, enlever Ben Keith et ajouter de l'électricité pour l'écouter sur Broken Arrow.
On peut aisément envisager The Old Homestead comme un album, la cohérence de l'ensemble est frappante.
En septième position, prend place Homegrown enregistré entre juin 1974 et janvier 1975 et publié en 2020. "Daughters", compostion inédite issue des sessions avec Emmy Lou Harris est proposé sur le disque précédent ; son caractère trop marqué country explique probablement son éviction de l'album.
En 1975 paraît l'irradiant Zuma, un des chefs d'oeuvre de Neil Young, et à tout le moins un des grands albums de l'histoire de la musique. Les passages en studio (de mai à septembre) de cet album sont regroupés sous l'appelation Dume, de Point Dume en Californie, lieu de la majorité des enregistrements. Zuma est l'album de la renaissance du Crazy Horse. C'est Billy Talbot qui amène Frank "Poncho" Sampedro à Ralph Molina et Neil Young, une après-midi suffit à son embauche. Neil Young trouve en F. Sampedro le sparring-partner idéal à ses envolées soniques, Sampedro c'est une guitare efficace, sans failles, un pilier. C'est à cette occasion que Crazy Horse enregistre ce qui reste son meilleur album, Crazy Moon.
Une proto-version très brute de "Ride My Llama" sert à entamer ce disque. C'est un peu assagie qu'elle apparaitra trois ans plus tard dans Rust Never Sleeps. Autre saut dans le temps mais avec Freedom et "Too Far Gone". C'est une très rare occasion d'écouter F. Sampedro sur autre chose qu'une guitare électrique, puisqu'il est à la mandoline. Sur ce disque, le côté country-rock disparaît, le titre y gagne en subtilité.
L'emblématique "Cortez The Killer" figure dans sa version définitive, qui s'efface doucement dans la baisse du volume, ce qu'ils ont continué de jouer après conserve tristement son mystère.
L'inédit "Born To Run" est un rock lourdeau sans nuances, qui préfigure ce que Neil Young fera dans les 80's, et qui rend encore plus brillant le "Barstool Blues" qui suit. Ce "Born To Run" n'a rien en commun avec le reste du disque.
Il est toujours intéressant de comparer les versions acoustiques et électriques d'un même titre. "Kansas" à l'atmoshère rêveuse sur Homegrown est ici transformé par l'électricité du Crazy Horse en un morceau assez claquant, très abrupt. L'intimisme de "Hawaii", un des trésors de Hitchhiker, disparaît intégralement au profit d'un rock bien balancé, agréable, mais au final assez banal surtout à cause d'un Billy Talbot peu inspiré.
"Lookin'For A Love" est ici dans sa version originale du 28 septembre 1975, mais elle est plus ancienne, elle a été jouée au concert Snack Benefit avec Bob Dylan et le Band le 15 mars 1975. Ce concert est un bootleg aussi célèbre que déglingué.
Sur Rust Never Sleeps c'est un enregistrement solo de 1977 qui fait connaître "Pocahontas", et pourtant sa première version est électrique avec un Crazy Horse en roue libre, très cool, pas de mur du son ni de déluge sonore.
Avec la parution de Hitchhiker en 2017, fabuleux enregistrement de la soirée du 11 août ; puis en 2018 de Songs For Judy, couronnement officiel des Bernstein Tapes, bootleg tellement répandu qu'il est au moins disque de platine ; l'année 1976 qui apparaissait relativement pauvre dans la discographie de Neil Young, Long May You Run avec Stephen Stills, a retrouvé ses lettres de noblesse. Alors on se demande ce que peut apporter ce neuvième disque, Look Out For My Love.
En février débute l'histoire du Stills-Young Band. Les frères ennemis du Buffalo Springfield tente un rapprochement et commence à enregistrer l'album Long May You Run qui sortira en septembre suivant et marchera plutôt bien. Seuls les titres de Neil Young sont présentés mais la présence de Stephen Stills est évidente, on reconnaît dès le début son jeu caractéristique, légèrement prétentieux et très démonstratif. Le disque donne à écouter quelques versions très similaires à celles de l'album. Après une pause en mars, ils sont rejoints en avril par Graham Nash et David Crosby qui apportent leurs harmonies vocales sur quelques titres. L'ambiance musclée entre Stills et Young fait fuire les deux autres, ce qui aurait pu être Human Highway, un album du quatuor disparaît corps et biens. Long May You Run n'a rien d'inoubliable, surtout si on pense aux premières collaborations au sein du Buffalo Springfield une dizaine d'années auparavant.
"Midnight On The Bay", très belle composition de Long May You Run est jouée pour la première fois au Hammersmith Odeon de Londres lors d'une courte tournée en mars 1976. C'est simplement beau. Neil Young avec sa guitare et son harmonica, une chanson à l'os débarassée des fioritures de la production de l'album. Il est dommage que ce titre soit si rarement joué. C'est un des grands moments du coffret.
Dévoilée sur l'album Unplugged, "Stringman" captée lors de la même virée londonienne que la prédédente, avec des overdubs du lendemain, est encore un exemple de la formidable capacité de Neil Young à conserver des bijoux pendant des lustres avant de les montrer. Toujours à Londres mais en studio, l'unique version connue de "Mediterranean" ressemble à une ébauche de travail, une idée enregistrée pour éviter l'oubli.
Pour clore Look Out For My Love toute la magie de Crosby, Stills, Nash & Young : "Human Highway" est magnifique ! Neil Young à la rythmique et au chant principal, Stephen Stills qui s'amuse avec un bottleneck, les harmonies vocales chaudes et envoûtantes de David Crosby et Graham Nash. Ça paraît si simple.
Le dernier disque, Odeon Budokan, est une compilation d'extraits de deux concerts. Les cinq morceaux de la partie acoustique sont enregistrés à Londres, et sont issus du même concert que les deux titres du disque précédent. Il est tout à fait regrettable que l'inédit "Sad Movies", joué lors de cette tournée n'ait pas trouvé sa place.
Bien plus attrayante est la partie éléctrique captée au Budokan Hall de Tokyo le 10 mars 1976. Cette escapade japonaise est une première pour pas mal de choses. Pour tout le groupe c'est un nouveau pays et un nouveau public ; à part la "Rolling Zuma Revue", une poignée de concerts secrets dans des bars californiens (dont le Catalyst déjà), il s'agit des débuts scéniques de Frank "Poncho" Sampedro au sein du Crazy Horse ; enfin, les morceaux de Zuma sont étrennés au Japon. "Don't Cry No Tears" et "Drive Back" sont d'ores et déjà très efficaces ! Autre débutant nippon de premier choix : "Cortez The Killer" est joué préssé, un peu timide même. Il reste du chemin pour arriver au tonnerre d'électricité qui crâme le cerveau dans Weld, c'est une composition jeune, encore en devenir. Une particularité cependant, Ralph Molina, batteur si discret habituellement est très expressif dans cette interprétation.
Récemment composée et enregistrée, "Lotta Love" commence sa carrière de morceau le plus cool du monde lors de cette tournée, plus de 2 ans avant sa sortie.
Quant à la déjà classique "Cowgirl In The Sand", elle est livrée dans une version toute en syncope, quasi épileptique. Du grand art ! Tout Crazy Horse est là.
Neil Young a une carrière cahotique, bordélique, la durée est une des explications ; mais sur la période couverte par ce coffret qui n'a rien d'un cercueil, son parcours est musicalement exemplaire, les titres faibles ou anecdotiques sont en quantité négligeable. Ces enregistrements placés chronologiquement montrent sa capacité à passer d'un projet à l'autre, de revenir en arrière, de tout changer, on y voit ses hésitations, et ses incroyables morceaux oubliés. Proposer un ensemble d'une telle cohérence est impressionnant, surtout concentré sur 3 ans et demi.
N.B. : Sont prévues, sans dates annoncées, des sorties indépendantes des volumes Dume et Ocean Budokan en vinyl. Les douze titres inédits sont dévoilés régulièrement les uns après les autres sur le NeilToungChannel de YouTube.
Contrairement au volume I paru sous de multiples formats physiques (cd/dvd/blu-ray), ce volume II n'est sorti qu'en cd et bien sûr en streaming. Mais comme le premier il a été annoncé et reporté à plusieurs reprises. Ce coffret est paru une première fois en novembre 2020 : 3 000 exemplaires (avec un livre) à tarif prohibitif, vendus en une journée sur le site Greedy Hand (la main avide...), suivi d'un deuxième lot dans les mêmes conditions, et enfin du tirage courant (sans livre) le 5 mars 2021.
Le premier disque s'appelle Everybody's Alone, il débute avec trois titres issus d'une séance solo en studio du 15 novembre 1972 avec Henry Lewy, un des producteurs de Harvest. Un inédit, "Letter From 'Nam", une douce ballade à la guitare, c'est une très belle entrée en matière ; la musique sera reprise plus tard pour "Long Walk Home" sur Life. Plusieurs morceaux du live Time Fades Away ne sont pas connus autrement, "Last Dance", un morceau country rock assez saignant paraît ici dans une version solo beaucoup plus courte et surtout plus douce sous le nom "Monday Morning". C'est également le cas du magnifique tire-larmes "The Bridge", à la fin on entend Henry Lewy : " What a beautiful song ! ", il n'a pas tort.
Un mois plus tard, le trépidant "Time Fades Away" est enregistré en studio avec les Stray Gators, c'est un peu plus court que sur l'album. Toujours le 15 décembre 1972, on passe très rapidement "Come Along And Say You Will", inédit country-rock qui penche franchement vers la chanson à boire. Le groovy pantelant "Goodbye Christians On The Shore" est dans l'esprit indolent des meilleurs titres de Harvest. Pour quelle raison est-il resté dans les cartons pendant près de 50 ans ? Voilà un des secrets incompréhensibles de Neil Young.
Non seulement Time Fades Away est longtemps resté compliquer à se procurer, mais en plus Neil Young avait gardé des titres dans ses tiroirs. La rare face B du 45t "Time Fades Away", le bluesy bastringue "The Last Trip To Tulsa" en live, est un des très bons moments de ce premier disque. Dans le genre cradingue aussi, un live inédit et brûlant de "The Loner", rien à voir avec ce qu'on connaît de ce titre habituellement.
Il est question de Joni Mitchell à deux reprises dans ce coffret, ça commence avec la ballade inédite mais archi connue "Sweet Joni" au piano, captée live à Bakersfield.
Une question : où est Time Fades Away ? Ce disque sorti en 1973 et qu'il essaie de planquer depuis. Ce ne sont pas les rééditions quasi contraintes et hors de prix de 2014 et 2017 qui en justifient l'absence, d'autant plus que l'édition cd est épuisée et qu'à nouveau il refuse une réédition. Qu'y a t-il de si terrible, de si douloureux associer à ce disque ou au souvenir de ce disque qui provoque un tel acharnement vers le néant ? Si à mon avis cet album ne mérite pas le culte qui lui est voué, Time Fades Away contient quelques-unes des plus belles pierres de l'immense répertoire de Neil Young, à commencer par le très court "Love In Mind", véritable concentré de tendresse.
Le deuxième disque reprend sans modifications le live Tuscaloosa enregistré en février 1973, et sorti en 2019.
Bien que paru en 1975 après On The Beach, Tonight's The Night a été enregistré avant et prend donc place sur ce troisième disque. C'est évidemment une partie des archives parmi les plus attendues, le résultat est une déception puisque pour douze titres il y a huit originaux et ce qui reste n'a rien d'excitant.
"Speakin'Out Jam" pour commencer, le travail est en train de se faire autour de la rythmique Talbot/Molina, chacun y va de son petit essai, Nils Lofgren à la guitare, Neil Young au piano et Ben Keith au pedal steel, ça progresse, ça cherche. C'est tout de même plus du documentaire qu'autre chose. Idem pour "Tonight's The Night Part II" à la fin du disque.
"Everybody's Alone" figurait dans le premier volume des Archives enregistré pendant les sessions d'After The Goldrush, il y a peu de différences, mais il est agréable de retrouver ce morceau si rare.
Pendant l'enregistrement, Joni Mitchell est de passage, elle enregistre avec tout le groupe son "Raised In Robbery", un boogie rock qui paraitra complètement assagi (aseptisé ?) sur son album Court & Spark en 1974. C'est une rare occasion d'entendre ensemble les deux canadiens alors qu'ils sont complices depuis longtemps déjà à cette époque et le sont toujours.
Roxy :Tonight's The Night Live sorti en 2018 et ici sur la quatrième disque bénéficie d'un ajout final : "The Losing End", retrouvé entre-temps.
Le disque suivant, Walk On, renseigne la période d'enregistrement d'On The Beach. Il est tout aussi avare avec deux versions différentes et un inédit, "Greensleeves", une vieille chanson anglaise du XVIème siècle dont on trouve des versions dans tous les genres musicaux et à toutes les époques, de Jordi Savall à John Coltrane, ça reste anecdotique ; tout comme l'interprétation de "Bad Fog Of Loneliness", très proche de celle qui se trouve dans le volume I des Archives.
Grâce au coffret live CSNY 74 "Traces" était arrivée jusqu'à nous, ce deuxième volume présente deux versions studios. La première sur ce disque est l'oeuvre de Neil Young seul à la guitare, la seconde enregistrée avec le Stills-Young Band en 1976 (sur le neuvième disque) est beaucoup plus rock, plus dure, alors que c'est une chanson pleine de douceur.
Il est dommage de ne pas avoir agrémenté cette période avec des extraits du mémorable concert imprévu (mais en bootleg !) au Bottom Line de New York du 16 mai 1974. De merveilleuses raretés live comme "Motion Pictures" ou "Pardon My Heart" étaient les bienvenues.
The Old Homestead, le sixième disque, est de loin le plus généreux avec ses dix-neuf titres. La qualité de ce disque est telle qu'il est le cœur de ce volume d'archives.
Les six premiers titres sont enregistrés les 15 et 16 juin 1974 chez Neil Young, au Broken Arrow Ranch. Seul ou avec le bassiste Tim Drummond ce qu'on écoute est absolument superbe ! La dernière chanson de Zuma, la sublime "Through My Sails", jouée avec une unique guitare n'a plus le charme des choeurs arrangés par David Crosby mais elle a une simplicité, une innocence incroyable, c'est beau à pleurer... "Homefires", inédit joué de temps en temps et découvert lors des Fireside Sessions de 2020, est un morceau qui brille par sa modestie, sa simplicité. L'ambiance rappelle le coolissime "Out On The Weekend".
Interprété paisiblement en groupe sur Zuma, le très doux "Pardon My Heart" est assez proche avec une basse, une guitare et une voix de ce qu'il est sur l'album. Que ce soit sur scène avec Crosby, Stills & Nash, ou avec Tim Drummond comme unique compagnon "Hawaiian Sunrise" reste un peu anecdotique malgré son petit air mariachi. Totalement inconnu, "L.A. Girls And Ocean Boys" joué avec une certaine gravité au piano présente des similitudes avec "Danger Bird".
Découvert sur CSNY 74,"Love/Art Blues" est proposé dans trois versions différentes sur ce disque. La première, Neil Young seul avec une guitare est assez proche de la deuxième où il est accompagné par Tim Drummond et par Ben Keith au dobro. C'est une chanson bien balancée, assez gaie, légère. Pour la troisième ils sont rejoints par un batteur, c'est plutôt pas mal, sauf que vers la fin Neil Young se lance dans un yodel incongru et franchement gênant.
Au milieu, "Pushed Over The End" et "On The Beach" sont des extraits de la méga-tournée des stades avec Crosby, Stills & Nash, ce ne sont pas les versions du coffret CSNY74 mais il y peu de différences. Une pause électrique et bruyante sur ce disque essentiellement calme et acoustique.
Suivent plusieurs inédits (ou presque)."Vacancy", une guitare et un rythme frappé au pied, c'est à mon avis une des meilleures chansons de Neil Young. "One More Sign" seul au piano, genre dans lequel il a trop peu édité. "Frozen Man" et "Bad News Come To Town", au meilleur de ce qu'il sait faire seul avec une guitare. Une nouvelle version du superbe "Give Me Strenght", une guitare, des ornements vocaux d'Ellen Talbot, des petites phrases au piano. Comment des choses aussi vieilles peuvent-elles être si nouvelles ? C'est comme une découverte archéologique fondamentale : un objet est déterré et on se demande comment on a pu s'en passer pendant si longtemps. Ecouter cette brassée musicale rend la vie digne d'être vécue.
C'est avec le Crazy Horse et Ben Keith qu'est enregistré un préhistorique "Changing Highways", il faudra patienter 20 ans, enlever Ben Keith et ajouter de l'électricité pour l'écouter sur Broken Arrow.
On peut aisément envisager The Old Homestead comme un album, la cohérence de l'ensemble est frappante.
En septième position, prend place Homegrown enregistré entre juin 1974 et janvier 1975 et publié en 2020. "Daughters", compostion inédite issue des sessions avec Emmy Lou Harris est proposé sur le disque précédent ; son caractère trop marqué country explique probablement son éviction de l'album.
En 1975 paraît l'irradiant Zuma, un des chefs d'oeuvre de Neil Young, et à tout le moins un des grands albums de l'histoire de la musique. Les passages en studio (de mai à septembre) de cet album sont regroupés sous l'appelation Dume, de Point Dume en Californie, lieu de la majorité des enregistrements. Zuma est l'album de la renaissance du Crazy Horse. C'est Billy Talbot qui amène Frank "Poncho" Sampedro à Ralph Molina et Neil Young, une après-midi suffit à son embauche. Neil Young trouve en F. Sampedro le sparring-partner idéal à ses envolées soniques, Sampedro c'est une guitare efficace, sans failles, un pilier. C'est à cette occasion que Crazy Horse enregistre ce qui reste son meilleur album, Crazy Moon.
Une proto-version très brute de "Ride My Llama" sert à entamer ce disque. C'est un peu assagie qu'elle apparaitra trois ans plus tard dans Rust Never Sleeps. Autre saut dans le temps mais avec Freedom et "Too Far Gone". C'est une très rare occasion d'écouter F. Sampedro sur autre chose qu'une guitare électrique, puisqu'il est à la mandoline. Sur ce disque, le côté country-rock disparaît, le titre y gagne en subtilité.
L'emblématique "Cortez The Killer" figure dans sa version définitive, qui s'efface doucement dans la baisse du volume, ce qu'ils ont continué de jouer après conserve tristement son mystère.
L'inédit "Born To Run" est un rock lourdeau sans nuances, qui préfigure ce que Neil Young fera dans les 80's, et qui rend encore plus brillant le "Barstool Blues" qui suit. Ce "Born To Run" n'a rien en commun avec le reste du disque.
Il est toujours intéressant de comparer les versions acoustiques et électriques d'un même titre. "Kansas" à l'atmoshère rêveuse sur Homegrown est ici transformé par l'électricité du Crazy Horse en un morceau assez claquant, très abrupt. L'intimisme de "Hawaii", un des trésors de Hitchhiker, disparaît intégralement au profit d'un rock bien balancé, agréable, mais au final assez banal surtout à cause d'un Billy Talbot peu inspiré.
"Lookin'For A Love" est ici dans sa version originale du 28 septembre 1975, mais elle est plus ancienne, elle a été jouée au concert Snack Benefit avec Bob Dylan et le Band le 15 mars 1975. Ce concert est un bootleg aussi célèbre que déglingué.
Sur Rust Never Sleeps c'est un enregistrement solo de 1977 qui fait connaître "Pocahontas", et pourtant sa première version est électrique avec un Crazy Horse en roue libre, très cool, pas de mur du son ni de déluge sonore.
Avec la parution de Hitchhiker en 2017, fabuleux enregistrement de la soirée du 11 août ; puis en 2018 de Songs For Judy, couronnement officiel des Bernstein Tapes, bootleg tellement répandu qu'il est au moins disque de platine ; l'année 1976 qui apparaissait relativement pauvre dans la discographie de Neil Young, Long May You Run avec Stephen Stills, a retrouvé ses lettres de noblesse. Alors on se demande ce que peut apporter ce neuvième disque, Look Out For My Love.
En février débute l'histoire du Stills-Young Band. Les frères ennemis du Buffalo Springfield tente un rapprochement et commence à enregistrer l'album Long May You Run qui sortira en septembre suivant et marchera plutôt bien. Seuls les titres de Neil Young sont présentés mais la présence de Stephen Stills est évidente, on reconnaît dès le début son jeu caractéristique, légèrement prétentieux et très démonstratif. Le disque donne à écouter quelques versions très similaires à celles de l'album. Après une pause en mars, ils sont rejoints en avril par Graham Nash et David Crosby qui apportent leurs harmonies vocales sur quelques titres. L'ambiance musclée entre Stills et Young fait fuire les deux autres, ce qui aurait pu être Human Highway, un album du quatuor disparaît corps et biens. Long May You Run n'a rien d'inoubliable, surtout si on pense aux premières collaborations au sein du Buffalo Springfield une dizaine d'années auparavant.
"Midnight On The Bay", très belle composition de Long May You Run est jouée pour la première fois au Hammersmith Odeon de Londres lors d'une courte tournée en mars 1976. C'est simplement beau. Neil Young avec sa guitare et son harmonica, une chanson à l'os débarassée des fioritures de la production de l'album. Il est dommage que ce titre soit si rarement joué. C'est un des grands moments du coffret.
Dévoilée sur l'album Unplugged, "Stringman" captée lors de la même virée londonienne que la prédédente, avec des overdubs du lendemain, est encore un exemple de la formidable capacité de Neil Young à conserver des bijoux pendant des lustres avant de les montrer. Toujours à Londres mais en studio, l'unique version connue de "Mediterranean" ressemble à une ébauche de travail, une idée enregistrée pour éviter l'oubli.
Pour clore Look Out For My Love toute la magie de Crosby, Stills, Nash & Young : "Human Highway" est magnifique ! Neil Young à la rythmique et au chant principal, Stephen Stills qui s'amuse avec un bottleneck, les harmonies vocales chaudes et envoûtantes de David Crosby et Graham Nash. Ça paraît si simple.
Le dernier disque, Odeon Budokan, est une compilation d'extraits de deux concerts. Les cinq morceaux de la partie acoustique sont enregistrés à Londres, et sont issus du même concert que les deux titres du disque précédent. Il est tout à fait regrettable que l'inédit "Sad Movies", joué lors de cette tournée n'ait pas trouvé sa place.
Bien plus attrayante est la partie éléctrique captée au Budokan Hall de Tokyo le 10 mars 1976. Cette escapade japonaise est une première pour pas mal de choses. Pour tout le groupe c'est un nouveau pays et un nouveau public ; à part la "Rolling Zuma Revue", une poignée de concerts secrets dans des bars californiens (dont le Catalyst déjà), il s'agit des débuts scéniques de Frank "Poncho" Sampedro au sein du Crazy Horse ; enfin, les morceaux de Zuma sont étrennés au Japon. "Don't Cry No Tears" et "Drive Back" sont d'ores et déjà très efficaces ! Autre débutant nippon de premier choix : "Cortez The Killer" est joué préssé, un peu timide même. Il reste du chemin pour arriver au tonnerre d'électricité qui crâme le cerveau dans Weld, c'est une composition jeune, encore en devenir. Une particularité cependant, Ralph Molina, batteur si discret habituellement est très expressif dans cette interprétation.
Récemment composée et enregistrée, "Lotta Love" commence sa carrière de morceau le plus cool du monde lors de cette tournée, plus de 2 ans avant sa sortie.
Quant à la déjà classique "Cowgirl In The Sand", elle est livrée dans une version toute en syncope, quasi épileptique. Du grand art ! Tout Crazy Horse est là.
Neil Young a une carrière cahotique, bordélique, la durée est une des explications ; mais sur la période couverte par ce coffret qui n'a rien d'un cercueil, son parcours est musicalement exemplaire, les titres faibles ou anecdotiques sont en quantité négligeable. Ces enregistrements placés chronologiquement montrent sa capacité à passer d'un projet à l'autre, de revenir en arrière, de tout changer, on y voit ses hésitations, et ses incroyables morceaux oubliés. Proposer un ensemble d'une telle cohérence est impressionnant, surtout concentré sur 3 ans et demi.
N.B. : Sont prévues, sans dates annoncées, des sorties indépendantes des volumes Dume et Ocean Budokan en vinyl. Les douze titres inédits sont dévoilés régulièrement les uns après les autres sur le NeilToungChannel de YouTube.
Parfait 17/20 | par NicoTag |
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